À quelques jours du début du mois sacré de Ramadhan, les fêtes de mariage battent leur plein. Des centaines de couples décident de franchir le pas, en convolant en juste noces pour « le meilleur et pour le pire », dit-on.
En ce mois de juin, il ne se passe pas une journée, sans que des dizaines de cortèges nuptiaux sillonnent les rues et ruelles de la ville de Bouira où d’ailleurs, le tout dans une ambiance des plus folles et un vacarme assourdissant. Cela c’est pour la partie émergée de l’iceberg. Cependant, avant cette fameuse journée où tous les amis et autres convives lancent des « mabrouk » à tout va, les jeunes couples, où leurs parents, ont déjà passé bien des écueils. Et ce n’est pas les embûches et autres tracasseries qui manquent, loin de là ! Cela va de la conception de la liste des invités, jusqu’au cadre de la fête, à savoir organiser la fête de manière traditionnelle (chez soi, en famille) ou bien d’une manière que l’on pourrait qualifier de « moderne », qui consiste à louer une salle des fêtes. Ce choix, qui parait au premier abord anodin, peut à lui seul déterminer la réussite ou pas de ce qui est décrit comme étant le plus beau jour de la vie des futurs mariés. Car un mariage mal organisé ou pire, bâclé c’est la hantise de tous les couples, sans parler des « impressions » et autres commentaires des convives, une fois la fête terminée. Alors, fête traditionnelle ou bien salle des fêtes ? Et bien, à chaque option ses avantages et inconvénients que nous allons tenter d’énumérer pour vous.
Mariage traditionnel : De l’ambiance et des tracas
Tout d’abord, le mariage traditionnel, à savoir dans la demeure familiale, c’est l’un des types de mariages les plus savoureux et des plus inoubliables, et ce, de l’avis général. La famille, le voisinage, les amis et même de simples connaissances se retrouvent dans un seul et même endroit, afin d’offrir aide et assistance aux familles des mariés et faire en sorte que cet évènement reste gravé dans les mémoires. D’ailleurs, dans les villages de la Kabylie, il est quasi inconcevable de faire un mariage autrement. C’est un quasi sacrilège ! Le terme « la fête au village », n’est guère galvaudé dans ces contrées de la grande Kabylie, où les traditions ancestrales sont toujours enracinées. Les oncles, les tentes, cousins, cousines, les voisins, etc., font preuve d’une solidarité et d’une entraide sans failles. De la confection de l’incontournable couscous à la préparation des gâteux, en passant par le découpage des morceaux de viande et enfin le service des invités, tout se fait en famille, dans la joie et la bonne humeur et… à petit budget. Car, outre l’ambiance festive que procure ce style de fête, c’est son faible coût qui la rend des plus attrayantes, notamment en cette période où le pouvoir d’achat des ménages fond comme neige au soleil et les prix connaissent une hausse vertigineuse. Tout est basé sur la solidarité l’entraide et la générosité de la famille. Tout le monde est bénévole et sa seule « rétribution » consiste à en la satisfaction du marié ou de la mariée et leurs parents. Avec une somme relativement dérisoire, on peut satisfaire tous les convives, en leur offrant des mets de qualités et à en quantités suffisantes. « Pour mon mariage, je n’ai déboursé que 30 millions de centimes. C’est assez confortable ! » dira Mohamed, un père de famille, de la région de Kadiria. Avant d’ajouter : « J’ai invité pas moins de 400 personnes et tout le monde était satisfait. D’ailleurs, j’ai opté pour ce choix (fête trigonnelle, ndlr), pour des considérations économiques. Un mariage à la salle des fêtes m’aurait couté un bon pactole ». Cet argument du prix est repris par bon nombre de citoyens interrogés. Cependant, le revers de la médaille réside dans le fait que le mariage traditionnel requiert une famille relativement nombreuse, un sens de l’organisation des plus pointus et surtout des nerfs à toute épreuve. Car il faut bien le reconnaître, les convives ne sont pas toujours précautionneux. Des taches par-ci, des éclaboussures par-là des mioches turbulents et au final, tous les travaux d’embellissements, peintures et autres décorations effectués au préalable se retrouvent anéantis en une seule journée. « Après la fête, j’ai dû refaire toute la peinture et même le carrelage ! Ce n’était pas des invités que j’ai eu, mais des apaches ! » confiera Kamel, père deux enfants.
Salle des fêtes, ou le prix de la tranquillité
Si on veut éviter ce genre de désagréments et surtout ne pas trop se casser la tête, il existe les salles de fêtes. À Bouira ou ailleurs, elles poussent comme des champignons. D’ailleurs, c’est un créneau très porteur et florissant, notamment dans les grandes agglomérations. Vous avez une grande villa avec plusieurs étages et vous ne savez pas quoi en faire ? Reconvertissez-là en salle des fêtes ! Vous allez l’amortir et faire des bénéfices en peu de temps. Et pour cause, ce commerce, car s’en est bel et bien un, connaît un essor des significatifs. Selon une étude de l’ONS, plus de 68% des mariages en Algérie sont organisés dans des salles des fêtes. Mais pourquoi un tel engouement ? La réponse réside dans le fait que notre société comme les autres sociétés dans le monde, a subi une certaine métamorphose ou « évolution », préférant le « prêt à consommer », quitte à mettre le prix fort. Il est vrai qu’un mariage en salle coûte extrêmement cher ! Il faudrait compter pas moins de 14 millions de dinars uniquement pour la location de la salle, durant une période déterminée (48h). En sus, il faudrait ajouter les frais des achats de produits nécessaires à la préparation des fameux plats (Salades, chorba, tâam), les boissons et les fruits de saison. En moyenne, pour une fête avec 250 personnes, il faudrait compter 22 millions de centimes pour les fruits et légumes, 10 millions pour les diverses viandes (rouges et blanches) et entre 4 à 5 millions de centimes pour les boissons. Au total, on se retrouve avec de plus de 50 millions de centimes pour 250 invités à servir. Après avoir déboursé ce qui représente pour certains, les économies de toute une vie, c’est au tour du propriétaire de la salle de prendre le relais. Les cuisiniers, le service et les petits extras sont entièrement pris en charge. Surtout si c’est le propriétaire est un bon gestionnaire. À ce propos, dans certaines salles des fêtes, on retrouve des diplômés de gestion et de marketing, spécialisés dans l’évènementiel, qui se chargent des préparatifs. À Bouira et plus précisément dans le quartier de Draâ El Bordj, il existe une salle où tout est calculé à l’invité près. Néanmoins, cette tranquillité a un prix qui n’est pas à la portée de toutes les bourses. Autre point que certains considèrent comme négatif, celui relatif au manque d’attrait et d’ambiance dans ce genre de fêtes. À dire vrai, les mariages dans les salles des fêtes ressemblent beaucoup plus à des réceptions ou des banquets qu’à des mariages dignes de ce nom. Le charme et le cachet d’une fête de cette dimension y font défaut. On y vient, on y mange et chacun rentre chez soi. À travers tout ce qui a été relaté on comprend que chaque style de mariage à ses propres avantages et inconvenants. Le traditionnel est certes peu couteux et très conviviale, mais il génère des tracasseries avant, pendant et après la fête. En revanche, les mariages modernes, dans les salles des fêtes, simplifient la vie aux mariés et ils ne laissent pas de place à l’improvisation, tout y est réglé comme du papier à musique mais ils restent relativement onéreux et dans le plus souvent des cas, ternes. À chacun sa vision des choses
Ramdane Bourahla

