Il existe à Béjaïa un certain nombre d’artistes et d’artisans qui luttent pour faire perpétuer des traditions que le développement technique tend à jeter aux oubliettes. C’est le cas de plusieurs sculpteurs, de fabricants de filets de pêche et de réalisateurs de bateaux miniatures, comme Dda Salah Idir.
Salah Idir a commencé sa carrière en mille neuf cent soixante-neuf. Il avait été pris en charge par un marin qui lui a appris les ficelles du métier de réparateur d’embarcations de pêche. Avec patience et doigté il s’initie au monde de la pêche, en apprenant à manipuler les outils et instruments de menuiserie marine, du maniement de la scie, du marteau et autres limes et rabots… En parallèle, dès l’année mille neuf cent soixante-et-onze, il est obligé de travailler ailleurs pour gagner sa vie. Sa passion ne lui permettait pas de s’assurer les entrées nécessaires pour subvenir aux besoins de sa famille. C’est l’OFLA qui lui offrira un emploi. Ce qui ne l’empêchera pas de continuer à fréquenter le port de pêche pour exercer son métier préféré. Il n’abandonnera jamais le monde de la mer et des bateaux de pêche qui sont une passion pour lui. Petit à petit, il apprendra à les reproduire, mais en miniature. Les modèles exposés dans son petit atelier du quartier d’Iheddaden sont impressionnants de précision. Les dimensions sont véritablement à l’échelle, avec une minutie d’exécution impressionnante. Parfois, il arrive à reproduire avec exactitude les modèles qu’on lui présente sur une simple photo. Il sait comment faire les calculs des mesures, et assure l’équilibre de ses modèles dans un bassin sur l’eau. Tous types de bateaux sont fabriqués par Dda Salah. Thonier, palangrier, rainette, chalutier en coupe carrée ou en coupe ronde, Yacht, voilier, … Et à la soixantaine bien entamée, il souhaite pouvoir transmettre son métier aux jeunes.
École de formation
Dda Salah voudrait ouvrir une sorte d’école, recruter un groupe de jeunes qu’il se fera le plaisir de former, afin d’assurer une relève et éviter que ce métier ne disparaisse. Son atelier est un véritable musée dans lequel il expose ses œuvres. Il souhaite aussi trouver des acheteurs. Il envisage de discuter avec des gérants d’hôtels qui puissent mettre à sa disposition des espaces pour qu’il puisse exposer ses miniatures à une clientèle susceptible d’être intéressée par son travail. Chaque œuvre demande entre six semaines et six mois de travail. Tout seul, Dda Salah ne pourra plus résister longtemps. C’est ce qui l’a emmené à faire des démarches auprès de l’administration pour demander l’attribution d’un local qui puisse l’aider à mieux faire connaître son travail. Ce qui lui a été proposé ne lui convient pas pour le moment, mais il ne désespère pas. Par contre, ce qui l’a inquiété pendant un certain temps, c’est l’absence de candidats à son offre de formation. « Les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas intéressés par les travaux manuels », nous a-t-il affirmé. Ne baissant pas les bras, il a décidé de s’adresser à une autre catégorie de la population qui semble mieux répondre à son offre.
Ouverture aux personnes handicapées
Ayant été lui-même victime d’un accident qui lui a causé un handicap physique, il a pensé recruter de jeunes handicapés qui cherchent un moyen de s’en sortir. Il souhaite en trouver une dizaine. De plus, les personnes handicapées sont plus performantes dans le travail. Elles sont plus fiables et plus fidèles. Elles cherchent souvent désespérément les moyens de trouver un métier et de l’exercer pour gagner leur vie. C’est ce que tendent à démontrer un certain nombre d’études consacrées au travail chez les personnes victimes d’handicaps physiques. Seulement, pour Dda Salah, l’idéal c’est que l’APC lui donne les moyens de s’installer à la Brise de Mer, endroit près de la mer et très touristique. Il pourrait ainsi être plus visible, et son travail mieux apprécié. Peut-être même que cela pourrait susciter des vocations.
Aides et subventions
Le métier n’est pas facile, et les matériaux coûtent cher. C’est le cas du bois, des métaux utilisés, ainsi que de la colle. Les modèles qui se trouvent sur le marché ne sont que des imitations réalisées de façon industrielle et importées essentiellement depuis la Chine. Ils manquent de vie et de goût. Ce n’est pas le cas des modèles fabriqués à la main, de façon artisanale. Il n’est que rarement fait appel à la machine. C’est un savoir-faire qu’il ne faut pas laisser mourir. Il est indispensable de le transmettre à la jeune génération. Ce qui semble être le souci majeur de Salah Idir. Il serait intéressant que des organismes publics lui viennent en aide. Son projet de formation devrait être pris au sérieux, et la Direction de la formation professionnelle devrait songer à discuter avec lui en vue de formaliser un programme officiel, qui permettrait, en plus de la maîtrise du métier, d’attribuer des diplômes et autres attestations. Des organismes comme la CNAC ou l’ANGEM pourraient également étudier la possibilité de l’aider à acquérir les outils et instruments de travail dont il a besoin, et la Direction de la pêche, l’Entreprise portuaire et d’autres organismes pourraient envisager de lui accorder quelques subventions. Ne parlons pas des banques qui pourraient lui accorder des prêts bonifiés ou carrément de le subventionner. C’est utile pour lui, pour son métier, pour les jeunes qui pourraient s’engager dans cette formation, et enfin pour la ville qui sauvegarderait ainsi son charme et sa culture.
N. Si Yani

