Mourir dans la bêtise

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Par  Amar Naït Messaoud

La haine et la guerre des ultras de l’arabisme continuent à déverser leur fiel et leurs balles contre toute prise en charge et réhabilitation de la culture amazighe en Algérie. Les acteurs ne sont pas nouveaux. Après Z’hour Ounissi, la semaine passée, le tour est à un certain « douctour » Ahmed Benaoum, membre de l’association pour la langue arabe, présidée par un certain Athmane Saâdi. Benaoum s’était déjà illustré au début des années 1990, dans sa croisade anti-amazighe, y compris en malmenant à outrance un homme politique du camp démocrate dans l’émission « Face à la presse », animée alors par Mourad Chebine. Sans détour ni hésitation, il déclare, dans un entretien accordé au quotidien Echourouk, publié en feuilleton depuis mercredi 12 février, l' »inadmissibilité » du pluralisme linguistique en Algérie. Le triptyque « arabité-amazighité-islamité », consacré dans la constitution algérienne est, pour ce « douctour », une hérésie dont il convient de dévoiler la « tromperie et le mensonge ». « Si ce triptyque est pris dans son sens horizontal », dit-il, c’est-à-dire une succession chronologique telle qu’elle a existé dans l’histoire, mais dont il ne faudrait tirer aucune conséquence pratique pour la prévalence et la pratique de la langue berbère, le Dr Benaoum peut nous « accorder » cette vérité que l’on peut, le cas échéant signaler dans un manuel scolaire; mais, si ce triptyque tend à signifier une vérité horizontale, dans l’espace, où coexisterait plusieurs langues, cela relèverait, selon le même personnage d’un « coup d’État contre les martyrs de la révolution ». Pas moins! Il assénera également que « ce à qui profite ce crime, c’est bien la France »! « La majorité des partisans de la promotion et de l’unification de Tamazight sont de tendance régionaliste, communiste et francophone; cette dernière tendance s’est liguée aux deux première non par amour pour Tamazight, mais par haine de la langue arabe ». Dans son incohérente diatribe, Benaoum justifie la liquidation physique des activistes de la mouvance berbère au sein du mouvement national. En 2014, le docteur déclare la guerre publiquement et solennellement à Tamazight, consignée pourtant dans la Constitution comme langue nationale à côté de l’arabe, et enseignée à l’école à des dizaines de milliers d’élèves. À la limite, le docteur concède que l’on puisse admettre la pluralité religieuse en Algérie, phénomène que l’on peut gérer, selon lui, par le recours à la laïcité mais jamais de pluralité linguistique. 

Cette dernière ne peut exister, d’après Benaoum, sans déchirement de la société et sans que, à la fin, un camp en arrive à éliminer un autre. S’agissant de l’expression de « butin de guerre », héritée de Kateb Yacine, et qu’une grande partie de l’élite nationale utilise à propos de la langue française, Ahmed Benaoum entraîne le lecteur dans un anachronisme historique désarmant. Il dira: « pourquoi l’Espagne, en chassant les Musulmans d’Andalousie, n’a pas déclaré la langue arabe comme butin de guerre »? Ce niveau de réflexion ne donne aucune chance au « douctour » de sortir de ses errements et de ses frustrations, comme il ne fait avancer le débat culturel en Algérie qu’à…reculons.

L’on se souvient d’une lettre que son association, chargée de « défendre la langue arabe », a transmise au président Bouteflika au début des années 2000. Le président en parla publiquement à la télévision en signifiant aux auteurs de la lettre de rester dans les limites de la mission qu’ils se sont donnée, à savoir travailler pour la promotion de la langue arabe. 

Mais, rentiers qu’ils sont, et baâthistes invétérés, au moment où ce mouvement a enregistré un recul historique depuis la mort de Saddam Hocine et la guerre en Syrie, les soldats anti-Tamazight perdent leur latin, euh,…leur arabe, et jurent par tous les saints qu’ils mourront dans la bêtise.

  A. N. M.

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