Cessons de tirer des plans sur la comète

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Par Amar Naït Messaoud

Aux spéculations et ratiocinations, portées par les partis et les personnalités politiques, qui se sont étalées sur plusieurs mois, c’est-à-dire depuis l’hospitalisation du président de la République en avril 2013, succèdent des logorrhées de promesses et de multiples projections tendant à faire de notre pays le deuxième Japon ou le second Singapour. Les Algériens, y compris ceux que les conditions sociales ont “boutés” hors du territoire national en harragas sur des embarcations de fortune, ne veulent pourtant que l’Algérie. Une Algérie délestée de ses tares et de ses retards, du mépris et de la bureaucratie, de la corruption et des factices distinctions. Les lubies, colportées pendant ces premiers jours de campagne électorale par certains orateurs, vont si loin, au point d’être diligemment assimilées à de la diversion. Une diversion qui fait oublier les problèmes réels d’aujourd’hui pour faire diriger les regards vers de chimériques desseins. Premier mandat d’un compétiteur parmi les cinq candidats, ou quatrième mandat pour Bouteflika, les Algériens attendent des solutions réelles à des problèmes qui ne le sont pas moins. Chômage, insécurité alimentaire, insécurité tout court dans plusieurs quartiers urbains, détérioration du cadre de vie et de l’environnement, chute vertigineuse du niveau de l’école et de l’université bureaucratie,… etc. Si, pendant quinze ans, Bouteflika a pu mettre en place les infrastructures de base et les équipements, en faisant rattraper au pays les retards en la matière, les Algériens attendent que ces mêmes investissements publics produisent leurs effets d’entraînement, par la création de milliers d’entreprises, seules à même d’absorber le nombre considérable de primo demandeurs d’emploi, dont presque 250 000 sont des diplômés de l’université. Sans formation solide et orientée vers les nouvelles technologies, même les investissements réalisés jusqu’à ce jour risquent d’être remis en cause faute… d’entretien. Les stations de dessalement de l’eau de mer voient rapidement leur mécanique s’éreinter, suite à l’érosion des pièces par le sel de l’eau mer. Il faudra bien un jour se départir de la dépendance telle qu’elle a été installée par l’“industrie industrialisante», par le moyen d’usines livrées clefs en main. Il est plus que jamais impératif d’installer des traditions solides en matière de transfert de technologie, tout en orientant la formation vers ces métiers d’avenir.  Le débat politique, sauf dans de rares cas, peine à se mettre au niveau des préoccupations les plus élémentaires des Algériens. On dirait que le “démocratisme», par lequel notre pays a fait agréer un grand nombre de partis, a eu comme conséquence logique et immédiate la liberté de délirer, de fantasmer et de… gruger le public, c’est-à-dire les citoyens électeurs. Ces derniers, contrairement aux ratiocinations sophistiquées, ne réclament qu’un minimum de justice sociale, du travail et un meilleur cadre de vie. Le besoin s’exprime, parfois, avec emportement et un certain esprit de rébellion, et ce, pour deux raisons, d’abord, les citoyens savent que ce “minimum vital” est à la portée d’un pays qui engrange ses meilleures recettes depuis plus de dix ans, et ensuite, parce que les canaux d’intermédiation sociale, à même de rendre intelligibles et recevables les protestations, ne sont pas bien huilés et, parfois, n’existent même pas. L’inflation en partis politique ne signifie pas, ipso facto, démocratie. Le tissu associatif par lequel est censé respirer le corps de la société par l’intermédiaire duquel ses aspirations sont supposées être conduites, demeure largement inefficace, même si le nombre d‘associations à l’échelle du pays est proche de 100 000. L’atonie et la mollesse, qui ont grevé la réflexion chez un grand nombre d’acteurs politiques, se transforment bizarrement en une douteuse frénésie, dès que s’annoncent des échéances électorales déterminantes pour le pays. On eût aimé que la même flamme demeure après le scrutin, et ce, quel qu’en soit le vainqueur. Cela nous changerait tellement des comportements rentiers, qui ne frétillent que devant des intérêts immédiats et personnels.

A. N. M.

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