“Nous construisons la maison Algérie”

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Invité de la chaîne Berbère Télévision, avant-hier jeudi, Ahmed Ouyahia, ancien Premier ministre, ex-secrétaire général du RND et fraîchement nommé au poste de chef de Cabinet à la présidence de la République, avec un grade de ministre d’État, a développé sa vision de la conjoncture politique du pays, tout en répondant à plusieurs questions relatives à l’actualité nationale.

Face au journaliste Kamal Tarouiht, Ouyahia dira, dans une brève tirade au milieu de l’émission, «nous construisons la maison Algérie», en tenant à dénoncer les tentatives de démantèlement de ce qui se construit pas à pas. Interpellé sur le statut de Tamazight, il rappellera qu’elle a été introduite comme seconde langue nationale dans la Constitution et que, de ce fait, elle est appelée à être soutenue dans son enseignement, sachant que, actuellement, elle rencontre de grosses difficultés dans sa progression dans les écoles. L’officialisation de la langue est, de l’avis de l’ancien Premier ministre, une affaire de concertation et de gradualité dans la démarche.

«Il n’y a pas d’apartheid à Ghardaïa»

Par rapport aux événements de Ghardaïa, Ouyahia rappellera les efforts de l’État à contenir la crise, et ce, depuis au moins 2008, lorsque les deux anciens ministres de l’Intérieur, Zerhouni, puis Daho Ould Kablia, eurent à initier des contacts avec les sages et les notables de la région ayant abouti à la signature d’une Charte de la paix entre les communautés Ibadite et Malékite. Il soutiendra que les problèmes, qui ont servi de lit à la dérive dans la vallée du M’zab, relèvent du volet socioéconomique, des questions d’ordre public (activité des bandes encagoulées) et de tentatives de manipulation où des parties étrangères ne sont pas à exclure. Des manipulations qu’Ouyahia compare à une «toile bien tissée» visant à déstabiliser l’Algérie. Une chose est sûre, rassure-t-il, «il n’y a pas d’apartheid à Ghardaïa». La notion de « minorités martyrisées », telle que colportée par des organisations internationales, «n’existe pas en Algérie». Cette notion dangereuse suppose dans ses fondements des interférences étrangères. Ouyahia n’a pas manqué d’enchaîner avec toutes les déstabilisations induites par ce qui est appelé depuis la fin de l’année 2010, le « Printemps arabe » : «Notre pays a évolué au milieu d’une ceinture de feu», dira-t-il. Abordant la prochaine échéance électorale, l’ancien Premier ministre a expliqué les raisons de son soutien au 4e mandat du président de la République. Il dira, à ce propos, que « Bouteflika est celui qui peut nous rassembler tous» dans les tiraillements politiques qui affectent actuellement la scène politique, tout en reconnaissant aux autres tendances le droit d’exprimer leurs opinions. Il fera remarquer que la majorité des partis ou personnalités qui appellent au boycott des élections avaient, dans une première tentative, essayé de trouver un candidat commun. Faute d’avoir réussi à le faire, ils s’opposent aux élections. Démentant les rumeurs qui ont circulé sur des « désaccords » entre de supposés clans au sommet de l’État, Ouyahia soutiendra que «le grand clan est celui de l’Algérie» et que « L’armée n’est pas faiseuse de rois, comme le prétendent certains», mais qu’elle a son mot à dire dans la gestion des affaires du pays, expliquant aussi que, dans les moments graves de la vie de la nation, elle a assumé des missions exceptionnelles pour sauver le pays du chaos. S’agissant de son destin personnel, sur le plan de la carrière politique, Ouyahia se dit toujours serviteur de l’État. «La responsabilité ne se demande pas et ne se refuse pas », assène-t-il. Interpellé sur le phénomène de la corruption, Ahmed Ouyahia rappellera que l’Algérie dispose d’un arsenal de textes législatifs prévenant et réprimant ces pratiques. Les faits de corruption qu’a eu à connaître la justice algérienne sont en voie de traitement judiciaire, et il importe au pouvoir exécutif de ne pas s’immiscer ou interférer dans le cours de l’instruction de ces affaires, selon le noble principe de la séparation des pouvoirs. L’un des signes probants de l’efficacité du travail de la justice est, aux yeux d’Ouyahia, l’extradition d’Abdelkmoumène Khalifa vers l’Algérie. Par ailleurs, et concernant l’autoroute Est-Ouest, hormis quelques travaux supplémentaires, inévitables dans ce genre d’ouvrage, le projet n’a bénéficié d’aucune rallonge financière, comme on l’entend dire çà et là dira l’ancien Premier ministre. Il parlera d’un coût de réalisation de 11 milliards de dollars qui n’a pas subi de changement.

Nécessité de sortir du « tout pétrole »

La situation économique du pays et les perspectives qui se dessinent pour elle dans les prochaines années ont également été abordées par l’invité de BRTV. «Si notre dépendance du pétrole est une réalité à déplorer, il n’en demeure pas moins que 40 % du produit intérieur brut est issu de secteurs hors hydrocarbures», a-t-il précisé. L’instauration d’un meilleur climat d’investissement devra faire orienter le souci de nos entreprises vers les notions de la qualité des produits et de la compétitivité. Il rappellera que les entreprises privées bénéficient actuellement d’un taux d’intérêt bonifié pour les crédits d’investissement, comme elles bénéficient d’un meilleur accès au foncier. Les 600 milliards de dollars que les détracteurs d’Ouyahia exhibent pour accuser le gouvernement d’avoir dilapidé l’argent public, sont déclinés par l’ancien Premier ministre de la façon suivante: 370 milliards pour les importations d’équipements et de produits, 40 milliards ont servi au remboursement de la dette extérieure et 190 milliards constituent les réserves de change. D’après Ouyahia, ces réserves donnent à l’Algérie une « sécurité » de 4 ans. Mais, pour éviter la réédition du dur épisode du Plan d’ajustement structurel (PAS), imposé par le FMI à l’Algérie au début des années 1990, il faut aller vers une véritable diversification de l’économie nationale. Sur un autre plan, Ouyahia se montre partisan de l’exploitation du gaz de schiste. «La régression des énergies conventionnelles va générer nécessairement des idées en faveur des gaz de schiste». L’émigration algérienne, de par son expérience et son expertise, sera appelée de plus en plus à jouer un rôle dans l’économie nationale, estime Ouyahia. Le billet d’avion d’Air Algérie, jugé exorbitant par les émigrés algériens en France, subira bientôt l’effet de la concurrence que permettra l’ « Open sky » qui verra se défiler un grand nombre de compagnies aériennes dans notre pays. S’agissant du banditisme en Kabylie, le nouveau chef de Cabinet de la présidence de la République indique qu’il faut faire renaître l’espoir chez les jeunes. Le travail a commencé avec le dispositif de création de micro-entreprises. Il faudra le compléter avec des initiatives locales, comme les activités touristiques, et la région est bien dotée en potentialités.

Amar Naït Messaoud

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