L'étape de l'exigence de qualité

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Comme le temps passe vite ! Le journal que vous tenez entre les mains ou que vous suivez sur internet boucle aujourd'hui treize ans de son existence.

Une vie exaltante, avec ses difficultés et ses moments de joie, à l’image de ce cher pays, l’Algérie, et de cette chère région, la Kabylie, dont notre quotidien a essayé de suivre les palpitations, les interrogations, les angoisses et les espérances. Treize ans dans la vie d’un journal, c’est sans doute peu et assez à la fois, pour pouvoir jeter sur lui un regard critique. Cependant, le contexte dans lequel il est né et le moment présent dans lequel il évolue sont différents ; différents sur le moment politique et l’environnement culturel. Mais, les idéaux qu’il porte- servir de tribune à tout ce qui fait l’actualité de la Kabylie : société culture, sport, et les défis qu’il est appelé à relever sur le plan de l’information de proximité-, gardent toujours leurs fraicheur et leur raison d’être.

Depuis treize ans, La Dépêche de Kabylie a réuni des noms de journalistes, correspondants et collaborateurs, formant des équipes sur les wilayas de Tizi-Ouzou, Béjaïa et Bouira, en plus du bureau d’Alger. Certains de ces rédacteurs n’ont pas quitté le journal depuis sa fondation. Leur signature figure toujours au bas de leurs articles. D’autres ont choisi d’autres horizons. C’est que le paysage médiatique algérien a beaucoup évolué depuis que notre journal a commencé à s’y donner une place. En 2002, le nombre de journaux se limitait à une vingtaine de quotidiens, entre l’arabe et le français. Les journaux n’étaient pas encore connectés à Internet. De même que ce service n’était pas encore assez performant, travaillant avec un faible débit qui permettait à peine d’envoyer un petit texte par e-mail. La Dépêche de Kabylie a commencé à fonctionner avec le système de fax. Ce dernier ne cessait de « cracher » à Alger des dizaines de dépêches qui venaient des bureaux régionaux, donnant l’actualité des villages kabyles et les infos de proximité. L’équipe d’Alger faisait une lecture détaillée et passionnée de ces dépêches afin de les ordonner, leur donner un ordre de priorité et procéder à leur montage. Puis, vient le moment d’une synthèse qui permettait de faire « Le point du jour », cet édito qui pouvait être consacré à un de ces événements de Kabylie ou à une actualité plus importante se déroulant à l’échelle nationale. Avec ses informations, ses analyses et ses commentaires, notre journal a accompagné la vie nationale en général et l’actualité en Kabylie de façon particulière. Les grands événements avaient même bénéficié d’éclairages bien fournis, comme la catastrophe du séisme de Boumerdès, les élections présidentielles, législatives et locales; et surtout les élections partielles en Kabylie suite à la dissolution des assemblées occupées par ceux qui étaient, à l’époque, appelés, les « indus-élus ». Cela nous replonge immanquablement dans l’histoire du Mouvement citoyen et du Printemps noir, puisque ce sont eux qui ont poussé les autorités à invalider les mandants de ces élus en Kabylie, du fait que les élections de 2002 avaient eu lieu dans un climat de graves émeutes en Kabylie, avec des taux de participations ridicules.

