La période des vacances tire à sa fin et les vacanciers profitent des derniers jours souvent au bord de la mer, avant de plier bagages et retourner chacun à son occupation habituelle.
L’on a vu dans les plages de la côte de Béjaïa, que ce soit celles de l’Est ou de l’Ouest, des famille ou des groupe d’amis venus de toute part, les numéros minéralogiques des plaques d’immatriculations indiquent bien les régions de cette transhumance ayant pris d’assaut la grande bleue et ses sables fins. Parmi cette marée noire au bord de la mer, bien sûr, des campeurs ou des vacanciers de la région qui préfèrent rester dans leur wilaya et profiter des bienfaits de la mer, que d y aller ailleurs. Quoique d’autres, les plus aisés partent encore loin en voyage vers d’autres pays pour passer leurs vacances.
Cependant, ce n’est pas le cas pour tout le monde en cette saison estivale normalement de repos, de loisir et durant laquelle on change d’air, on se défoule et on fait rupture avec la vie quotidienne. Pour certains, particulièrement dans les régions rurales, malgré les possibilités et la petite distance qui les sépare de la mer, de jeunes citoyens n’accordent pas d’importance à ce repos et aucune mise en parenthèse ne s’opère pour une nouvelle respiration ou une bouffée d’oxygène.
Vacances pour certains….. Corvées pour d’autres
Dans plusieurs villages et localités que nous avons visités pour les besoins de notre reportage, le même constat a été établi, où des habitants, au lieu de se reposer en cette saison, doublent encore d’efforts et travaillent sans relâche.
«C’est le moment à jamais pour gagner un peu d’argent nécessaire pour mes études universitaires. Je profite de cette parcelle de terre de mes parents et de ce puits d’eau de plusieurs dizaines d’années pour cultiver mon jardin qui est mon petit paradis faisant plaisir aux yeux», dira Messaoud, un étudiant universitaire de 21 ans, rencontré dans son village à Barbacha qui s’est versé dans la culture des légumes de la saison comme la tomate, le piment, le poivron et surtout l’haricot vert ou «mangetout» s’écoulant comme des petits pains, car il est très utilisé pour les plats traditionnels des fêtes de mariages et autres circonstances festives.
Messaoud, un jeune étudiant en sciences juridique et administrative, est un excellent jardinier et un connaisseur en botanique, il est aussi bon commerçant qui sait parfaitement tenir une discussion avec ses clients, quant à faire de la publicité cela est sans importance car la qualité et la fraîcheur de ses légumes n’ont en pas besoin.
L’étudiant et agriculteur de circonstance se rappelle de ses vacances passées en camping avec des amis à Saket plage, il ya quelques années, il avoue que ce sont de bons souvenirs mais ne regrettant pas de ne plus se rendre à la plage comme au bon vieux temps. Il déclare, «Ce sont des moments inoubliables certes, mais j’ai découvert ce job qui me procure autant de plaisir malgré la fatigue que je traduis comme une pratique de sport surtout que tous mes efforts sont payants cash». Joindre l’utile à l’agréable, voila comment Messaoud a choisi de passer ses vacances scolaires, passer des moments dans son jardin et gagner de l’argent, de quoi s’en acheter des vêtements et faire face à différentes dépenses à l’université.
Loin d’ici, et par occasion de notre passage dans la localité d’Ighil larbaâ, dans la même commune, nous avons jugé utile de nous rendre dans un village se trouvant dans l’autre versant de ce relief montagneux partagé entre 4 communes, Barbacha, Bousselam, Beni Mohli et Beni Chebana. Boussaâda, qui fait partie de cette dernière commune, porte bien son nom, une chaleur torride y règne, tout comme Aguemoun lemlah, un village limitrophe qui vit dans l’anonymat total. Leurs habitants fréquentent souvent les 3 chefs-lieux des communes de Bousselam de Beni Mohli et de leur propre municipalité se trouvant de l’autre côté de l’Oued Bousselam entouré de champs de blé et d’orge, et aussi de jardins de légumes et d’arbres fruitiers.
