Les récentes averses qu’a connues la région ont montré les limites et surtout les carences de l’aménagement urbain à l’échelle de la wilaya de Bouira.
Ce secteur est encore à la traîne. Les manques sont flagrants et innombrables. Cette situation a fait réagir les citoyens qui n’ont pas hésité à manifester leur «ras-le bol», en organisant des sit-in et autres protestations afin d’interpeller les pouvoirs publics sur ce qu’ils considèrent de l’ «abandon» pur et simple de la part des autorités.
Un constat alarmant
Les habitants du quartier du 1er novembre à El Esnam, ceux des 100 logements de Dirah, au même titre que les résidents de la cité des 32 logements de Lakhdaria et autres issus des communes d’Aomar, El Hachimia, Kadiria et Aïn Türk, pour ne citer que ceux-ci, ont récemment exprimé leur mécontentement, soit en fermant le siège de leur APC, soit en barricadant des axes routiers. C’est dire que la situation est alarmante. Les exemples pour illustrer ce «marasme» ne manquent évidemment pas. Tout n’est que délabrement, laisser aller et amateurisme. Le quartier du 1er novembre à El Esnam en est l’exemple vivant. Cette cité se meurt à petit feu et ses habitants souffrent le martyre. Les habitations dans lesquelles «survivent» les citoyens de cette localité ne sont que des taudis en zinc. Ce qui complique davantage la vie de ces derniers qui ne savent plus à quel saint se vouer pour améliorer leur cadre de vie qui ne cesse de se dégrader. Le mot «survie» n’est guère galvaudé au vu de la misère qui y règne. Dans la commune de Kadiria, plus précisément le quartier El Badr, les citoyens ne cessent de crier leur désarroi face à une situation qu’ils jugent infamante. Ce quartier nécessite plus qu’une simple opération d’aménagement mais une véritable prise en charge. Il se trouve dans un état des plus lamentables. Le même constat a été dressé du côté du chef-lieu de la commune de Lakhdaria. Et le parfait exemple de cette détérioration est sans conteste les cités des 480 et 32 logements. Ces quartiers sont livrés aux immondices et autres déchets en tous genres, lesquels s’amoncellent sur tout son long. Les décharges d’ordures ménagères débordent et les bennes à ordures sont pleines à craquer. Au niveau du chef-lieu de la wilaya, les exemples de défaillance ne manquent malheureusement pas non plus. Les quartiers de Ras Bouira et celui d’Aïn Graouche en sont les parfaits exemples. Certains habitants du premier quartier déclarent ouvertement que les autorités «les ont oubliés». Ce tableau noir n’est qu’un simple constat et un petit échantillon du retard enregistré en matière d’amélioration urbaine. Cette situation suscite des interrogations quant à la politique des autorités dans ce domaine, mais aussi et surtout son efficience.
