Pas si propre que ça !

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Jeudi, 14 heures. La double voie rapide d’une dizaine de kilomètres, reliant la ville de Bouira au chef-lieu de la commune de Haïzer, n’est pas particulièrement prise d’assaut par les véhicules immatriculés dans d’autres wilayas, comme c’est le cas pendant les week-ends.

Des fourgons, essentiellement, desservant villages et hameaux de la daïra de Haizer, roulent sur les voies pas encore parachevées et dont le bitume digresse par endroits. C’est peut-être le chantier le plus lent à Bouira. La température est relativement clémente à cette heure de la journée. De toute façon, ce n’est pas la canicule.

Mais, cela n’empêchera pas la sensation désagréable de dégoulinade sur la peau. L’avènement des barrages Koudiat Acerdoune de Maala et Tilesdit de Bechloul y sont pour beaucoup. Ces barrages ont impliqué un microclimat. Petit désagrément au niveau du carrefour dit «carrefour de Haizer». Le chantier de la trémie (en passe d’être livré) nous oblige à carrément contourner la ville de Bouira pour rejoindre la RN33, le bitume qui mène à Tikjda.

Le ciel est comme dans la chanson d’Aït Menguellet : «ni lumière, ni pluie… il est insaisissable… il empêche le soleil d’apparaître». Cela étant, la température a sensiblement baissé et le stress avec. À moins d’un quart d’heure, nous arrivons à Haïzer. Pas trop d’effervescence sur l’artère principale. Agréable surprise : la voie qui traverse la ville est clean et l’environnement y est kabylisé. Quelques étals proposant des fruits de saison sont implantés à la sortie de la ville. Nous nous arrêtons pour savourer notre gourmandise. Les figues sont fraiches et à un prix abordable.

Sachets, bouteilles et restes d’aliments partout !

Et commence «l’escalade à quatre roues». Plus de vingt kilomètres à grignoter avant d’arriver à la station de Tikjda. De part et d’autre de la route, les amateurs de Bacchus commencent à s’y installer. Ils y resteront jusqu’à tard dans la soirée. Les petits bosquets empêchant d’être vu de la route, sont vite occupés.

Les fêtards n’y viennent qu’avec leurs véhicules. Sur place, ils y trouveront tout ce qu’il leur faut pour passer quelques heures de convivialité enivrées. Des fourgons aménagés y proposent des grillades, sandwichs et bien évidemment un panel de boissons alcoolisées. Tous ces «faiseurs» de bars à ciel ouvert ne semblent pas être inquiétés par une autorité laxiste, plus encline à cadenasser les roues de véhicules sur les espaces interdits au stationnement qu’à empêcher la pollution de notre environnement.

Petite halte sur l’accotement dominant le barrage Tilesdit. La vue est imprenable. Le lac artificiel s’étale sur 18 kilomètres. Ces berges gagneraient à être réaménagées et rendues accessibles à plus de pêcheurs, d’autant que les poissons y meurent de vieillesse. Les autorités concernées pourraient en tirer profit et en faire un incontournable espace de tourisme local. Voile, pêche, baignade… tout cela ne coûte pas grand-chose et est très demandé. Nous reprenons «l’escalade».

Le véhicule peine à grimper. Un répit sur près d’un kilomètre de plat. Sur ce tronçon, encore plus de monde sur les accotements. Quelques familles s’y risquent pour s’y donner plein la vue. Leur halte ne sera que très courte : elles se rendent compte qu’elles ont franchi le seuil de l’espace bar.

Seule satisfaction : l’air frais

Visibles de derrière des buissons, de grandes glacières contenant canette et autres bouteilles de boissons alcoolisées proposent aux adeptes habitués leurs offres de services. À partir des barbecues improvisés, se dégagent des senteurs de grillades alléchantes. C’est dire, qu’une fois sur place, les fêtards n’ont besoin de rien, ils peuvent se défouler et, hélas, polluer mère nature. Toute la distance qui nous sépare du site est jonchée de bouteilles, cannettes, sachets et autres aliments laissés derrière.

Arrivé au niveau du chalet, le fameux chalet baptisé «chalet Ben Cherif», quelques magots occupent le bitume. Ils sont habitués aux véhicules et à l’homme. En fait, ils viennent à leur rencontre espérant quelques friandises. Un comportement contre-nature. Les quadrupèdes de Tikjda s’habituent de plus en plus à la biscuiterie. Du coup, c’est leur comportement naturel qui est perverti.

Ils deviennent accrocs et ne vont pas chercher dans la forêt leur nourriture. Il arrive souvent que les adultes parmi les magots agressent «les touristes». Un garde forestier nous a expliqué à ce propos que la faute incombe à ces touristes qui les habituent à un autre mode d’alimentation. «Donner un biscuit à un singe est contre nature, et cela génère des comportements bizarres», affirme-t-il.Nous empruntons la route étroite qui mène au CNLST.

Le barrage fixe de l’ANP est plus consistant que d’habitude. Aux alentours, pas grand monde. Quelques personnes longent le bitume en direction d’Aswel. Nous quittons notre véhicule pour une petite randonnée pédestre. Nous nous enfonçons dans les bois. Nous pensions y trouver une futaie propre. Non ! L’incivilité est passée par là. Sachets, bouteilles et restes d’aliments jonchent le sentier. Nous nous enfonçons encore davantage. Même topo. Pour fuir l’inconscience humaine, il fallait encore aller plus loin.

Cela n’était pas possible : nous n’étions pas équiper pour ce faire. Nous rebroussons chemin et profitons de la seule donne, jusque-là inaltérable : l’air frais. Paradoxalement, c’est sur le bitume non encore atteint par l’incivisme que nous profitons de ce que nous sommes venus chercher : la fraicheur et le silence. Aux environs de 18 heures, il n’est plus question de «bouhriture», mais de fraîcheur limite froid. Nous retrouvons notre véhicule pour rentrer. Les accotements sont encore plus animés qu’à l’aller. «Bacchus monte à la tête».

La musique fuse de partout. C’est la fête. Une fête inconsciente qui laisse derrière elle des souillures irrattrapables. Une fête qui, hélas, finit quelques fois de plonger des familles dans le deuil, suite à un accident de circulation.

S.O.A

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