Que de plaisirs éprouve -t-on en visitant une région qui émeut et éblouit par ses panoramas splendides.
Amdoune n’Seddouk, puisque c’est de cette localité qu’il s’agit, est composée de quatre villages, autrefois éparses et aujourd’hui soudés par de nouvelles constructions, formant, ainsi, une grande agglomération de la taille du chef-lieu communal. La localité est formé d’un territoire possédant un seul flanc, tourné naturellement vers le Djurdjura. Ce territoire, d’une population dépassant les six mille habitants, au relief légèrement accidenté a les pieds dans la rivière de la Soummam et s’étire langoureusement jusqu’au sommet de la montagne d’Achtoug. Ceux qui l’ont visité disent qu’elle ressemble à un tableau de maître dessiné par des mains expertes où se sont données rendez-vous toutes les couleurs de la nature. Nous sommes à l’orée du printemps, une saison fabuleuse de l’année avec des journées merveilleusement ensoleillées, permettant aux habitants de sortir dans la nature cueillir les mimosas, ces fleurs qui ornent les champs qui dégagent des senteurs odorantes et font plaisir aux yeux. On ne l’appelle pas Amdoune n’Seddouk fortuitement, mais au regard de l’eau qui jaillit de partout le ravinant en formant des petits ruisseaux qui convergent vers la rivière Tassift, affluent de l’Oued Soummam. Région à vocation agricole par excellence où dominent l’olivier, le figuier… des arbres choyés qui donnent des produits du terroir.
Le village de la citrouille
Un homme âgé que nous avons questionné nous dira que le changement est radical entre le passé et le présent, comme dans tout autre village kabyle d’ailleurs. « Avant, les habitants d’Amdoun n’Seddouk vivaient dans l’insouciance totale, en s’assurant une autosuffisance grâce à l’agriculture d’où sont tirés les produits de consommation. Chaque famille possédait une ou plusieurs parcelles situées sur un terrain accidenté et travaillait dans les cultures arboricoles dominées par l’olivier et le figuier, avec leurs fruits, produits du terroir vénérés et adulés par la population. Sur les plaines, sont cultivées les produits maraîchers avec la prédominance de la citrouille, qui des rendements appréciables, d’où la légende qui a été consacrée à la région : vas y vendre la citrouille à Amdoun n’Seddouk » (Awi Thakhsauyth ar Admoun n’Seddouk). A notre époque, la rivière d’Irmane, dont les eaux vennaient des sources d’Elmafouka et d’Elmoumadha situées au piémont de la montagne, avait un débit assez fort permettant le fonctionnement de cinq moulins à grains installés sur ses rives. Avec cette eau, on irriguait les cultures céréalières et les potagers donnant des légumes frais. Chaque famille possédait son troupeau. Des chèvres, pour le lait frais du matin, dont le surplus était utilisé comme petit lait après en avoir extrait le beurre en le faisant balancer dans une citrouille remplie (sendou) et le lait caillé mangeable brut. La brebis, donnant des agneaux pour leur viande et sa toison précieuse pour la laine utilisée dans le métier à tisser pour la fabrication des burnous, des couvertures et autres effets vestimentaire, notamment pour la femme. Le mulet servait pour le transport et les bœufs pour labourer la terre », raconte, nostalgique, notre interlocuteur.
Il poursuit : « Aujourd’hui, tout cela à presque disparu, avec d’abord la colonisation qui nous a pris nos terres situées dans les plaines, nous laissant uniquement les parcelles situées sur les terrains accidentés à faibles rendement, d’où l’apparition de l’immigration vers les plaines de Annaba et de la Mitidja, et ensuite vers la France ».
La femme auxdoigts de fée
Il semble fier de raconter ce bon vieux temps aux jeunes, pour les sensibiliser à s’intéresser au passé de leurs aïeux. Une dame âgée, elle aussi, aussi n’a pas lésiné sur les mots en racontant le rôle de la femme, jadis, dans la famille. « De notre temps, la femme jouait un rôle important dans la famille. Elle s’occupait des taches ménagères, élevait les enfants mais elle avait aussi des doigts de fée pour le tissage. Elle fabriquait le burnous, un habit qui fait partie de l’identité kabyle, et la couverture qui fait partie aussi du trousseau de la mariée. Des habits qui protègent aussi du froid qui ne sont plus utilisés de nos jours avec la disparition du métier à tisser, tué par les usines modernes à grands rendements. Les femmes aussi savaient se divertir en animant un Ourar, un gala exclusivement pour les femmes. La fête était annoncée des jours à l’avance, quand les membres de la famille du marié ou de la mariée, ou en d’autres occasions telle que la circoncision d’un enfant, font du porte à porte pour informer toutes les femmes du village de la date de la soirée fixée. Le jour J, les femmes convergeaient vers le lieu et animaient leur gala avec seulement un instrument de fortune, le bendir, que maniait l’une d’entre elles, experte en la matière. Certaines applaudissaient et reprenaient en chœurs les chansons, alors que d’autres dansaient. Pendant ce temps, les hommes se retrouvaient dans un endroit pour dialoguer ou écouter de la musique d’un tourne-disque ou d’un magnétophone. Aujourd’hui, nous assistons à une refonte radicale en matière de fêtes où le disc jockey distille des chansons folkloriques plus au moins osées, au point qu’il est difficile de faire danser une mémé », a souligné notre interlocutrice.