Un argent fou…
Selon un rapport de la Direction de l’urbanisme, l’aménagement et la construction (DUAC) présenté lundi dernier, la wilaya de Bouira a bénéficié depuis 2005 de près de 10 milliards de dinars, afin de pallier à cette situation des plus inquiétantes. Dans le détail, on apprendra que plus de 5.5 milliards de dinars ont été alloués de la période allant de 2005 à 2008 et ayant touchés 228 sites, dont 226 ont été achevés et 2 sont en cours d’achèvement. De la période s’étalant de 2008 jusqu’à 2004, une somme estimée à plus de 3 milliards de dinars a été consacrée à l’aménagement de 44 sites, dont 32 ont été achevés, 11 sont en cours de réalisation et un seul projet qui n’a pas encore démarré celui de la commune d’Aghbalou. Un autre programme complémentaire évalué à plus d’un milliard et demi de dinars a été débloqué afin de traiter 23 sites, dont 15 sont en voie de réalisation, 4 projets devront bientôt démarrer et 4 autres n’ont pas encore été attribués, faute de soumission infructueuse. Pour ce qui est de la direction des travaux public, ce ne sont pas moins de 2.9 milliards de dinars qui ont été débloqués dans le but d’aménager 10 communes, touchant 24 sites : 18 projets ont débuté 05 en cours de lancement et un seul qui reste en étude. De son côté l’Agence foncière de Bouira a bénéficié d’une enveloppe de près de 300 millions de dinars pour la réhabilitation de 13 sites. Les communes, pour leur part, ont eu droit à une cagnotte de 300 millions de dinars, rentant dans le cadre des divers budgets communaux (BC) et plans communaux de développement (PCD). En tout, c’est près de 14 milliards de dinars qui ont été alloués à l’aménagement, avec des résultats qui restent très discutables. Pour ce qui est des différents plans d’aménagements, on notera que les communes d’Aïn Türk et Aït Laâziz se sont contentées, respectivement de 97 et 21 millions de dinars. Pour sa part, la daïra de Sour El Ghozlane s’est vue octroyer 995. 454.000 DA, dont plus de 900 millions de dinars pour le chef-lieu, le reste est partagé sur les trois autres communes : Ridane avec plus de deux millions, El Maâmoura 17 millions et Dirah avec 69 millions de dinars. Il est à préciser que, pour les VRD, une enveloppe dépassant les 180 millions de dinars a été accordée à cette daïra, toujours sur la période 2005-2013. Pour la daïra de Lakhdaria, plus de 830 millions de dinars ont été dégagés, tout au long de ladite période, et répartis entre le chef-lieu de daïra (796 millions), la commune de Maala (18 millions), Guerrouma et Bouderbala (8 millions chacune). La daïra de M’Chedallah n’est pas en reste, puisqu’elle s’est vue attribuer plus de 923 millions de dinars pour l’aménagement et l’amélioration urbaine, avec plus 348 millions de dinars pour le chef-lieu communal, 235 millions pour Chorfa, 194 millions pour Ath Mansour, 27 millions pour Saharidj, 47 millions pour Ahnif et, enfin, 68 millions pour Aghbalou. Néanmoins, tout cet argent investi ne semble pas avoir servi à grand-chose, quand on voit la situation sur le terrain. Où se situe «la faille» ?
…et des défaillances
Des éléments de réponses ont été fournis par les rapporteurs de la commission de l’APW chargée d’évaluer le secteur, d’une part, et par le P/ APW d’une autre part. Pour les premiers, les entreprises réalisatrices « ont une grande responsabilité » dans cet échec, car c’en est bien un. En effet, les membres de ladite commission ont clairement pointé du doigt «l’incompétence» des entreprises chargées de la réalisation des projets d’aménagement urbain. Il faut dire que les élus n’y sont pas allés de main morte, en qualifiant le secteur de «honte» pour la wilaya, en soulignant le fait que «le prétexte du raccordement en eau et en gaz ne tenait plus, puisque des communes, qui en sont déjà alimentées, ne bénéficient toujours pas d’un plan d’aménagement adéquat». De plus, les rapporteurs ont souligné également «le manque de coordination entre les différentes directions, à l’instar de la SDC, l’ADE, la DEM et la DRH, chargées d’accompagner les travaux. Par la suite, cette commission a émis certaines recommandations visant à remédier aux carences enregistrées, parmi elles : ne pas réceptionner des projets sans l’aval de l’APC, procéder à des études géotechniques afin de se prémunir contre les affaissements de terrain, donner la priorité aux quartiers les plus délabrés, renforcer le réseau d’éclairage public et mieux choisir des bureaux d’études et les entreprises. Pour le P/APW de Bouira, le Dr Slimane Ziane, «la wilaya a énormément souffert des années noires, ce qui a freiné son développement». Et d’enchaîner en déclarant : «L’aménagement urbain est l’une de nos plus grandes préoccupations. Il est dans cette situation parce que les réseaux d’assainissement n’ont pas été installés et nos villes n’étaient pas pourvues de réseau souterrain. Ce qui engendre des répercussions négatives sur les travaux d’aménagement».
Ramdane.B