Le commentaire : Les ambitions d’un compromis

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 Par Amar Naït Messaoud

Attendue depuis longtemps, la réunion de la 15e Tripartite de jeudi dernier peut prétendre au mérite de la franchise, puisqu’elle a été présentée, bien des semaines auparavant par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et même, fait rarissime, par le secrétaire général de l’UGTA, Madjid Sidi Saïd, comme une réunion ‘’purement’’ économique qui se donne pour ambition de faire redémarrer la machine productive nationale en dehors de la sphère des hydrocarbures, même si cette dernière, singulièrement dans le volet de la transformation pétrochimique, a besoin d’une dynamique nouvelle. Ainsi, gouvernement, centrale syndicale, patronat privé et même entrepreneurs publics, à travers l’UNEP, ont senti depuis longtemps la nécessité de se concerter autour des grandes problématiques économiques du pays, d’autant plus que les tripartites précédentes ont eu à traiter presque exclusivement des volets sociaux (principalement les revalorisations successives du Snmg). Lorsque l’une des sessions de ce forum, 2011, a été consacrée à la politique de l’entreprise, c’était pour venir au secours de certaines entités privées déstructurées, et cela, à travers le rééchelonnement des dettes fiscales. L’on se souvient qu’à l’époque, les patrons avaient élevé le niveau de revendication en réclamant carrément une amnistie fiscale, option que le gouvernement avait rejetée. 

Plus que le traitement segmentaire de certains volets économiques, la Tripartite de jeudi dernier a été consacrée à des questions globales qui, juxtaposées et combinées, font la grande problématique de l’économie algérienne. Cette «architecture’’ se voit dans les cinq groupes de travail dégagés par ce forum économique et social. Au premier groupe, il est confié la mission  d’ «élaborer le pacte économique et social de croissance». Du deuxième groupe,  il est attendu l’élaboration de propositions concrètes sur les modalités de la contribution du Fonds national d’investissement au financement de l’investissement national public et privé». L’on se souvient que le FNI est fonctionnel depuis le 1er mars 2009. C’est un instrument d’accompagnement pour le financement des projets. Il est issu de la restructuration de la Banque algérienne de développement (BAD), établissement qui était traditionnellement chargé de la gestion des prêts extérieurs destinés au développement des infrastructures et équipement publics. 

Le Fonds est, selon le ministre des Finances, Karim Djoudi, chargé «d’apporter les ressources financières supplémentaires et de répondre aux attentes des investisseurs par une approche nouvelle‘’. Le troisième groupe planchera sur le dossier inhérent à l’encouragement de la production nationale, y compris par un ‘’coup de pouce’’ qui viendrait par le canal du crédit à la consommation, réservé exclusivement aux produits locaux. Un autre groupe de travail s’occupera de l’encadrement  alors que le quatrième groupe prendra des actes de gestion et travaillera à concrétiser le principe de la dépénalisation des actes de gestion, tant revendiqué par les gestionnaires publics. Au dernier groupe est revenue la tâche de faire des propositions quant aux modalités qui puissent faciliter l’intervention des entreprises nationales du BTPH dans la réalisation du programme national d’équipement. Une mission qui s’impose après les grands moments de tension vécus par les entreprises algériennes lorsque la majorité d’entre elles ont été exclues des programmes induits par les plans quinquennaux de développement, au profit de partenaires privés, lesquels, ô comble de malheur, ont fait sous-traiter une partie de leurs plans de charge par des entreprises algériennes. Ce sont autant de questions fondamentales qui n’ont pas eu l’heur d’être posées et traitées au moment voulu. C’est un passif qui s’est accumulé en se greffant à d’autres déconvenues, telle que l’inflation galopante, pour aboutit à une mixture explosive. En se saisissant de ces lourds dossiers en ce moment précis- projet de révision de la Constitution et échéance présidentielle- le Premier ministre peut être suspecté de ‘’faire de la politique’’. Il en est déjà accusé par certains milieux. Mais, pour ces deniers, aucun moment n’est vraiment favorable pour un examen de l’état économique et social du pays et pour des solutions courageuses à l’indolence économique bâtie sur la rente.

 A. N. M.

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