A Boussaâda le temps est à l’arrêt, ou presque pour certains, comme le vieux Amar et sa famille qui pratique à ce jour la moisson traditionnelle dans ses champs de blé et d’orges. Aidé par ses enfants, tous scolarisés et qui ne connaissent le synonyme de colonies de vacances que dans les livres scolaires, Da Amar pour les villageois est fidèle au travail de la terre, qui lui offre de quoi subvenir aux besoins de sa famille, enfin pas tout. Nous sommes tombés à pic avec cette fête qu’il faut préparer durant plusieurs jours. Cela se passe sur une aire propre et plate «Anner» que l’on badigeonne avec la bouse des vaches afin de séparer la terre et la poussière des plants secs de blé.
«C’est le moment idéal pour nous, car le battage est le dernier processus de la culture céréalière qui nous permet de récupérer notre récolte en grains et en pailles et cela demande la contribution de toute la famille et plus précisément les garçons et je ne vous cache pas que j y compte plus sur eux».
Ils sont trois jeunes âgés de 17 à 25 ans, Brahim, Ali et walid aidés par des cousins et voisins constituant ainsi un groupe autour du sexagénaire lui aussi toujours robuste, et c’est à l’aide de 4 ânes attachés au cou l’un à côté de l’autre que le battage se fait en guidant les bêtes de somme à écraser par leurs pattes en faisant des tours sur les plants secs de blés. «Cela prendra au moins 3 heures pour arriver à séparer les graines et écraser les tiges de plants pour avoir une bonne paille qui sert d’aliment de bétail». les jeunots trouvent du plaisir à vu d’œil en passant à tour de rôle à faire tourner les équidés quand les autres se reposent à l’ombre en s’hydratant d’eau fraîche de la source et du lait caillé manière de lutter contre les méfaits de la poussière se dégageant de la broussaille sèche et qui peut donner même des allergies.
«C’est vrai que je préfère être en ce moment à la plage mais bon, les taches familiales priment et notre papa ne peut faire face seul à tout ça, donc c’est par devoir de sacrifier nos vacances pour ces petits travaux qui nous offrent aussi un certain plaisir car ça nous permet tout de même de voir ce que nos grands parents endurent», témoigna Walid le cadet, lui qui est lycéen et qui s’apprête à passer son Bac l’année prochaine.
A vrai dire, cela se passait dans une ambiance toute particulière et des passants pouvaient après un salam alikoum rester un moment et observer la scène dont les acteurs sont des jeunes qui s’adonnaient à cœur joie à cette activité. Le vieux Amar est le seul du village, peut être de la région qui pratique le battage traditionnel, puisque les autres cultivateurs préfèrent les techniques modernes qui font aussi le bottelage de la paille et dans cette région, l’on a constaté des dépôts de céréales secs entassés aux bords des routes en attendant le passage de la batteuse.
Ces petits marchands de figues de barbarie
Dans les montagnes, le travail est une affaire de tous, surtout pour les familles dotées de commerces ou de lopins de terres et de sources d’eau.
Il faut dire que tout le monde est agriculteur, commerçant ou éleveur même parmi des universitaires ou des diplômés. Mais parmi ces taches saisonnières, les marchands à la sauvette sont plus remarqués car il s’agit de moins jeunes et d’enfants tout court qui proposent leurs marchandises aux automobilistes. A Amizour, et plus précisément à la sortie Sud de la ville, une dizaines de petits animent seuls le «marché» en occupant un petit espace d’accotement pour vendre leurs fruits; la figue de Barbarie emballés dans toutes sortes de bidons.
Les prix sont à débattre et ces «commerçants» ne trouvent aucune gène à prouver leur «bonne» façon de négocier avec leurs clients et ne reculent guère à défendre les prix déjà fixés et pas question d’une baisse sauf s’il s’agit d’un client habituel ou d’une quantité importante demandée. «je me lève à 5 heure, du matin pour aller loin le long de l’oued jusqu’à la limite avec la commune, à la recherche de la bonne qualité de figues de barbarie qu’il faut cueillir sans avoir des épines pleine la peau et qu’il faut transporter sur le dos jusqu’ici», dira Ameziane, qui a à peine 13 ans pour justifier leurs entêtement devant les prix proposés.
