La cueillette de la caroube bat son plein en ce mois d’Août. Pour en savoir plus sur les bienfaits de ce produit agricole du terroir, nous avons questionné Abid Mourad, un agriculteur qui réside au village Tiwal, dans la commune de Beni Maouche.
Notre interlocuteur nous dira qu’il cultive dans ses champs différents produits agricoles du terroir, qu’il les transforme lui même, les conditionne et les vend dans des foires, comme celle organisée à la firme Khodja, lors du passage du ministre de l’Agriculture dans la commune de Seddouk. « La caroube est un produit très choyé dans certains pays industrialisés. On l’utilise en cosmétique, en médecine et dans le secteur alimentaire. Ce sont là d’ailleurs les raisons qui font que des industriels du pourtour méditerranéen viennent chez nous ces dernières années pour s’approvisionner en ce produit aux vertus reconnues », nous expliquera notre agriculteur. Il continuera sa présentation du fruit : « Il existe plusieurs usines au centre et à l’ouest de notre pays qui transforment la caroube. On y extrait la graine qui est revendue à des sociétés étrangères. Quant au reste, il est vendu localement comme produit d’engraissement pour le bétail ». Notre interlocuteur, très au fait de l’intérêt que représente le fruit, poursuivra en nous détaillant les produits dérivés de la caroube que lui-même fabrique traditionnellement : « Avec ce fruit, je fais de la confiture que je conditionne dans des pots de 250 grs et que je vends 200 DA l’unité. J’en extrais également de la poudre que je conditionne dans des sachets que je vends à 100 DA les 500grs. Pour ce qui des grains, ils sont exclusivement destinés à l’exportation ». Cet agriculteur avisé nous apprendra également qu’il transformait plein d’autres produits agricoles, tels la figue sèche et Akermous. Mais ces dernières années en effet, la caroube a repris sa place d’antan, qui est celle d’un produit du terroir des plus bénéfiques. Les entreprises industrielles étrangères, notamment les européennes implantées dans le pourtour méditerranéen, comme au Portugal, en Espagne ou en Italie, pour ne citer que ces trois pays, viennent acheter toute la production collectée. Ce qui fait qu’aujourd’hui les agriculteurs s’intéressent de nouveau à la caroube. Ils la cueillent et la vendent 15 DA le kg dans des points de vente qui pullulent, notamment dans la commune de Seddouk. Le fruit passe ensuite chez les grossistes qui se chargent de le revendre à des unités de productions locales ou étrangères. Il y a à peine 5 ans encore, la caroube était un produit insignifiant, abandonné dans les champs et auquel personne ne s’intéressait. De nos jours, chaque année, la campagne de sa cueillette bat son plein et est devenue une aubaine pour tous, aussi bien les propriétaires, qui ont ainsi une ressource supplémentaire, que pour les maraudeurs qui sillonnent les champs pour piller les récoltes. On les rencontre sur les routes, un sac de jute sur les épaules ou poussant une brouette, pleins de ce fruit, en quête de revendeurs. Un agriculteur, victime de ces incessants pillages, nous dira : « C’est de pire en pire. Cette année, les voleurs m’ont ruiné en cueillant le fruit alors qu’il n’était même pas encore mûr. Ils ont passé les arbres au peigne fin et ne m’ont rien laissé ». Le moins que l’on puisse dire, à travers la réhabilitation de ce produit longtemps ignoré c’est l’on assiste à un véritable retour aux sources. Jadis, les populations de la région ne vivaient que des produits du terroir, tels l’olive, les figues sèches, les figues de barbarie, la câpre et puis la caroube qui vient de recouvrer sa place parmi les produits nobles. Quand dans nos montagnes on ne vivait que des produits agricoles, l’abondance de ceux-ci a engendré la création de docks agroalimentaires qui pullulent à Seddouk. On les y conditionnait et les exportait vers la métropole. Dans le douar d’Ath Aidel où l’agriculture de montagne prédomine en raison du relief accidenté les agriculteurs, depuis la nuit des temps, ont orienté leur choix vers la culture arboricole. Faisant partie de la famille des césalpiniacées, le caroubier était depuis longtemps un arbre fétiche, vénéré presque par nos aïeux, en raison des vertus réputées de son fruit aux usages multiples. De nos jours, ses graines sont broyées donnant une matière essentielle pour la fabrication de vernis et de colle, dans l’industrie chimique, des arômes dans l’industrie alimentaire et de l’amidon dans l’industrie pharmaceutique. Du reste de la caroube est extraite aussi une matière après broiement qui devient une poudre appelée ‘’carovite’’ laquelle est destinée pour la fabrication d’aliment pour le bétail bovin et ovin. Dans un de leurs usages traditionnels, qui n’est plus de rigueur aujourd’hui, nos aïeux, en vendant une parcelle de terre, n’incluaient jamais les caroubiers dans la vente. Résultat, plusieurs familles se retrouvent, aujourd’hui encore, propriétaires dans l’indivision. Des héritiers sont en possession de parcelles où sont implantés des caroubiers appartenant à d’autres familles que la leur. Et si l’arbre fut pendant très longtemps abandonné et délaissé la crise et la dégradation du pouvoir d’achat a de nos jours bien changé les choses. Les propriétaires de caroubiers ne lésinent plus sur leurs efforts de les remettre en valeur et de les exploiter. Tout champ et toute plantation, aussi petits soient-ils, sont d’ailleurs objets de soins, d’attention et de greffage. Allons-nous donc dire pour cela que le retour de la caroube dans les circuits économiques est une bonne chose. En tous les cas, la création des docks agroalimentaires pour la transformation et le conditionnement des produits agricoles locaux, à l’image des établissements Khodja à Seddouk, nouvellement créés, augure d’un avenir prometteur pour les agriculteurs de montagne et pour tout le pays. Il était temps de revenir à l’exploitation de toutes les potentialités économiques existantes chez nous.
L.Beddar