Le meurtrier s’est trompé de victime

Partager

“A la manière d’un taureau dans une arène en Espagne, le meurtrier fonce sur tout ce qui est rouge”, a plaisanté le président de la cour criminelle de Béjaïa qui voulait sans doute détendre l’atmosphère de la salle d’audience avant-hier après-midi lors du procès en appel de l’accusé M. O. âgé de 34 ans, condamné au moment du 1er procès qui s’est déroulé le 20 octobre 2003 à la peine de la réclusion à perpétuité pour homicide volontaire avec préméditation et guet-apens. Et le seul tort de la victime B. Y., âgée de 36 ans au moment des faits, marié, père de deux enfants en bas âge, a été de se trouver au moment de l’acte fatal à l’arrêt de bus de la cité Tobbal et surtout de porter ce jour-là un tricot rouge.D’après les témoins qui ont essayé, l’un après l’autre, sur interpellation du président de la cour, de relater les circonstances dans lesquelles s’est déroulé le drame, il ressort qu’en ce jour du 10 juillet 2002, vers 18 h15, l’accusé, qui était saoul dans un bar situé non loin de l’arrêt de bus de la cité Tobbal, voulait, alors que le disc-jockey de l’établissement diffusait de la musique raï, écouter une chanson de Matoub Lounès. Et comme le préposé au choix des musiques refuse d’accéder à sa demande, il se serait mis à le narguer et même à incommoder les consommateurs du bar. A ce moment, les autres employés de la maison, aidés de quelques clients, décident de passer le gêneur à tabac avant de le jeter dehors. Et l’infortuné buveur a remarqué qu’une personne parmi le groupe qui l’avait rossé portait un tricot rouge.En se dirigeant vers la station des bus de la cité Tobbal, où il croyait avoir repéré son adversaire en la personne de la victime B. Y. qui avait la malchance de se trouver à ce moment précis à cet endroit précis et par dessus tout de porter un tricot rouge. L’accusé se saisit d’une barre de fer qui se trouvait là par hasard et lui asséna alors trois coups à la nuque, sur le torse et au bras qui s’avéreront fatals.Dans son émouvante plaidoirie, la partie civile, qui souligne que cette audience a dérangé la victime dans sa tombe et rouvert les blessures de la famille, a également mis l’accent sur le fait que par ce geste inconsidéré l’accusé a privé pour toujours les enfants de la victime de la prononciation du tendre “Avava”, fait une veuve éplorée et rendu une mère inconsolable à jamais.Quant à l’accusation qui a requis la peine capitale, elle a surtout attiré l’attention des juges sur le fait qu’il est impossible de trouver la moindre circonstance atténuante à l’accusé qui, sous l’effet de l’alcool, tue un homme, un père de famille qui rentrait chez lui, pour seulement la couleur de ses vêtements.La défense, assurée par trois avocats, s’est surtout évertuée à supprimer de l’accusation les notions de “préméditation” et de “guet-apens”, car, estiment les trois défenseurs, l’accusé, qui était effectivement sous l’effet de l’alcool, a frappé avec ce qu’il avait trouvé sous la main. La défense a surtout plaidé coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Après délibérations la peine de la réclusion criminelle à perpétuité est ramenée à 20 ans de prison ferme.

B. Mouhoub

Partager