Un canal qui porte les préoccupations de la Kabylie

Outre la politique et les problèmes sociaux, La Dépêche de Kabylie a été fortement attendue sur le plan du message culturel. Comment pouvait-il en être autrement lorsqu’on se met devant cette première évidence- qui est souvent « zappée » par de nombreux journaux- qui fait que le journal est d’abord un produit culturel. En tant que tel- écrit dans une langue, le français, avec un certain style de narration ou d’analyse-, il se doit de rendre compte de tout ce qui fait la vie culturelle dans le pays, et en particulier en Kabylie. La Kabylie a une évidente exigence culturelle qui a des racines historiques et sociologiques connues. Il s’agit, avant tout, de faire émerger le combat identitaire pour l’amazighité sous toutes ses formes, qu’il soit porté par des associations, des individus, des mouvements, des écrivains, des chanteurs ou de simples citoyens. En effet, chacun de ses acteurs a une part de l’édifice culturel à construire, avec ses mots, ses images, ses dessins, son discours, ses sonorités ou autres moyens d’expression. Ils ont trouvé dans La dépêche de Kabylie un canal idéal pour faire connaître leurs œuvres, leurs aspirations et leurs appréhensions. Les grands poètes, chanteurs, peintres et écrivains ont trouvé dans notre journal une place que nous souhaitons élargir. D’Aït Menguellet à Zedeg Mouloud, en passant par Matoub, Idir, Cherif Kheddam et bien d’autres; de Mouloud Mammeri aux jeunes écrivains d’aujourd’hui, en passant par Feraoun, Taos et Jean Amrouche; tous ces porteurs et vecteurs de belles images, de rêves, de sensibilité artistique, de bon goût, de conscience identitaire, ont trouvé échos dans notre journal tout au long de cet itinéraire exaltant. Ce qui manquait à cet engagement culturel, et qui constitue la substantifique moelle de la revendication de la Kabylie, a été introduit depuis 7 ans. Il s’agit des pages en tamazight, publiées sous forme de cahier central. Insuffisant? On ne peut que le concéder. L’espoir est qu’un jour on arrive à publier un quotidien entièrement en tamazight. Déjà nos pages du lundi ont commencé à faire des émules, et c’est tant mieux pour la cause. Les autres faiseurs de la culture, qui agissent sur le terrain de la création matérielle- bijoux, poterie, tapis, robe kabyle et créateurs de tout genre- ne sont pas en reste. Notre journal les accompagne avec des reportages, des analyses et même des éditos qui défendent ces métiers et ces ciseleurs de matière qui font honneur à la culture amazighe. La nature et les paysages de Kabylie, ainsi que certaines autres contrées d’Algérie, ont aussi bénéficié de reportages. Le lecteur aura remarqué que l’accent a été fortement mis sur l’environnement en Kabylie qui se dégrade un peu plus chaque jour. Une prise de conscience et une réaction de la société sont indispensables pour éviter l’irréparable. Notre journal est à côté de ceux qui en font leur cause. Depuis que La Dépêche de Kabylie a investi le créneau du sport à l’échelle des villages et des communes, cette activité n’est plus regardée comme exclusivement un fait d’élites. C’est une activité qui renforce l’occupation saine de notre jeunesse et qui contribue à la communion et à la solidarité entre les composantes de toute la société. Sur un autre plan, mais qui concorde parfaitement avec l’orientation moderniste, démocratique et républicaine de notre journal, l’on a été à plusieurs reprises à un exercice que l’on ne fait pas de gaité de cœur: répondre à certains « attardés mentaux », pseudo-intellectuels, qui sèment la zizanie et la médiocrité en s’en prenant à tout ce qui est amazigh, authentique algérien, moderne, ouvert sur l’universalité. Baathistes, islamistes et prêcheurs zélés de tous bords ont trouvé en La Dépêche de Kabylie plus qu’un contradicteur, un rempart.

Au milieu d’une communication atomisée

En 2015, notre journal évolue au milieu d’un environnement médiatique des plus bariolés et diversifiés où, visiblement, la compétition paraît des plus rudes. Plus d’une centaine de quotidiens, des centaines de sites internet, des télévisions privées, et, dernier avatar de la communication moderne, les réseaux sociaux à la tête desquels se trouve Facebook. L’exigence de qualité que nous défendions depuis le lancement de notre journal paraît aujourd’hui encore plus fondée. Cependant, cette pluralité ne devrait pas faire peur à un organe qui tient à une certaine ligne de conduite. Car, s’il y a bien une qualité ou une vertu qui brille par son absence dans cette forme d’atomisation de la communication, c’est bien le professionnalisme. Hormis quelques titres qui se comptent sur les doigts d’une main et qui essayent de travailler pour se rapprocher de ce bel idéal, le reste est fait dans l’amateurisme, exploitant les limites et les faiblesses de l’information publique officielle pour semer rumeurs, intox, désinformations et « analyses » fantaisistes. Sans vouloir faire montre d’un excès de confiance en soi, l’on peut dire que La Dépêche de Kabylie, sur le plan de la compétition qu’imposerait par exemple le critère de la qualité évolue sur du velours. Cela ne signifie pas qu’on puisse s’endormir sur nos lauriers. L’exigence de qualité portée toujours vers un niveau plus grand- intégrant une meilleure diffusion de l’édition papier, une meilleure présentation de l’édition électronique, un enrichissement continuel du contenu et de sa qualité- est le meilleur moyen de rester fidèle à nos lecteurs de toujours et de toucher d’autres franges de la population. Le droit à l’information de cette dernière correspond à notre devoir d’informer. Nos lecteurs nous suivent en Algérie et dans le reste du monde où est établie la communauté algérienne. Avec le décalage horaire, il arrive que nos lecteurs du Canada et d’Amérique lisent les informations de leurs villages d’origine bien avant les résidants permanents de ces villages.

Treize ans après le premier coup d’essai, La Dépêche de Kabylie acquiert peu à peu sa maturité en matière de communication. Ce sont les efforts de toute l’équipe rédactionnelle et administrative qu’il convient d’apprécier à leur juste valeur et de saluer. Rendez-vous au 14e anniversaire.

Amar Naït Mesaoud

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