Chaudes retrouvailles

Partager

De la récitation de poèmes en mozabite, en chaoui et targui et du costume traditionnel propre à ces trois cultures, de l’engagement du Haut commissariat à l’Amazighité à prendre sur son budget un important lot de livres exposés pour aider les éditeurs à éditer les 40 thèses reposant dans les bibliothèques des quatre départements de langue et culture amazighes, ainsi que des 30 manuscrits en provenance des Aurès, de la citation de Boileau «Sans cesse en écrivant variez vos discours», tout a été fait pour que la diversité culturelle et linguistique soit représentée à ce grand rendez-vous culturel qui en est bien un, maintenant, après deux ans de pause et pour que la réussite de ce Salon, qui en est à sa 9ème édition, soit totale.

Ce petit résumé des activités du HCA pour la promotion de la langue et de la culture amazighes, un poète targui, enveloppé jusqu’aux yeux dans son costume traditionnel blanc, l’a synthétisé en un seul mot ou plutôt un cri. Un cri que l’on sent venir de loin, du fond des âges, et dont la signification restera, sans doute, pour l’assistance, une énigme. Ce cri, ou si l’on préfère ce coup de gueule, Hacène Begriche, un poète haut en couleur originaire de Tizi-Ouzou, l’a, lui aussi, modulé en d’autres sons, avec des syllabes et des vers bien frappés, au même micro, à la suite du poète targui. Mais lui, parce que son coup de gueule s’exprimait dans les trois langues (kabyle, arabe, français), le doute n’était pas permis quant au message qu’il délivre : Algérien attaché à la mère patrie, Maghrébin, Méditerranéen, Africain à l’échelle du Maghreb, de la méditerranée et de l’Afrique, et musulman de confession. Mais était-ce cela qu’a voulu dire le poète targui ? Le chef de cabinet du wali, qui intervenait après le PDG de l’OPU (office de publication universitaire), Lachbal Nouredine, et le S/G du HCA, Assad Si El Hachemi, a bien esquissé une explication qui semblait avoir tenu la route : le cri exprimait la joie, selon lui. La joie de se retrouver à ce salon et de pouvoir s’exprimer dans sa langue maternelle. C’est peut être ça aussi. Et le chef de cabinet enchaîne en soulignant que les moyens de communication, rendus de plus en plus sophistiqués grâce aux nouvelles technologies, sont mis au service des langues et des cultures pour leur rayonnement à travers le pays. «Si le poète du Hoggar montait jusqu’au sommet du Djurdjura, et qu’il lançait son cri de cette hauteur, il ne pouvait logiquement espérer voir son cri répercuter jusqu’à sa ville ou son village natal sans ces gros moyens de communication», dira-t-il. Tentant une pastiche de cette idée lumineuse : si le poète targui a pu formuler un tel cri qui vient du fond des âges, il n’a pu le faire que grâce à cette tradition qui est à la fois écrite et orale (L’écriture tifinagh) et permis au cri poussé par l’ancêtre targui de voyager à travers le temps et l’espace pour parvenir à l’oreille du jeune poète de l’Agar Agar. Alors, le cri énigmatique pouvait signifier de la joie, mais également de la fierté d’être targui. Il pouvait aussi, ainsi que le formulait succinctement en trois langues l’auteur de la citation de Boileau sur le public venu de Ghardaïa pour animer cette conférence, n’être simplement qu’un invité à partager ce moment convivial. Mais le Salon du livre amazigh et des multimédia est beaucoup plus qu’un moment d’émotion et de partage convivial ; par delà la mission de promotion de Tamazight dans sa composante multiculturelle, multiethnique et multilinguistique, il peut être appréhendé  comme une exhortation à réfléchir sur nos origines et à apprendre à les aimer et les respecter.

 Aziz Bey  

Partager