On la savait malade, alitée, mais on ne pouvait se préparer à recevoir sans grande émotion la nouvelle de la disparition d’une telle diva de la chanson kabyle et arabe, qui avait accompagné la génération des années 1960/70 dans ses rêves, ses espoirs, son sentimentalisme et son romantisme. Car, Nora, ce fut tout cela à la fois. Kamal Hammadi, son mari, grand chanteur et prolifique parolier, qui a aidé des dizaines de chanteurs par ses poèmes, s’est plusieurs fois manifesté sur la scène, au cours de ces dernières années, sans son « acolyte », Nora. Le constat le plus amer a été fait surtout à Paris, lorsque Berbère Télévision a rendu un vibrant hommage à Kamal Hammadi. Plusieurs chanteurs célèbres avaient déploré sur scène, l’absence de Nora. Ils lui rendirent hommage en son absence et lui souhaitèrent bonne guérison. Le destin en a décidé autrement, hier. Idurar negh aâleyen, Wi desyennan yidek ardebdhough, Texdaâdhiyi a luzin, et des dizaines autres chansons, ont bercé les jeunes par des mots simples et justes, des mélodies envoûtantes et une voix d’exception. Nora, c’est d’abord la voix et un sourire à toute épreuve. On ne pouvait pas l’imaginer autrement. Un sourire qui dégage un charme particulier. En 2010, la revue culturelle Passerelles, dirigée par Mohand Tabal, a rendu un vibrant hommage à notre chanteuse. Car, on a senti que, sans grande explication, elle commençait à tomber un peu dans l’oubli. Et pourtant. L’on se souvient de ces soirées du début des années 1970, lorsque la culture kabyle, dans ses manifestations quotidiennes, est réduite à des miettes, la télévision nationale programmait, une fois par hasard, un gala de chanson kabyle. Nora y passait souvent. Dans les villages, le nombre de postes de télévision dans les foyers était insignifiant. C’était dans les cafés que l’on se bousculait pour déguster une demi-heure ou une heure de belle prestation de Nora, évoquant Adrar n Djerdjer Aâlaeyen dans une ambiance d’excitation généralisée. Ce fut la monotonie et l’ostracisme culturel qui se rompait ainsi pour quelques quarts d’heures. Nora a chanté presque tous les thèmes liés à l’amitié à l’amour (zigh win mazziyen yechba ameslub), aux paysages kabyles, à la patrie algérienne, et à tout ce qui respirait l’authenticité et la sincérité. Sa voix était reconnaissable parmi mille. Elle a marqué d’une empreinte indélébile l’histoire contemporaine de la chanson kabyle.
Amar Naït Messaoud
