Le cimetière de la localité de Sidi Ziane, à une dizaine de kilomètres à l’ouest du chef-lieu de la wilaya de Bouira, en plus d’être dans un état de délabrement très avancé affiche une particularité pour le moins intrigante.
Ainsi, à l’entrée de ce lieu du repos éternel, il y a une pancarte sur laquelle il est clairement et explicitement indiqué qu’ « il est formellement interdit d’écrire en français sur les pierres tombales ». Voulant en savoir plus sur cette étrange indication, attache a été prise avec certains villageois de cette localité. Ces derniers nous ont indiqué que cette pancarte date des années 90, où les intégristes islamistes régnaient en maître dans la région. « Notre région a beaucoup souffert du terrorisme et du salafisme. Certains individus ont profité de l’absence de l’Etat pour dicter leurs règles aussi absurdes soient-elles », nous a-t-on confié. D’autres villageois semblent approuver cette indication, en argumentant le fait que « la langue du colonisateur mécréant n’a pas sa place dans un cimetière musulman qui abrite plusieurs martyrs ». Mais que pensent les élus locaux de cette affiche? Nous avons tenté de le savoir, mais en vain, puisque tous les élus que nous avons interrogés ont refusé de s’exprimer sur le sujet. Si on se tient aux explications de certains habitants qui estiment que ce lieu est « saint et ne doit pas être souillé par la langue du colonisateur », alors comment explique-t-on la saleté ambiante qui entourent les tombes, dont celles de certains martyrs de la région ? En effet, ces sépultures sont envahies par des herbes folles et même par de la broussaille à certains endroits. Certaines tombes sont délabrées et d’autres sont tellement compactées qu’elles sont difficiles à repérer. Et le comble, une meute d’une vingtaine de chiens errants a trouvé refuge dans ce cimetière. Un agent ayant constaté notre présence, nous a révélé que « depuis deux ou trois mois, la situation du cimetière s’est nettement améliorée », ce qui nous laisse penser que c’était pire. Venue se recueillir sur la tombe de son ami Chahid, une personne a versé de chaudes larmes sur l’état du cimetière des martyrs. « De leur vivant, ils ont souffert pour que l’Algérie vive libre et indépendante et aujourd’hui, on ne prend même pas soin de leurs sépultures. C’est criminel ! » s’est-elle offusquée.
R. B.

