Pour certains, surtout les nostalgiques, un été sans figues fraiches et de Barbarie dans les villages de Kabylie, n’en est pas un. Vous avez beau leur parler des autres fruits d’été comme les raisins, les melons ou les pastèques, ils ne vous écouteront pas, car pour eux, ces produits sont des fruits de «la ville» qu’on achète au kilo et qu’on mange en dessert après les repas par parcimonie, parce que quelque soit leur prix, on croit toujours qu’on les a payés trop cher. Les figues fraiches et celles de Barbarie en revanche, dans les villages de Kabylie, ont toujours été gratuites. Si vous n’avez pas d’où les cueillir, on vous en offre et à profusion. Et ce qui est bien, concernant ces deux fruits, c’est le fait de pouvoir les manger à tout moment. Pour donner toutes leurs saveurs, les figues de Barbarie et celles fraiches doivent être cueillies à la rosée du matin. Les premières, elles, sont juteuses et pleines de goût lorsqu’elles se présentent légèrement bombées, de couleur jaune tirant vers le rouge et poussant sur le haut des raquettes. Pour se prémunir des épines, elles sont cueillies avec une gaule spéciale de roseau ou d’une longue branche de laurier qui se termine par trois ou quatre dents où viendront se loger un à un les fruits, avant qu’ils ne soient décrochés et déposés par terre. Il y a lieu ensuite, à l’aide d’une branchette de lentisque ou de caroubier, de les débarrasser de leurs épines et de les mettre dans un panier. Très délicates, les figues fraiches exigent un respect total de leur nature. Elles n’aiment pas les manipulations. Elles n’aiment pas non plus les sachets ou les bidons en plastique. Une fois cueillies, il faut les déposer une à une dans un panier en osier ou, s’il en existe encore, en férule, qui n’a pas d’aspérité qui risque de les blesser. Pour cueillir les fruits qui ont mûri sur une branche éloignée de l’arbre, les paysans utilisent le plus souvent, pour rapprocher cette branche, une houlette d’oléastre pourvue d’un crochet. Les figues fraiches sont à point, disent les connaisseurs, lorsqu’elles sont bombées, fermes, légèrement fendillées et présentant à la pointe une goutte de sucre en forme de gelée. Les amateurs de figues préfèrent les déguster à la rosée du matin et au pied de l’arbre.
B. Mouhoub