Les années passent et se ressemblent

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Si les soirées sont biens animées au niveau du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou, et peut-être dans certains chefs-lieux de communes, c’est loin d’être le cas dans les différents villages de la wilaya où la morosité est le lot quotidien des habitants.

Les années passent et se ressemblent et les villageois ont fini par se résigner, générations après générations, à cette morosité ambiante et à ces soirées mornes et sans saveur. Loto, domino, jeux de cartes, le tout dans des cafés maures. Voilà ce qui s’offre aux citoyens des 1 500 villages que compte la wilaya. Les quelques rares exceptions signalées de temps à autre, çà et là ne le sont que grâce aux prouesses de certains associations culturelles qui se chargent d’organiser une soirée théâtrale, un gala artistique ou autre. Sinon, la plupart des contrées, notamment les plus retirées dans la Kabylie profonde, sont comme frappées de léthargie durant ce mois de Ramadhan. Pouvait-on espérait quelque chose ? Nullement. La raison en est qu’ils sont bien rares les villages qui disposent ne serait-ce que d’une maison ou foyer de jeunes. La fibre optique qui pouvait absorber un tant soit peu l’oisiveté ramadanesque, à travers d’éventuels cybercafés n’est pas généralisée. Les bibliothèques et autres structures culturelles, telles les salles de cinéma, demeurent un rêve pour les villageois, qui sont, il faut le dire, livrés à eux-mêmes. Même le transport se fait bien rare durant les soirées. «Nous savons bien que c’est animé en ville, notamment à Tizi-Ouzou, mais pour nous y rendre, ce n’est pas du tout facile», nous dit un habitant d’un village de la commune de Fréha. Et de poursuivre : «Parfois, les jeunes s’organisent et louent un fourgon pour aller à Tizi-Ouzou ou Azazga, c’est le seul moyen pour espérer changer d’air, l’espace d’une soirée ». Force est de constater en effet que les transporteurs de voyageurs ne circulent pas durant le Ramadhan à travers le territoire de la wilaya. Ne faudrait-il pas penser à changer les choses à l’avenir ? Il est vrai que la disponibilité du transport contribuerait à créer une certaine animation, en attendant un changement dans les villageois même. D’ici là les villageois, tous âges confondus, continuent à passer le temps, à «griller» les minutes avec les moyens du bord. «Je me rappelle quand j’étais enfant. Je venais parfois avec mon défunt père au café. Et croyez-moi, rien n’a changé aujourd’hui, que je suis moi-même père d’un enfant que j’amène avec moi parfois, au même café», ironise un autre villageois dans la même commune de Fréha. Qui sait en fait, que dans 30 ans ou plus, l’enfant de notre interlocuteur racontera la même chose. En somme, les villageois au lieu de vivre se contentent de «tuer le temps». Si dans la journée ils comptent les minutes, au travail ou ailleurs en vue de l’heure du f’tour, en soirée ils voient le temps passer «au ralenti» avant l’heure de rentrer chez eux et dormir. Heureusement pour eux, doit-on dire, que la télévision algérienne a quelque peu innové cette année, en variant et en enrichissant la grille des programmes spécial Ramadhan. Sinon, à Fréha, Bouzeguène, Tizi Rached, Timizart, Boghni, Ouadhias, Boudjima ou Tigzirt et même dans les villages des wilayas de Bouira et de Béjaïa l’ambiance est la même. Un même emploi du temps est égrené par les villageois, comme machinalement, chaque soir et chaque jour. Comme dirait l’autre, le premier jour du mois de carême est «la photocopie légalisée» des autres jours du reste du mois. «Ce soir, j’aimerais bien venir à Tizi-Ouzou, pour assister au gala de Lounis Aït Menguellet à la Maison de la culture Mouloud Mammeri, mais j’avoue que ce n’est pas du tout évident», témoigne un habitant de Mekla, rencontré hier aux alentours de la maison de la culture, au chef-lieu de la wilaya. Le chef-lieu qui, il est vrai, connaît une ambiance folle durant ce mois sacré notamment après l’ouverture, il y a quelques jours, de l’espace familial au niveau de l’ex-gare routière. En outre, les galas sont quotidiens que ce soit à la maison de la culture ou au stade 1er Novembre. Le théâtral communal ne désemplit pas non plus. C’est la différence en fait entre être un citadin et un villageois, du moins en Kabylie.

M.O.B

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