Le secteur économique de la wilaya de Béjaïa s’achemine-t-il vers la consomption ?
Des patrons d’entreprises industrielles, des cadres dirigeants et des personnels d’exécution, avec lesquels nous nous sommes entretenus, nous disent entrevoir l’avenir avec beaucoup d’appréhension. Et pour cause : l’environnement dans lequel évoluent ces entités, autrement dit le climat des affaires, n’incite guère à l’optimisme. Nos interlocuteurs décrivent une activité percluse par le chancre d’une bureaucratie tatillonne et lestée de pesanteurs diverses, laissant peu de chance au développement de l’investissement productif, créateur d’emploi et de valeur ajoutée. Comme si toutes ces embûches ne suffisaient pas à mettre à mal l’outil de production, les coupures récurrentes des routes nationales sont venues apporter leur lot d’infortune, voire même porter le coup de grâce pour certaines entreprises parmi les plus vulnérables. «Une route fermée est synonyme de manque à gagner pour l’entreprise, et quand cela devient fréquent, comme c’est le cas dans la wilaya, cela vire au désastre», déclare le gérant d’une SARL installée dans la ZAC d’Akbou. «Pour votre gouverne, sachez qu’en raison de ces troubles à répétition, notre plan de charge est en train de s’amorcer une véritable cure d’amaigrissement», renchérit-t-il sur un ton aigri. Un cadre dirigeant d’un EPE établie à la zone industrielle d’El Kseur n’en veut pas tant aux «coupeurs» de route, mais à l’Etat qui «encourage cette forme de protestation inédite», peste-t-il. «Il faut couper la route pour avoir de l’eau, du gaz ou un réseau d’assainissement ; c’est le message que délivre l’administration», déplore-t-il, avant d’alerter : «si ce statut quo préjudiciable devait perdurer, le tissu économique va s’effilocher progressivement, par suite de dépôts de bilan et de fermeture en cascades des entreprises». Un opérateur économique élisant domicile au chef-lieu de wilaya nous confie que des EPE ont déjà opéré une délocalisation de leurs actifs, tandis que d’autres entités s’apprêtent à leur emboîter le pas. «Les boites qui font de la résistance sont astreintes à de douloureux plans sociaux, lesquels jettent sur le trottoir des dizaines de travailleurs», dira-t-il, en dénonçant, dans la foulée, le régime d’imposition qui fait la part belle aux barons de l’importation, au détriment des investisseurs locaux. Un autre responsable d’une entreprise publique nous fait part du climat « anxiogène» qui règne au sein de l’institution, à la veille de la dissolution annoncée des sociétés de gestion et de participation. «Notre avenir professionnel est plus que jamais incertain», s’inquiète-t-il, tout en rappelant que leur entreprise est toujours criblée de dettes, en dépit de vaines tentatives de remise à flot. D’autres professionnels mettent en exergue le mode d’allocation de la ressource foncière, la faiblesse de l’intermédiation financière, les lourdeurs administratives et la centralisation des sources de financement, comme autant de facteurs plombant l’investissement et freinant l’essor économique de la région.
N. Maouche