“L’Algérie n’est pas à l’abri !”

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Le département des sciences économiques, commerciales et de gestion, relevant de l’Université Akli Mohand Oulhadj de Bouira, a organisé mardi et mercredi derniers, un forum international portant sur le thème «Le management des risques financiers et son impact sur l’économie mondiale». Lors de ce colloque, plusieurs experts et spécialistes nationaux et internationaux, notamment des professeurs et docteurs es économie, venus d’Egypte, d’Arabie Saoudite, de Tunisie et de France, se sont penchés sur la problématique de la gestion des risques financiers et la gouvernance dans le secteur bancaire.

Le capitalisme «sauvage» pointé du doigt

En premier lieu, les différents intervenants ont tenu à définir «La gestion des risques», en soulignant le fait que « La gestion des risques a pour but de créer un cadre de référence aux entreprises, afin d’affronter efficacement le risque et l’incertitude ». Par la suite, le Dr Mohamed Berak, enseignant à l’Ecole Supérieure de Commerce d’Alger, indiquera que « les risques sont présents dans presque toutes les activités économiques et financières des entreprises. Le processus d’indentification, d’évaluation et de gestion des risques fait partie du développement stratégique de l’entreprise et doit être conçu et planifié au plus haut niveau, notamment en conseil d’administration. Une approche intégrée de la gestion des risques doit évaluer, contrôler et faire le suivi de tous les risques auxquels l’entreprise est exposée». Poursuivant sur sa lancé ce spécialiste ajoutera : «En général, un risque pur est une combinaison de la probabilité ou de la fréquence d’un événement et de sa conséquence, qui peut être positive ou négative. Il peut se mesurer par la déviation ou la volatilité par rapport à l’espérance mathématique ou aux résultats anticipés ». Ainsi, et selon cet expert, l’incertitude est moins précise car, souvent, la probabilité d’un événement incertain n’est pas connue, de même que sa conséquence. Dans ce cas, on parlera plus d’activités de précaution, plutôt que d’activités de prévention, pour se protéger de l’incertitude.

Viendra, ensuite, le tour des docteurs Abbad Hayat et Achouche Mohamed, de mettre en exergue « la réglementation prudentielle comme pratique régionale et internationale de la gestion du risque d’instabilité financière ». Les deux intervenants ont mis en surbrillance le fait que la stabilité financière est un bien public, au sens où elle profite à l’ensemble des agents économiques. A ce propos, le Dr Abbad dira que « la préservation de la stabilité financière internationale peut être, dans ce cadre, assimilée à un bien public mondial, dont la production implique des interventions globales hors marché menées dans le cadre de politiques publiques coordonnées entre pays ou par des organisations internationales, mettant en œuvre des instruments tels que les contrôles des mouvements de capitaux ». Dans la foulée, ces deux experts mettront en relief l’impact de la crise financière mondiale sur l’économie algérienne. Ainsi et selon eux, en raison de la mondialisation, cette crise n’épargne personne. Elle affecte les pays riches, comme les pays pauvres. L’Algérie, qui a affiché une croissance de 2,4% en 2008, semble en mesure de supporter les conséquences de la crise financière internationale. Le paiement de la dette par anticipation et la constitution d’un fond de réserves, l’explosion des prix des hydrocarbures… tout cela permet au pays d’être en bonne posture pour amortir, à court terme, les effets de la crise. «L’Algérie qui récolte près de 98% de ses recettes par l’exportation des hydrocarbures, ne peut être épargnée éternellement des effets de cette crise, surtout si cette dernière perdure. Le pays peut être touché par la crise à travers divers facteurs, tous liés aux exportations des hydrocarbures», ont prévenu les deux intervenants. Par la suite, le Dr Achouche a mis le doigt sur ce qu’il a qualifié de «fond du problème», à savoir les fonds ou actifs toxiques. Ces derniers, sont des actifs financiers que l’on ne peut plus vendre du fait qu’ils n’ont plus aucune valeur sur le marché. Ce sont des produits qui sont devenus non liquides. Pour les détenteurs de ce type d’actifs, cela a un coût important. C’est une perte sèche pour un montant égal au coût d’achat des actifs, la vente étant impossible. Ce type de produits était réservé aux institutionnels, de par les montants importants à investir. Ces institutionnels étaient notamment des banques et des fonds de placement. Le terme actif toxique a été essentiellement utilisé pour les ‘’subprimes’’, des crédits hypothécaires (le début de la crise financière aux USA en 2008).

La Banque d’Algérie «garante» d’une stabilité financière

Donc, et à l’inverse de ces fonds toxiques, il existe des fonds dits ‘’ propres’’ ou solvables. Cette solvabilité est, d’après les différents spécialistes présents, « la clé » de la sortie de crise. Ainsi, La solvabilité d’une banque est représentée par les experts dans le fait qu’elle puisse faire face aux demandes de retrait de ses déposants, et cela fait partie de la responsabilité des autorités de tutelle de s’assurer que les banques sont bien aptes à faire face à leurs obligations. « Il y va, en effet, de la stabilité de l’économie tout en entière d’un pays. Or, une banque se trouve davantage en sécurité si une partie de son actif circulant n’est pas financée par des ressources qui viendraient à échéance dans l’année (…) L’actif présente toujours un caractère aléatoire et donc risqué en particulier quand il est constitué essentiellement de créances comme pour les banques, alors que les dettes, elles, sont inéluctable, c’est pourquoi il faut qu’une partie de l’actif soit financée non pas par les dettes mais par du capital », ont-ils encore dit.

Pour le cas de l’Algérie, les conférenciers, notamment M. Ait Akache Samir, enseignant chercher à l’Université de Bouira, ont insisté sur la bonne gouvernance, rôle de la Banque d’Algérie (BA), pour le maintien de la stabilité du système financier Algérien et l’application des textes des accords de Bale (entre 1998 et 2010). Ces accords définissent un ensemble de règles bancaires internationales qui visent à «moraliser» le secteur financier. Pour ce qui est de la Banque d’Algérie, cette institution doit, selon les économistes présents, veiller à l’efficacité de l’intermédiation bancaire. Pour assurer sa mission, la BA exerce un contrôle et une surveillance particulière des agrégats financiers et des procédures de création et de retraits d’agrément des banques et des établissements financiers. Cet interventionnisme a pour objectif de protéger les épargnants et les investisseurs, en faisant éviter aux établissements une mauvaise gestion des risques. A cet effet, et toujours selon les intervenants de ce forum, la BA et le Conseil Bancaire, doivent prendre en charge l’ensemble de ces dispositions légales. Ce Conseil et la Banque Centrale ont, d’après les conférenciers, mis en place une réglementation bancaire applicable aux banques et aux établissements financiers. La Banque est chargée, pour le compte de la Commission, d’organiser et d’effectuer les contrôles sur pièces et sur place. En application de la réglementation, la Commission Bancaire peut demander aux banques et aux autres établissements financiers tous renseignements et éclaircissements, ainsi que toutes les justifications nécessaires à l’exercice de sa mission. Elle peut étendre son contrôle aux participations et aux relations financières entre les personnes morales qui contrôlent directement ou indirectement tout intermédiaire financier, et est autorisée à demander à toute personne concernée, la communication de tout document ou de tout renseignement. Pour parfaire sa mission, le secret professionnel ne lui est pas opposable.

Ramdane Bourahla

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