La veille du grand baroud, Neddjma wehlal, version Mohia, est en effervescence officielle. Toutes les moukouwinat du moudjtamaâ se sentent concernées. Chacune à sa manière, elles surfent sur «abellud ahrur, Jerjer bu tcacit…» Le Sant Egidio de Mazafran ne lâche pas son «l’heure est grave !». Alors qu’il donne le tempo au «front autour de» sa partition favorite, l’instrument à percussion hausse le ton et menace : «écoute Fafa, ou tu demande pardon ou je délocalise ma résidence parisienne !» La Madone du prolétariat sort ses griffes et ne loupe aucun projecteur pour rappeler le désordre à son ordre socialiste-mermez.
Plus loin, de l’autre côté du Rhin, Sensal, l’auteur de «2084», ce roman qui prédit un minaret à la place de la Tour Eiffel, affirme que seule «la kabylie homogène» pourrait révolutionner l’Algérie. Pour Boualem Nostradamus, la locomotive kabylie est la chance de l’Algérie. Pourtant, depuis le grand baroud, jusqu’à la plateforme d’El kseur en passant par le Printemps Berbère, cette même locomotive ne cessait d’inviter les autres wagons à s’y agripper… En attendant que la fièvre novembriste passe et leur conclave salvateur qui se prépare dans la sérénité arrive, Sadiya n l’Euro et ses amis décident d’aller faire un tour du côté d’Ighil Imoulla d’octobre 1959. Le soleil décline. Une petite pluie remonte les senteurs de la terre. À cette heure-ci, Ighil Imoulla est déserte. Seuls quelques bergers retardataires traînent avec leurs troupeaux. Kaci l’Angoisse semble reconnaître le visage d’un jeune homme. Ce dernier presse le pas et s’engouffre dans une maison.
– C’est bien lui !
– Qui ça, demande le vieux Dezdeg ?
– Ali Zammoum !
Les visiteurs lui emboîtent le pas. Dans une chambre à peine éclairée, Ali Zammoum déplie un document qu’il sort de la poche de son pardessus. Il se rapproche de la lampe à huile et lit. À la lecture du document, l’expression de son visage vire à l’émotion. Une petite larme lui échappe. Il sort une petite machine à écrire d’un carton et y insère un stencil. Il tape : «À vous qui êtes appelés à nous juger…»
– Azul, l’arrête net Da Militant
– Qui est là c’est quoi cette langue ?
– Ne craignez rien monsieur Zammoum, le rassure Sadiya en lui expliquant d’où venait-elle et avec qui était-elle
– Parlez-moi de l’Algérie !
– L’Algérie indépendante, vous la connaîtrez
– Et «azul» ?
– C’est du tamazight !
– Quoi ! Formidable Laimèche a donc réussi !! Alors tout va bien, le combat n’a pas été vain ? Vous savez quoi, je suis tellement heureux que j’ajouterai en bas de la proclamation du 1er novembre «Kabylie mon amour, Algérie pour toujours»
T.O.A