Entre hier et aujourd’hui
De nos jours, cette indépendance a totalement disparue de cette contrée de cocagne et les populations sont tributaires de la municipalité de qui elles attendent des projets. La mauvaise distribution des subventions communales, allouées par les pouvoirs publics pour l’amélioration du cadre de vie des populations, avec des inégalités découlant de la mauvaise répartition mise en avant par les autorités, ont fait réagir les habitants des quatre villages composant Amdoune n’Seddouk, par le biais de leurs représentants (les notables) qui se sont réunis, dans la soirée de samedi passé pour établir un canevas de doléances. Tous les secteurs ont été épluchés pour inventorier les insuffisances dans une plate-forme des revendications. Une réunion qui a duré trois heures et où une feuille de présence et un procès verbal ont été établis dans l’optique de rendre systématique de telles réunions, partant du principe que l’union fait la force. « Il n’y a pas mieux que de mobiliser toutes les forces vives de la communauté », dira un notable désigné comme président, qui a énoncé les points débattus. « On a commencé par débattre du problème de l’eau, cette source de vie qui existait en abondance, autrefois, à Amdoune n’Seddouk, et qui se raréfie de plus en plus au point où nous restons des jours les robinets à sec. C’est le premier point que nous allons soumettre à l’APC de Seddouk pour une éventuelle solution avant l’arrivée de l’été. Comme deuxième point, on a débattu du centre de soins qui n’a pas connu une amélioration, depuis sa création durant les années 80. On a décidé de demander une extension, pour avoir une PMI et un dentiste. On a aussi discuté au sujet du bureau de poste qui fonctionne sans facteur, que nous jugeons indispensable eu égard des mécontentements des citoyens au sujet des retards dans la distribution du courrier et des pertes parfois constatées. L’enlèvement des ordures ménagères était au menu de cette réunion, car une décadence a été relevée suite à la réduction du nombre de rotations qui a fait que des tas d’ordures s’amoncellent dans chaque coin de rue. Une situation dangereuse, à l’approche des grandes chaleurs, où peuvent surgir de mauvaises odeurs et la prolifération des mouches, moustiques, rats, chats et chiens…etc, porteurs de maladies. Le CEM Chahid Bounzou Zoubir n’a pas été oublié avec le retard exorbitant qu’accuse le projet de la cantine scolaire, alors que le choix du terrain a déjà été fait il y a environ trois ans. Les notables craignent que ce retard débouche sur le détournement ou l’annulation du projet. Les escaliers menant à ce collège, en dégradation avancée, ne sont plus utilisés par les écoliers et on souhaite les voir remis en l’état. Les services de l’annexe administrative ne fonctionnent pas tous. Les notables envisagent de demander l’installation d’un logiciel informatique pour la délivrance d’un extrait de naissance S12. Pour le secteur de l’agriculture, ce sont les ouvertures de pistes agricoles ou leur manque d’entretien pour celles déjà existantes qui ont été relevés. L’absence de PPDRI et l’insuffisance de logements entrant le cadre du FONAL accordés pour cette région sont aussi décriées. Les logements épars construits souffrent de l’absence des réseaux d’AEP, d’assainissement et d’énergie électrique. La liste est loin d’être exhaustive, bien sur », a fait savoir cet interlocuteur qui n’a pas omis d’annoncer que le lendemain, soit dimanche, un groupe de 10 personnes est allé voir le maire, qui les a reçu dans la matinée, en présence du subdivisionnaire de l’hydraulique, car les représentants des citoyens ont préféré entamer leurs discussions par le problème crucial de l’eau. « Nous avons été bien reçus et entendus. Mais les deux responsables n’avaient pas tous les paramètres à leur niveau pour pouvoir répondre à nos doléances et ont préféré reporter la réunion pour le mardi 08 mars. Durant cet intervalle, les responsables feront des visites sur le terrain, en compagnie des notables, pour s’enquérir des problèmes qui se posent et chercher à en trouver des solutions, avec lucidité pour pouvoir régler définitivement des problèmes qui remontent à 2002. On a voulu soumettre nos soucis, l’un après l’autre à l’APC, en établissant un ordre de priorité », a ajouté ce représentant, qui n’a pas manqué de signaler un fait marquant, celui de l’absence à cette réunion du délégué communal affecté à cette région, alors qu’il y a été invité et s’interroge, ainsi, quant à la mission de ce délégué? Il faut dire aussi que ces villages sont restés longtemps sans que les notables ne se mettent à réagir, une négligence qui n’a pas été sans conséquences, du fait qu’elle a engendré un désinvestissement dans la région, auxquels les représentants actuels des citoyens s’attèlent à remédier en demandant des projets, et, disons le clairement, la part de leur commune dans les budgets alloués par l’Etat.
L. Beddar