Une forte pression d’urbanisation s’exerce sur les zones agricoles et forestières. La chape de béton dévore des terres fertiles avec voracité, altérant de fait le patrimoine forestier et agricole.
Ces dernières années, le béton a atteint son paroxysme sans vergogne. L’avancée effrénée du béton n’est pas prête de s’estomper, d’autant plus que la politique d’urbanisation manque de vision et de maturité de telle sorte à prendre le volet environnemental en considération. Dame nature paye un lourd tribut à cette frénésie d’extension urbanistique. Des écologistes à tous crins se font discrets et même effacés devant les «promoteurs du béton» faisant fi du cadre de vie des citoyens. Un rouleau compresseur effréné !
Les mentalités restent dures comme du béton. Une bonne partie du foncier agricole ainsi que les zones littorales et touristiques de Bayet risquent de se volatiliser. Le littoral béjaoui est presque laissé à la merci du béton, où chaque année de nouvelles constructions viennent enlaidir davantage des côtes féeriques et paradisiaques. La «mafia du foncier» semble ne pas être inquiétée, sinon comment expliquer le pullulement de maisonnettes, construites de bric et de broc, en un temps record.
C’est dire que le béton gagne du terrain sur le littoral au su et au vu de tout le monde. L’avancée du béton n’a pas épargné l’arrière-pays qui enregistre quant à lui son lot de construction frénétique. Les aides consenties dans le cadre du fonds national du logement (FONAL) favorisent et encouragent, par ricochet, l’édification de nouvelles bâtisses au détriment des plantations d’oliveraies et autres cultures arboricoles. La Kabylie perd de son âme avec des constructions irréfléchies et inadaptées au mode de vie montagnarde.
«C’est un crime de voir des milliers d’oliviers et autres arbres fruitiers décimés pour y laisser construire des cubes de béton», s’indigne Saïd, agriculteur. Le contraste est saisissant en se rendant dans les villages kabyles, où les maisons modernes lorgnent celles construites depuis plus d’un demi-siècle. Chaque lopin de terre que le béton grignote est perdu à jamais. La nature est agressée à tous les niveaux.
La politique d’urbanisation du gouvernement axée sur la construction de 1 million de logements s’avère à double tranchant. La demande galopante pour le logement dépasse largement l’offre, ce qui fait prédire que l’envahissement du béton est parti pour durer. Nombreux sont ceux qui appellent à mettre un terme à ce massacre perpétré sur la nature, mais hélas leur appel reste des propos de Cassandre.
Des chiffres éloquents nous rappellent combien le constat est amer. Depuis l’indépendance, plus de 150 000 ha de terres agricoles sont détournés de leur vocation pour y laisser place à une urbanisation anarchique et destructrice à la fois du grenier alimentaire qu’étaient lesdites terres. Des zones d’urbanisation anarchiques sont légion dans la wilaya de Béjaïa, notamment au chef-lieu. Iheddaden, Tizi, Dar-Djbel, Tazeboudjt…sont des quartiers construits pêle-mêle sans aucun respect des normes urbanistiques, où la laideur agresse les yeux.
«On vit dans des cités-dortoirs. Les espaces verts et autres commodités sont quasiment inexistants », nous confie un habitant du quartier Tizi. Même son de cloche à une cinquantaine de kilomètres plus loin. À Sidi-Aïch, les habitations étranglent le lit de la Soummam des deux rives à telle enseigne que les quidams se sentent oppressés par le manque d’air.
Idem pour la ville du piton qui connaît ces dernières années une fulgurante croissance impulsée par une dynamique économique. Devenue un pôle industriel par excellence, la ville d’Akbou attise les investisseurs qui accaparent le moindre lopin de terre mis en vente. Les habitations et autres magasins longent la ville de gauche comme de droite, ne laissant guère le moindre espace vert pour une population obnubilée par l’avancée du béton.
Bachir Djaider