La chute d’un empire !

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Cette fois, les carottes sont vraiment cuites pour la SARL "El Waad Sadek" et son fondateur, M. Salah Moulay. Ainsi, et comme annoncé, en exclusivité, dans ces mêmes colonnes, cette SARL a été officiellement déclarée en faillite au mois de mai dernier.

D’ailleurs, le siège de cette entreprise, sis dans la commune de Sour El Ghozlane, à une quarantaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya, est en train d’être démonté ses employés ont, pour la plupart, soit été licenciés, soit quitté le navire. Et pour cause, leur employeur, si généreux dans les premiers temps, offrant des salaires oscillant entre 35.000 et 50.000 DA, pour un simple rabatteur, est désormais incapable de les rémunérer aussi grassement. Selon certains employés qui ont préféré claquer la porte, leur salaire a été divisé en deux en l’espace de 4 mois. Il y va de même pour le marché de voitures, lequel s’est vidé en un laps de temps record. Fini l’époque des grosses cylindrées allemandes et les voitures de course américaines qui s’arrachaient comme des petits pains à des prix défiant toute concurrence. Il est loin le temps où on pouvait repartir avec une Porsche Carrera ou une Infinity en un claquement de doigts. Désormais, ce marché est désert! On y retrouve seulement les victimes de cette SARL, qui guettent la moindre information sur M. Moulay, qui est recherché pour ainsi dire, «mort ou vif». C’est irrémédiablement la chute de  » l’empire » Moulay, un empire bâti sur le mensonge, l’escroquerie et la crédulité des clients. Le destin, prévisible, de cette SARL, confirme une règle de physique rudimentaire : Plus on s’élève, plus dur sera la chute. Le dossier « Moulay » est dormais entre les mains de plusieurs instances, lesquelles vont déterminer, avec exactitude, les tenants et aboutissants de ce qui s’assimile déjà à une des plus grandes supercheries qu’a connues l’Algérie.

La piste du blanchiment d’argent évoquée

Parmi ceux qui enquêtent sur cette affaire, on retrouve le ministère du Commerce. En effet, et au lendemain de sa nomination au poste de ministre du Commerce, M. Amara Benyounès a annoncé au micro d’une télévision privée, qu’une enquête sera ouverte à propos de la SARL EL Waad Sadek et de ses pratiques pour le moins étranges et douteuses. Deux mois plus tard, il semble bien que les services enquêteurs aient mis le doigt sur bon nombre d’anomalies concernant cette entreprise. D’ailleurs, et selon le propre aveu de la chargée de communication auprès du département de Benyounès, le dossier Moulay est « extrêmement sensible » et revêt, selon les dires de notre interlocutrice, du caractère « confidentiel ». D’autres sources proches du ministère du Commerce disent que les premiers éléments du dossier, qu’ils ont qualifié de « noir », convergent tous vers la thèse d’un vaste réseau de blanchiment d’argent. Le mot est donc lâché! Ce qui n’était que rumeur, semble, au fil des éléments, s’avérer exact. Mais la principale question dans ce cas de figure est «d’où provenaient les fonds qui ont permis de monter cette arnaque?». À cette question, nos sources sont unanimes. « Après la chute du dictateur libyen, son argent s’est dispersé aux quatre coins du globe et une partie s’est retrouvée entre les mains de certaines personnes », nous a-t-on déclaré. A propos de l’identité de ces personnes, les mêmes sources restent muettes.  » Pour l’heure, l’enquête n’a pas encore révélé des noms précis, mais après le mois de Ramadhan, il est fort probable que le ministre, lui-même, annonce des conclusions qui en surprendront plus d’un », nous a-t-on encore certifié. Il est vrai que l’émergence fulgurante de cette SARL, créée en septembre 2013, a de quoi laisser pantois. Du jour au lendemain, Moulay et ses associés ont commencé à brasser des milliards par… jour ! Acheter tout et son contraire. Des voitures, des lots de terrains, des appartements. A un moment donné ils avaient atteint la summum de la folie des grandeurs, en voulant édifier une nouvelle ville à Sour El Ghozlane, à l’image de Boughezoul, laquelle, cela dit en passant, n’est toujours pas sortie de terre. Bref, mis à part le fait d’avoir un gisement intarissable de « liquide frais » sous la main, il est impossible de réaliser tout cela. Donc, et comme les premiers éléments de l’enquête diligentée par le ministère du Commerce le prouvent, il y avait bel et bien du « louche » dans toute cette affaire.