«Nous devons rester ici sous le soleil, la chaleur et la poussière jusque faire écouler notre marchandise si non la jeter et aller le lendemain pour une nouvelle cueillette, et cela nous permet de gagner quelques 2 000 à 3 000 Da la journée», avoua Mounaim du même groupe qui vient de la localité d’Ighil Ialouanen. Tous s’accordent à dire qu’ils font ce job pour gagner quelques sous nécessaires pour pouvoir partir une à deux fois à la plage. Si non pour Youcef, âgé de 15 ans lui était catégorique, «je dois gagner une somme d’argent de quoi m’acheter des vêtements pour la rentrée scolaire et aussi pour l’Aïd».
La figue fraîche, qui commence à faire son apparition dans ces montagnes, fait aussi l’affaire de jeunes villageois durant l’été ainsi que d’autres légumes saisonniers, enfin tout se vend soit au niveau des placettes des villages, sur les trottoirs ou le long des axes routiers.
Une partie de dominos pour tuer le temps
Un peu plus loin et plus haut, dans la commune de kendira, les choses ne sont pas différentes qu’ailleurs, car chacun trouve son compte lors de cette saison par ceux qui profitent de leurs vacances et ceux qui travaillent contre la montre à achever leurs petits travaux de maçonnerie, de peinture ou de plomberie avant la rentrée scolaire, car l’aide des enfants est considérable.
Mais entre ces deux mondes, il y’en a ceux qui trouvent le plaisir de rester chez eux surtout qu’ici en haute altitude les températures sont plus clémente. Le déplacement jusqu’au bord de la mer constitue une vraie galère pour certains, en ces temps de grands embouteillages, et cela ce n’est pas pour rester sans loisir en cette période de détente, le jeu au Dominos fait partie du choix de passer le temps dans ces localités montagneuses. «après la grâce matinée en profitant de la fraîcheur matinale et du calme qui y règne, je retrouve mes amis autour de cette table en incrustant du bon café et en tuant le temps à mener des parties de Dominos, mieux que de m’exposer à l’humidité de la mer ou augmenter la dose de stress en cours de route, je préfère partager ce moment ici avec les enfants de mon village que d’aller à la plage», rétorque Salim, un jeune de 26 ans qui dit ne peut supporter le chahut des plages.
La rivière ou la plage des pauvres
A chacun ses moyens ou ses désirs de profiter de l’été soit en sacrifiant leur temps à travailler ou profiter pleinement de ces moments de répit.
Beaucoup parmi les jeunes des villages ne laissent pas passer cette saison sans pour autant goûter au plaisir de l’eau, et pas la peine d’aller jusqu’à la mer. Oued El djemaa, un cours d’eau qui provient de kendira et traverse la localité d’Aït Sidi Ali, avant qu’il ne se diverse dans la mer sur le territoire de Boukhlifa, il est envahi ces jours-ci par des jeunes venus pour se baigner, s’adonner à la pèche de la carpe ou carrément mettre les pieds dans l’eau pour se rafraîchir. «Je viens ici souvent et je profite de cette eau limpide pour me rafraîchir, car partir à la plage demande des frais et ce n’est pas à protée de ma famille», souligne un jeune chômeur d’une trentaine d’année.
Et d’une pierre deux coups pour d’autres, car ici, on tente d’apporter quelques pièces de poissons et de profiter du plaisir de cette eau douce. Tous les moyens sont bons, cependant les vacances dans ces montagnes ne sont pas pour tous, soit pour les montagnards qui font de l’été un moment propice à tout faire pour assurer un hiver sans pépins, car ici on y pense beaucoup plus à la saison des neiges et du grand froid qu’à l’été et le nombre de fêtes familiales célébrées lors de la saison estivale explique cela.
Les vacances ne sont pas pour tous et les non vacances y trouvent le goût, soit par habitude ou par nécessité à travailler sans relâche, tout comme ces jeunes, des étudiants, qui défient le temps à ne connaitre des vacances que ce divorce de deux mois avec leur vie estudiantine avant de reprendre le cours des études, si non de poursuivre leur bonhomme de chemin de pleine activité. Les vacances c’est aussi le travail.
Nadir Touati

