La nouvelle conjoncture financière et économique, qui a commencé à se dessiner à notre pays à partir de septembre dernier, lorsque le prix du baril de pétrole sur les marchés mondiaux a confirmé sa chute entamée en juillet, a donné naissance à toute une « littérature » et à une myriade de commentaires débités chaque jour dans les moyens d’informations écrits, numériques et audiovisuels. Les analyses portent sur les éventuelles répercussions de ce recul des recettes extérieures du pays sur les services publics, l’emploi et le niveau de vie, comme elles portent également sur les mesures qu’entend prendre le gouvernement pour contenir la crise dans des proportions gérables. Une partie de l’opposition jubile de façon indécente devant une telle situation. L’on a entendu la semaine passée un de ses représentants dire que « l’opposition se trouve désormais dans une position confortable! ». Peut-on être aussi aveuglé par l’amour du pouvoir? Un amour qui dit toute la haine qu’il nourrit à l’endroit des Algériens, de la cohésion nationale et de l’ordre public. Tirer des dividendes d’un éventuel désordre que l’on souhaite voir s’installer suite à la contraction du budget de l’État; quel confort! On soupçonnait une grande partie de l’opposition peu encline à la « professionnalisation », puisque le mot est de mode; mais, on était loin de connaître tous les ressorts de son nihilisme. La mise à nu déroule son tapis progressivement, sans doute au même rythme que la chute du prix du pétrole! Il est vrai que la situation actuelle, avec ses angoisses dans les milieux populaires et chez les jeunes universitaires, charrie moult questions quant à l’inanité de notre schéma économique et met à nu aussi le manque de prospective de nos dirigeants. Ce n’est que maintenant que des voix s’élèvent pour appeler à l’instauration d’un ministère de la planification. Le Commissariat général à la prospective et à la statistique, installé il y a à peine quatre ans, avec comme président un éminent économiste, Sid Ali Boukrami, n’est ni intégré dans les grandes décisions économiques ni supprimé de l’organigramme. On entend plus parler de lui. Pourtant, plus que par le passé l’Algérie a besoin de prospective, de statistiques et de coordination intersectorielle en matière financière et économique. Autrement dit, c’est maintenant que la guidance économique doit s’établir ou jamais. Pourquoi laisser place à tant de spéculations? Ces derniers jours, certains journaux arabophones en mal de sensation et quelques comptes face book n’ont d’yeux et d’oreilles que pour l’arrêt de recrutement dans la Fonction publique, y compris pour les postes de pré-emploi. Le Parti des travailleurs y met son « grain de sel » en parlant de la possibilité d’explosion sociale suite à cette mesure du gouvernement. Or, si à Dieu ne plaise, la chute du baril se poursuivait, c’est tout le corps économique du pays qui en pâtira. Ce seront presque toutes les franges de la société qui en subiront les conséquences. Lorsqu’un grand chantier public s’arrête, se sont des centaines de chômeurs qui rejoindront les 10 % de la population qui le sont déjà. Ce sont des dizaines de fournisseurs qui mettront les clefs sous le paillasson et qui, à leur tour, vont être à l’origine de nouveaux chômeurs. Aujourd’hui, il est dommage de constater que ce que pouvait et devait faire le gouvernement en toute lucidité et avec l’esprit de prospective sous l’ère de l’aisance financière est appelé à le faire sous le sceau de l’urgence et de la précipitation. La diversification économique chantée sur tous les toits- du tourisme jusqu’à l’agroalimentaire, en passant par l’industrie et les NTIC- aurait été plus facile à enclencher il y a, par exemple, une année ou deux. La marge de manœuvre des pouvoirs publics pour encourager et orienter des choix spécifiques en la matière, avec des leviers fiscaux et financiers, était plus large et moins sujette à des pressions de conjoncture ou des impondérables de toutes natures. Cela n’a pas été fait, et les raisons sont multiples et variées, dont l’ « addiction » rentière- qui a formé ses marchés informels et lobbys, qui n’est pas des moindres. Néanmoins, au lieu de poser les bonnes questions et d’accompagner les populations dans ses graves interrogations, des hommes politiques adoptent le comportement d’enfants gâtés du système et, du même coup, gâchent leurs chances de s’ancrer dans la société. Ils ne s’en prendront qu’à eux-mêmes si le halo de leur destin politique demeure terne ou s’éteint complètement.
Amar Naït Messaoud