Un témoignage sur la guerre d’Algérie à Akfadou

Partager

Les soldats prenaient leur revanche sur la population composée de vieillards, de malades, de femmes et d’enfants qu’ils persécutaient lors de descentes au village. Ils commirent des atrocités qui firent perdre la tête au jeune soldat, chasseur alpin, que le devoir de conscience a guidé à apporter un témoignage, unique et sans la moindre concession. Après plus de cinquante ans d’indépendance, la guerre d’Algérie suscite encore des réactions de la part de ses acteurs, ici ou en France. Cette fois-ci, c’est Claude Georges Picard, un chasseur-alpin, qui apporte, dans son livre intitulé «Un piton séparé du reste du monde», un témoignage poignant d’un appelé envoyé en Algérie en 1961 pour faire son service national. Affecté à Imaghdassen, un village dépendant de la commune d’Akfadou, dans la wilaya de Béjaïa, à quelques 1 200 mètres d’altitude, couvert de neige l’hiver et brûlé par le soleil l’été. Si la vie des habitants d’Imaghdassen était déjà des plus rudes, les soldats français ont accentué cette rudesse par des exactions, des tortures et des exécutions sommaires.

Le soldat reconverti en auteur raconte avec détails comment, durant son service militaire, il était à la fois soldat, infirmier, instituteur et écrivain public dans un village kabyle coupé du reste du monde et dont la population était acquise à la lutte pour l’indépendance et la liberté. Il raconte comment les moudjahidine en ont fait voir de toutes les couleurs aux soldats français, en leur tendant des embuscades minutieusement échafaudées et où ils les surprenaient avec des rafales avant de se volatiliser dans la nature. Les paras étaient stupéfaits par le courage et l’intelligence de leurs ennemis, pour la plupart des paysans, analphabètes, que seule la fibre nationaliste avait forgés. Les soldats prenaient leur revanche sur la population composée de vieillards, de malades, de femmes et d’enfants qu’ils persécutaient lors des descentes au village. Ils commettaient des atrocités qui font perdre la tête au jeune soldat, chasseur alpin que le devoir de conscience a guidé à apporter un témoignage, unique et sans la moindre concession. Jean-Charles Jauffret, professeur et directeur du département Histoire à l’institut des sciences politiques d’Aix en Provence, spécialiste de la guerre d’Algérie, a préfacé le livre, en expliquant : «Ce manuscrit édité par les Editions du Net est unique en son genre, du fait que l’auteur est un des rares à dénoncer sa hiérarchie et l’abus de tortures et autres exactions sur une population innocente et sans défense». Claude Georges Picard, qui était différent des autres soldats français, s’était rapproché des villageois. Il les soignait, apprenait à leurs enfants à lire et écrire et rédigeait leur courrier. Il a gagné la sympathie de la population. Et même après son retour en France, il est resté en contact avec de nombreux habitants qui l’ont d’ailleurs invité en 1975, à revenir, ce qu’il a fait. Son livre a été qualifié de témoignage émouvant et précieux par Benjamin Stora.

L.Beddar

Partager