Le massacre, jusqu’à quand ?

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Le pillage du sable de l’oued Sébaou continue à un rythme effréné.

Les installations hydrauliques, électriques ainsi que les assises des ponts et œuvres d’art, subissent d’énormes dégâts. La ruée vers le sable a également grignoté des hectares sur des terres agricoles environnantes. La batterie de mesures juridiques et administratives interdisant et/ou réglementant l’exploitation du sable du Sébaou à Tizi-Ouzou n’ont fait qu’augmenté les activités d’extraction clandestines, au détriment de l’activité réglementée. Le décret exécutif datant de 2005, s’il a mis fin à l’activité légale de 8 sablières activant sur le long de l’oued Sébaou, a réussi, par ricochet, à accroître l’activité clandestine.  Celle-ci est, en effet, en très nette floraison en témoigne les dizaines d’engins de travaux publics, entre pelles mécaniques, bulldozers et rétrochargeuses qui pullulent la rivière depuis son principal affluent jusqu’à son point de déversement dans la wilaya de Boumerdès. Soit, un parcours de 50 km exploité à outrance sous l’œil impuissante de la police des eaux. En 2009, Abdelmalek Sellal, alors ministre des Ressources en eau, a tenté une interdiction d’exploitation des cuvettes des oueds pour l’extraction du sable dans les wilayas de Tizi-Ouzou et de Boumerdès. Sellal a dû constater le degré du sinistre causé à ses cuvettes risquant de faire disparaître définitivement la nappe phréatique. Mais c’était sans compter sur l’absence des moyens de lutte contre l’extraction clandestine et ses réseaux qui approvisionnent aussi les chantiers des wilayas de Blida et de Tipaza, empruntant avec impunité les voies rapides des RN12 et 05 (sic).  Dans le moyen Sébaou, entre la localité de Fréha à l’est et celle de Tadmaït à l’ouest, la fermeture des sablières a vite fait le beurre à quelques nababs du sable qui en ont pris le relais, sans se soucier de la « force » de la loi interdisant l’exploitation du sable à ces endroits. C’est que le réseau est bien formé. Il est puissant et a des tentacules insoupçonnés.  L’Etat n’y peut rien ! Ses démembrements institutionnels devant assurer le respect des textes réglementaires feignent de ne pas pouvoir agir. Pendant que des camions de gros tonnages acheminent, quotidiennement, des milliers de mètres-cube du sable depuis le lit du Sébaou et de ses berges qu’on en a grignoté au fil des années, le risque écologique a franchi sa ligne rouge.

Des installations électriques et hydrauliques détruites

« Des dizaines de terres agricoles longeant les rives de l’oued Sébaou, entre l’oued Dis, un influant situé près de Fréha et les berges de Tamda, ont carrément disparu. En l’espace de 20 ans, j’ai assisté au rétrécissement des berges exploitées par des petits fellahs dans l’arboriculture ou le maraîchage. L’extraction du sable près des rives, à longueur de ces années, a été désastreuse pour ces petits exploitants agricoles. Mais pas qu’eux, les installations hydraulique et électriques ont été aussi détruites, à maintes fois, par l’érosion du sol. Certaines installations de la Sonelgaz ont carrément chaviré sous l’effet d’extraction excessive du sable, servant d’assises pour ses installations », témoigne un villageois dont la vie est intimement liée à cette rivière. A Féraoun, près de Tadmaït, l’avancée de l’oued au détriment des berges en talus qui le sépare de la RN12 menace cette dernière d’affaissement sur un tronçon de plusieurs dizaines de mètres, selon la direction des travaux publics. Celle-ci est aussi confrontée à l’urgence de conforter l’ensemble des ponts de la wilaya qui traversent cette rivière tant les pylônes et supports de ces ponts sont touchés dans leurs fondations. Les petits exploitants agricoles de cette commune s’insurgent, d’ailleurs, contre le retard mis dans la réalisation des blocs en béton servant à empêcher l’accès des engins dans cette partie menacée de l’oued. La pose de gabions devant stopper l’affaissement de la terre et son écoulement sous l’effet des eaux, qui déchaînes durant les saisons pluvieuses, tardent aussi à être réalisé contestent-on encore.  La direction de l’hydraulique peine, elle aussi, à protéger ses installations. Rien qu’en 2011, soit deux ans après l’interdiction ordonnée par Sellal, la conduite d’eau principale alimentant les villes côtières de Tigzirt, Iflissen ainsi que la localité de Makouda a été endommagée dans la partie encastrée sous la rive de l’oued Sébaou, après que les pilleurs aient fait usage intensif de pelles mécaniques pour extraire le sable dans cet endroit précis. Suspendu à l’air libre, le conduit d’eau a fini par céder et s’est cassé en deux, privant ainsi près de 100.000 habitants des trois localités d’eau potable. Pas plus loin que la semaine écoulée, trois forages de l’Algérienne des eaux ont subis des dégâts similaires causant la casse aux conduits principaux alimentant une partie de la commune de Tizi-Ouzou. Un acte ayant privé les habitants de Redjaouna et du lotissement Salhi ainsi que les groupes d’habitations environnant, d’eau potable pendant six jours, selon un employé de l’ADE. D’aucuns parmi les corps de sécurité ont une crainte de faire irruption dans l’oued pour arrêter les pilleurs. Si la police des eaux, appartenant à la direction de l’hydraulique, n’a de police que son appellation, puisqu’elle est constituée de simples agents techniques dont la mission consiste à établir des constats, les autres corps de sécurité y compris militaires, n’agissent plus dans les oueds. Si par le passé plus précisément dans les années 1990, la gendarmerie nationale jouait aux chats et à la souris avec les « petits extracteurs » qui usent de pelles manuelles pour remplir une benne de tracteur agricole en une journée, cette même gendarmerie est devenue impuissante devant la puissance des engins qui y sont en activité.

M.A.T

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