L’autre rive fait un tabac

Partager

La pièce théâtrale « L’autre rive », de la Compagnie de théâtre Tin Hinan, produite par Niddal El Mellouhi et Messaoud Mohamed, présentée en avant-première, samedi soir, au Centre culturel algérien, a fait un tabac auprès du public venu en grand nombre assister à la représentation. Mise en scène par Niddal El Mellouh, également comédien de talent, « L’autre rive », librement inspirée de la pièce de l’écrivain, dramaturge et cinéaste français Marcel Pagnol « Marius, Fanny, César », est une tragi-comédie qui renvoie à des thèmes universels et toujours d’actualité à savoir le désespoir de la jeunesse et l’immigration clandestine.  Amours contrariés, mariages arrangés, chômage et désoeuvrement, rêves d’évasions qui se fracassent sur l’autre rive de la Méditerranée, c’est tout cela à la fois, sur fond de tragédie terroriste gorgée de douleurs et de tourments rapportés par les médias, que raconte cette pièce théâtrale. Fortement ovationnée par un public visiblement impressionné par l’aisance et la spontanéité des comédiens sur scène, mais aussi amusés par leurs répliques et mimiques, cette pièce, qu’on classerait volontiers dans le répertoire populaire du théâtre contemporain, est montée avec une distribution de comédiens Algériens et Français.  Elle raconte, non sans dérision et humour, l’histoire de jeunes en mal de vivre et d’être, qui ne rêvent que de partir sur l’autre rive, celle qui semble promettre, du moins en apparence, emplois, bien-être, bonheur et sécurité.  « L’autre rive », c’est aussi le drame de Kaïss, jeune diplômé au chômage, qui aide, tant bien que mal, son père à tenir un café et dont son compagnon d’infortune, et non moins meilleur, Moha, tente en vain de convaincre de prendre un bateau clandestin pour aller réaliser leurs rêves en Europe. Tous les jours, ils s’installent au port, guettant l’arrivée de ces bateaux qui, pour Moha, sont bourrés d’espérance puisqu’ils peuvent les transporter sur l’autre rive qui porte en son creux cet Eldorado si fascinant à leurs yeux. Mais le jour où Foula, la fille qu’il aime secrètement, est mariée de force par sa mère à un vieil homme fortuné il se décide, rongé par le désespoir, de rejoindre son ami sur une embarcation de fortune, après avoir payé un passeur, car il estimait qu’il n’avait plus aucune raison pour rester. Quelques années plus tard, Kaïss revient au bercail. Les projets qu’il souhaitait tant réaliser pour faire fortune sur l’autre rive de la Méditerranée n’étaient que chimères brisées par la dure réalité de l’immigration clandestine.

Des situations familiales faites d’amour et d’humour

« Nous avons fait le choix de raconter cette histoire avec pour décor les années 90, car nous voulions traiter de situations familiales, faites d’amour et d’humour, dans un contexte assez grave qui n’empêchaient pas les gens de continuer à vivre et à fantasmer », a souligné le metteur en scène de la pièce, Niddal El Mellouhi. « Nous avons traité le sujet de l’immigration clandestine, car celle-ci concerne beaucoup de pays d’Afrique et du monde arabe, mais nous voulions simplement la situer en Algérie, sur un port, non loin de la Casbah, alors que cette histoire aurait pu se dérouler ailleurs aussi », a-t-il poursuivi. « Rien dans les propos des personnages ne révèle que le pays traversait une situation grave. Et tout le jeu consistait justement à ne pas laisser des évènements douloureux influencer ces familles enfoncées dans des drames personnels, que peut encaisser n’importe quelle famille d’Algérie ou d’ailleurs », a dit le metteur en scène.  « Le message que nous voulions transmettre est que quel que soit le peuple, ou le pays, là où il y a une guerre, il y a aussi la vie, qui prend ses droits. Les conflits ne nous transforment pas tous en monstres, puisque nous continuons malgré tout à vaquer à nos occupations, à aimer, rêver et monter des projets même si nous n’arrivons pas à les réaliser », a relevé El Mellouhi. La Compagnie Tin Hinan est le fruit du parcours d’un groupe de jeunes amateurs de théâtre qui, en 1980, ont créé « l’atelier du théâtre pour enfant » au Théâtre Régional de Sidi Bel Abbès, dirigé par Kateb Yacine, et monté plusieurs spectacles. En 1997, le trio composé d’Azzedine Abbar, Niddal El Mellouhi et Abdelkader Blahi, s’associe avec le jeune auteur et journaliste, H’mida Ayachi, pour fonder la compagnie professionnelle du théâtre Tin Hinan. En 2001, le théâtre Tin Hinan adapte en langue française : « Habil et Qabil » dans le cadre d’une coproduction avec le théâtre des Treize Vents à Montpellier. Au cours de l’année 2009, ils produisent « DZ’imigris » qui fit la même année et l’année suivante une tournée en Algérie. En 2012, la pièce de Habil obtient le 3ème prix au festival professionnel de Sidi Bel Abbes. « L’autre rive » est la deuxième expérience en écriture scénique et de mise en scène de Niddal El Mellouhi, après « DZ’imigris ».

Partager