Tamazight, au delà des slogans

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20 avril 1980-20 avril 2015. 35 ans après, la Kabylie n’a pas oublié. Des marches et des manifestations culturelles en tous genres sont d’ailleurs prévues aujourd’hui un peu partout à Tizi-Ouzou, Béjaïa et Bouira, pour marquer comme il se doit cet événement. 

Et bien entendu, tamazight sera sur toutes les lèvres. Cette même tamazight qui a fait justement sortir des milliers de manifestants un certain 20 avril 1980. Depuis, faut-il le dire, tamazight a réalisé beaucoup de progrès. Il suffit déjà que Ali Benflis, celui-là même qui était à la tête du gouvernement lors des événements sanglants de 2001, dont la Kabylie commémore d’ailleurs la date, et Louisa Hanoune, pour ne citer que ces deux leaders politiques, se prononcent pour son officialisation. A vrai dire, il y a aujourd’hui une unanimité politique pour faire de Tamazight une langue officielle. Cela devrait intervenir d’ailleurs lors de la toute prochaine constitution. Sinon, tamazight a été introduite à l’école depuis 1995. C’est dire que cette langue et culture a enregistré d’importantes évolutions auxquelles les acteurs mêmes des manifestations de 1980 et les militants d’avant et d’après ne devraient pas osé rêver. Sur le plan politique, donc, tamazight a acquis une maturité certaine. Mais qu’en est-il sur le plan social ? De ce côté-la, hélas, la situation n’est pas du tout reluisante, disons-le tout de go. Et pour cause. Cette langue si chère, perd du terrain. Le constat est même alarmant. Quand on entend des parents parler à leur progéniture en français ou en arabe, et cela devient, il faut le dire, chose fréquente, on ne peut que s’inquiéter. A Tizi-Ouzou ou ailleurs, le « presque arabe » est devenu comme une langue de prédilection pour les citoyens. À l’école aussi, tamazight est loin d’être généralisée. Au contraire. Le « azul », « tanemirt » et les quelques mots en vogue lors des années d’interdiction qui frappait cette langue, ont étrangement disparu du jargon quotidien des villageois et citadins. Comme si tamazight n’est qu’une revendication politique qu’on a fini par acquérir et c’est tout. Tamazight a besoin d’être préservée et portée haut. Pour ce faire, on doit d’abord interpeller les consciences. Il ne suffit pas de sortir dans la rue et crier à tue-tête «  tamazight langue officielle ». On a tous crié un jour « Tamazight dhi lakul » que ce soit lors des marches commémoratives du 20 avril et autres ou au stade lors des matchs de la JSK, mais qu’a-t-on fait pour « tamazight » aujourd’hui qu’elle est justement dhi lakul. Tamazight a besoin de beaucoup plus que de slogans politiques. On doit la faire téter à nos enfants des seins de leurs mères, comme le disait feu Matoub Lounès, pour qu’elle soit généralisée dans l’ensemble des foyers de la Kabylie déjà avant de parler de sa généralisation à travers les écoles du pays. Des supports linguistiques s’imposent également pour qu’elle aille de l’avant dans cette même école. Puisqu’on y est, on doit se désoler du fait qu’on ne se soit même pas mis d’accord sur les caractères à adopter pour son enseignement. Sur le manuel scolaire, on trouve une face en caractère arabe et l’autre en latin. A vous le choix ! Non, ce n’est pas ainsi que tamazight, qui a fait sortir les manifestants le 20 avril 1980, s’émancipera. Tamazight, c’est tous les jours, ce n’est pas seulement à l’occasion du 20 avril ou Yennayer qu’on doit se rappeler qu’on est Amazigh. D’ailleurs, sur le plan politique, tamazight ne fait plus recette, puisque, c’est clair, elle a tout acquis sur ce plan, où il ne reste plus que son officialisation pour couronner son long chemin de combat. On aura d’ailleurs à le vérifier aujourd’hui à l’occasion des marches auxquelles on a appelé. Nous sommes en tous cas loin des grandioses marches organisées en pareilles occasions, à Tizi-Ouzou par exemple, durant les années 80 et 90, lorsqu’on se donnait rendez-vous au carrefour du 20 avril, disparu aujourd’hui. On est également loin des galas tenus à l’université de Oued Aïssi ou au stade Oukil Ramdane, avec au menu les Matoub, Idheflawen, Ferhat, Idir et Aït Menguellet…

         

   M.O.B 

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