Véritable mine de films d’auteurs, le cinéma tunisien, auquel le Festival des trois continents rend hommage à Nantes, a connu une période glorieuse dans les années 1980 et 1990 avec notamment « L’homme de cendres » (Nouri Bouzid, 1986) ou encore « Halfaouine » (Férid Boughedir, 1990).Ce cinéma, qui se démarque de celui des autres pays arabes par sa féminisation favorisée par des lois instaurées dès 1957 (droit de vote, IVG, accès à un salaire égal), compte aujourd’hui autant de réalisateurs que de réalisatrices.Les deux femmes s’accordent à dire que la place donnée à la femme en Tunisie a contribué à favoriser très tôt la liberté d’expression artistique du cinéma, à l’image du travail de la réalisatrice Moufida Tlatli (« Les Silence du palais »).Mais depuis quelques années, malgré une aide toujours croissante du ministère de la Culture tunisien, le monde cinématographique a sombré dans la morosité économique et finalement artistique. »L’état de la distribution est moribond, il n’y a plus que deux distributeurs. Il y a moins de 20 salles sur tout le territoire contre 200 il y a dix ans ou quinze ans », explique la productrice.Le cinéma tunisien ne connaît plus que « des percées ponctuelles », note Dora Bouchoucha qui regrette de ne pas voir émerger plus de « jeunes auteurs audacieux ».En 2000, Raja Amari, 34 ans, avait réussi cette percée avec « Satin rouge », l’aventure d’une mère de famille qui devient danseuse de cabaret. Un rôle de femme forte et dominatrice qui a choqué le public tunisien mais conquis les cinéphiles d’Europe et des Etats-Unis.Avec ce film, la réalisatrice voulait « transgresser certaines normes, mettre en scène des personnages féminins forts qui déstabilisent un peu l’ordre établi ».Mais si les réalisateurs tunisiens n’hésitent plus à dévoiler corps nus et scènes d’amour, certains sujets ayant trait à la morale ou au rôle de la femme restent tabous. »La femme est toujours représentée comme la victime qui s’insurge contre une société machiste », explique la réalisatrice qui a parié sur « un personnage féminin qui transgresse les règles morales et qui en sort gagnant ». »Je savais que le film allait déranger, mais pas à ce point là, j’étais étonnée de la violence des réactions. Si à la fin du film le personnage se suicidait, si j’avais puni le personnage, cela serait bien passé », note-t-elle.Dora Bouchoucha soutiendra le prochain film de Raja Amari, dont le tournage est prévu en 2006 et la sortie en 2007. Racontant l’épopée d’un Tunisien en France, la réalisatrice promet de ne pas manquer d’audace avec une histoire qui tournera « autour du désir ».