Une ambition et des préalables

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L’année 2014 avait mis les Algériens dans une ambiance de promesses sur lesquelles commençaient à planer des interrogations à partir du mois d’octobre dernier, lorsque le baril de pétrole confirma sa chute sur le marché. Jusqu’à la fin de l’année, il aura perdu 50% de la valeur qu’il avait en juin 2014. Les promesses et les projections esquissées sont celles afférentes à l’amélioration du niveau de vie, tel que cela a été convenu lors de la tripartite de février. Cette dernière s’en est prise à un « mur » considéré comme infranchissable dans la législation du travail; ce fut l’article 87-bis du code du travail qui a fini par être abrogé entraînant par là à partir de 2015, l’augmentation des salaires d’une grande partie des travailleurs, et ce, du seul fait de la révision de la règle de calcul du salaire minimum. La curiosité est que le texte du code du travail, dans sa globalité appelée à une révision profonde depuis que l’ancien ministre du Travail et de la sécurité sociale, Mohamed Benmeradi, en a fait état en décembre 2013 afin de l’adapter à la nouvelle typologie de l’économie algérienne, n’est pas encore programmé pour être examiné par l’Assemblée populaire nationale. D’ailleurs, hormis l’abrogation de l’article 87-bis, la révision de ce code n’agrée pas à certains partis, à l’image du PT de Louisa Hanoune, qui crient au « scandale » de la flexibilité du travail et du nouvel « asservissement » des travailleurs dictés, selon ces mêmes acteurs politiques, par le grand patronat et les partenaires étrangers à la recherche de la réduction maximale du coût du travail. Beaucoup d’organes de presse, qui ont fait un flash-back sur l’année qui s’est écoulée, se sont plutôt concentrés sur les élections présidentielles par lesquelles le président Bouteflika a brigué un quatrième mandat et sur les protestations des populations qui revendiquent un mieux-être social, allant jusqu’à donner le décompte du nombre de protestations enregistrées par les services de police. L’on voudrait ici faire le lien entre ce qu’a déclaré le ministre de l’Intérieur et des collectivités locales jeudi dernier, 1er jour de l’année 2015, et les « ratés » de ces dernières années en matière de développement local. Belaïz avance qu’ « un intérêt particulier sera accordé au développement local en 2015 », en assurant que « le dossier du développement local fera l’objet d’un suivi quotidien à travers toutes les wilayas du pays ». Il précisera aussi que la loi de finances de l’année 2015 a consacré une enveloppe budgétaire considérable à ce dossier. Cela signifie-il que, auparavant, ce volet de la vie de la nation a été négligé ou marginalisé? La réalité est que le développement local a toujours été pris en charge sur le plan financier et sur le plan des orientations et directives centrales. Mais l’autre réalité c’est que ces deux leviers, les finances et les directives centrales, ne peuvent pas constituer un miracle devant les limites bureaucratiques que charrie déjà ce concept de « centralisation » et devant également le déficit de rationalité de l’utilisation de l’argent public (études préalables souvent bâclées, absence d’implication des associations et des populations,…). L’on notera à ce propos deux « promesses » qui, si l’on pouvait les concrétiser en 2015, constitueront un bond qualitatif dans cette histoire de développement locale que l’on a malheureusement tendance à déconnecter de l’ensemble de l’économie nationale et de la gouvernance administrative, que notre pays mérite en ce début du 21e siècle qui a consommé déjà 15% de son parcours. Il s’agit de la mise en application des recommandations issues des assises nationales du développement locales chapeautées par le Conseil national économique et social (CNES), d’une part, et de la mise sur la table du projet d’un nouveau découpage territorial émis par le président de la République en mai dernier. Au vu de l’importance que revêt le développement local, il ne sera pas opportun d’avancer l’argument de la contraction des recettes pétrolières pour se « dérober » à ces projets, lesquelles ne manqueront pas de redonner confiance aux populations et d’amorcer même un processus de démocratisation à la base, lequel tarde à se dessiner avec les états-majors politiques engoncés dans des guerres de leadership et… d’intérêts. La « démocratie participative » sur laquelle le ministre de l’Intérieur est revenu encore, ce premier janvier 2015, ne peut pas prendre son élan et mûrir sans la décentralisation présentée comme base organique de cette ambition de démocratie participative, par les travaux du CNES qui se sont étalés sur trois mois (de septembre à décembre 2011 dans des ateliers régionaux de concertation, avec des assises nationales le 22 décembre). Ce chantier n’exclut pas la révision des codes de la commune et de la wilaya, déjà révisés en 2012, mais sans impact réel sur les prérogatives des élus qui demeurent circonscrites dans des limites inadaptées par rapport aux défis de développement et de gestion participative. De même, une nouvelle division territoriale s’impose d’elle-même vu le poids démographique de certaines daïras et la lourde mission des responsables administratifs et des élus locaux. En d’autres termes, s’il y a des économies à faire dans le contexte du recul des recettes budgétaires, ce n’est pas dans le développement local qu’il faudra les chercher. Le ministre de l’Intérieur en convient, reste à savoir comment mettre en branle cette vision censée installer confiance, justice sociale et mieux-être collectif.

Amar Naït Messaoud

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