Le fisc lui doit 6 milliards de dinars

Mais la SARL El Waad Sadek ne s’est pas contentée d’arnaquer ses clients, loin de là. Elle s’est permise de tenter « le diable », en essayant d’escroquer le fisc ! En effet, et d’après plusieurs sources concordantes, cette entreprise est redevable auprès du fisc de Bouira d’une somme dont le chiffre donne le tournis et, surtout, montre à quel point cette SARL se voyait « intouchable ». Jusqu’à la date du 12 juin dernier, l’ardoise s’élevait déjà à plus de 6 milliards de dinars ! Autrement dit, cette entreprise dont le propriétaire déclarait dans les colonnes d’un quotidien national être « ‘un honnête citoyen », ne s’acquitte pas de ses redevances envers l’Etat. On a connu plus « Sadek » que ça, il faut bien le dire. Mieux encore, d’autres sources proches des services de la brigade financière de Bouira, rapportent qu’une enquête  » approfondie » a été ouverte au mois de mai dernier, sur des transactions immobilières douteuses. Cette enquête a été enclenchée suite à notre article, publié le 10 mai dernier. Pour rappel, cette SARL a escroqué plusieurs particuliers, en leur achetant des biens immobiliers, des lots de terrains et autres véhicules, sans qu’elle ne leur verse le moindre centime en retour. L’arnaque la plus retentissante a été celle dont a été victime le dénommé A.O., propriétaire d’une villa de 250 mètres carré. Il a vendu par procuration ladite villa à la SARL El Waad Sadek, pour une somme avoisinant les 40 milliards de centimes. Jusque-là rien de bien anormal. La situation se corse quand on apprend que le désormais ex-propriétaire n’en a pas touché un sou ! Pour quel motif ? Il a été aveuglé par sa cupidité et sa naïveté ! Primo, selon un expert, cette villa vaudrait entre 25 et 30 milliards de centimes, à tout casser ! Secundo, au moment de la transaction, le propriétaire était absent, puisqu’il avait mandaté M. Salah Moulay. Il y a lieu de préciser que les appartements de cette villa possèdent, chacun, son propre livret foncier. Donc, par la suite, elle a été revendue, pour ainsi dire, « en vrac ». D’ailleurs, et selon nos informations, les notaires ayant  » aidé » cette entreprise à passer ses transactions ont été dernièrement entendus par les services enquêteurs.

Une saisie conservatoire ordonnée

Face à cet état de fait, les services des impôts comptent-ils rester les bras croisés ? Comment le fisc compte récupérer ses créances ? Et bien, selon nos informations, les responsables du fisc de la wilaya de Bouira ont introduit, récemment, une demande auprès de la justice afin qu’elle procède à une saisie conservatoire des biens de la SARL El Waad Sadek, en attendant les conclusions des différentes enquêtes en cours. Mais que signifie réellement cette procédure? Ainsi, et pour recourir à la saisie conservatoire, le créancier (les impôts) doit justifier des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d’une créance justifiée. Elle peut être justifiée, par exemple, en cas de silence du débiteur (SARL El Waad Sadek) après demande de remboursement d’une dette. Concrètement, le fisc  » bloque  » toutes transaction de cette entreprise, le temps que cette dernière s’acquitte de sa dette. Qu’elles sont les biens qui peuvent être saisis ? La saisie conservatoire peut porter sur tous les biens et meubles corporels (voitures, chaises, livres…) ou incorporels (argent, parts sociales, droits de propriété industrielle et commerciale…) appartenant au débiteur. La saisie peut concerner également des biens détenus par le débiteur ou placés entre les mains de tiers. Bref, c’est un moyen de  » pression » légal, qui permet aux impôts de récupérer leur argent.

«Le marché sera fermé»

Du côté de la direction du Commerce de la wilaya de Bouira, l’on envisage également d’agir sévèrement à l’encontre de cette entreprise. En effet, et selon les propos du directeur du Commerce, M. Ahmed Guemri, la SARL «Wâad Sadek» sera bientôt soumise à un processus de «fermeture préventif». Un processus provisoire, certes, mais qui pourrait être suivi d’une autre procédure judiciaire, si les grenats de l’entreprise en question ne règlent pas, définitivement, les nombreuses irrégularités soulevées par les services du commerce, lors de leur premier rapport établi au mois de janvier dernier. À ce propos, le premier responsable affirme qu’une notification de fermeture a été effectivement adressée par voie de poste, au premier responsable de l’entreprise, la semaine écoulée. « Pendant plusieurs semaines, nous avons essayé de rencontrer le gérant de l’entreprise, afin de lui remettre la notification de fermeture, mais en vain. Ce dernier reste, à ce jour, introuvable et ne se présente toujours pas à son bureau. La lettre en question lui a été adressée, donc, par voie de poste, comme le stipule la loi en vigueur», affirme M. Guemri. Le même responsable explique cette nouvelle sanction par la non réaction de l’entreprise, après la première mise en demeure des services du commerce de la wilaya. «M. Moulay Saleh s’est engagé au mois de janvier dernier, à régulariser sa situation vis-à-vis de la juridiction du commerce, mais aussi de ses clients. Mais depuis, et à ce jour, il fonctionne toujours avec les mêmes démarches douteuses. Pire encore, son entreprise accumule actuellement des dettes énormes qu’il n’arrive pas à régler. Du coup, de nombreux clients sont pris en otage», affirme notre interlocuteur, qui ajoute que les transactions, ainsi que les opérations de vente et d’achat, effectuées en nombre par ladite SARL, n’ont jamais été certifiées et restent, donc, illégales aux yeux de la loi du commerce. «Plusieurs irrégularités ont été soulevées dans de notre premier rapport. À commencer par l’absence de contrats de vente et d’achat dans les transactions effectuées par cette entreprise. Chose qui n’est pas du tout normale, puisque les clients de cette entreprise ne disposent même pas d’un engagement légal, leur permettant de garantir leurs dues», dira le même responsable. Toujours, selon M. Guemri, un deuxième rapport a été récemment établi par les enquêteurs de la direction du Commerce, et sera prochainement transmis au premier responsable du ministère du Commerce. Ce dernier tranchera sur le devenir de cette SARL. A noter, par ailleurs, que la commission d’urbanisme commercial de la wilaya de Bouira avait signifié dernièrement, un avis défavorable, à la demande d’ouverture d’un nouveau marché de voitures d’occasions, au niveau de la sortie sud de la ville de Sour El-Ghozlane, formulée par M. Moulay Saleh. La même commission argumente ce refus par la proximité du site désigné pour l’installation dudit marché de la maison d’arrêt de Sour El-Ghozlane, mais aussi pour absence d’un registre de commerce adéquat pour l’ouverture de ce genre de marché.

Ramdane B. / Oussama K.

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