Une séance de projection du film de Belkacem Hadjadj a eu lieu, jeudi après-midi, en avant-première à la cinémathèque de Béjaïa. Il s’agit d’un film sur Lalla Fadhma N’Soumer, l’héroïne kabyle qui a combattu contre l’envahisseur français au 19eme siècle. Le film est impressionnant. Belkacem Hadjadj a mis les moyens pour réussir son œuvre. L’amour, la haine, la guerre, les alliances, la trahison … Tout a été mis dans le scénario pour réussir le film. L’œuvre est une histoire d’amour, à dimensions multiples. L’amour de la patrie, des siens de la terre, et l’amour tout court, entre un homme et une femme. Le film commence par le mariage de Fadhma. Un mariage auquel elle n’a pas consenti. Elle se refuse à son mari, qui la renvoie, sans la divorcer, vivre chez son frère, imam du village de Soumer. Elle vit en solitaire, digérant son humiliation. Mais elle a un talent. Elle sait s’occuper des malades et des blessés, et sa main fait des miracles. Sa réputation atteint tout le pays kabyle, et les gens viennent de loin solliciter ses soins et ses prières. Car, guérisseuse, on lui prêtait aussi des pouvoirs surnaturels. D’un autre côté un certain Cherif Boubeghla, venant de loin et s’établissant en Kabylie est recherché par les autorités françaises. Il finit par s’établir à la Qalaa des Ait Abbas, où il organise la résistance contre l’occupation coloniale. Il est conscient de la nécessité de rassembler un maximum de tribus pour pouvoir faire face à l’envahisseur, qui réussit aussi à soumettre des tribus et les rallier à sa cause. Alors qu’il allait de villages en villages, de tribus en tribus, il rencontre la belle Fadhma (rôle joué par Laetitia Eido) , dont il tombe immédiatement amoureux. Elle est éblouie par l’homme et lui confie un talisman, jadis remis à elle par son grand-père. Il est censé garantir une protection à la personne qui le porte, à condition qu’il garde son cœur pur. Boubeghla réussit à rassembler suffisamment d’insurgés pour causer des pertes à l’ennemi. Plusieurs tentatives d’élimination l’ont visé mais sans succès. Le talisman semblait le protéger. Il décide de demander la main de Fadhma, ne sachant pas que, légalement, elle était toujours mariée. L’imam tente une médiation auprès du mari de Fadhma, afin de la racheter et de la marier à Boubeghla, mais sans succès. Ce dernier se met en colère et se laisse gagner par la rage. Multipliant les erreurs et les bourdes, il est de plus en plus critiqué par les siens. Lors d’une bataille, il est gravement blessé. Seule Fadhma pouvait le soigner, et elle réussit à le sauver. Une fois remis de ses blessures, elle lui annonce qu’il était temps pour lui de quitter la région et de retourner d’où il venait. Il n’était plus digne du talisman qui ne le protégeait plus. Son comportement montrait qu’il n’avait plus le coeur pur. Il finit par renvoyer l’objet à sa propriétaire et quitte le pays. En chemin, il est tué par les soldats ennemis. N’ayant plus de chef, les tribus se divisaient et commençaient à montrer des signes de crainte et de doute face à l’ennemi. Mais c’était compter sans l’intervention de Lalla Fadhma qui réussit à redonner force et courage aux combattants qui reprirent les armes contre l’envahisseur. Un envahisseur fort et sans pitié. Plus de trente-cinq mille hommes, munis d’un armement lourd, sont dépêchés par l’armée coloniale pour pacifier la Kabylie. Fadhma N’Soumer est alors arrêtée, avant de mourir quelque temps plus tard, alors qu’elle n’avait que trente-trois ans. Le film est beau, et impressionnant à la fois. Les images sont magnifiques, la musique, composée par Safi Boutella est à la hauteur de la voix de Ali Amrane qui interprète des chants et des poèmes sublimes. Les costumes sont réussis et les décors originaux. Le scénario est très bien fait et les textes réalistes et crédibles, dans un kabyle accessible à tous. Avec ce film, Belkacem Hadjadj réussit une œuvre monumentale. Il rappelle enfin, que cette terre a eu ses vrais héros et héroïnes, d’authentiques berbères amoureux de leur terre, de leurs traditions et jaloux des leurs. A quand un film sur la Kahina, et un autre sur Tin Hinane ? Quand oserons-nous raconter l’épopée de Massinissa, les combats de Takfarinas, et les guerres de Jugurtha ? A quel moment pourrions-nous espérer voir sur nos écrans un film sur Youssef Ait Tachfine, Juba II ou Saint Augustin ? D’authentiques héros berbères. Une chose est quand même à regretter, pour une avant-première, il aurait été souhaitable que le réalisateur ou le producteur soient présents pour présenter le film au public et animer un débat. Ce film est grandement conseillé et même recommandé. A voir absolument.
N. SI YANI