Ivelvaren, la légende

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C’est l’un des plus hauts villages de l’actuelle commune de Saharidj, qui culmine à quelque 1 600m d’altitude, incrusté en pleine poitrine du majestueux Yemma Khelidja dont le sommet domine toute la Kabylie avec ses 2 308m de hauteur.

Ivelvaren est l’un des tous premiers villages de l’Aarch Imchedallen, qui a offert une position des plus stratégiques aux maquisards de l’ALN qui installèrent leur point de commandement (PC) à Tala Rana après avoir délogé les colons qui l’ont aménagé en lieu de détente et de villégiature et qui ont cédé à la pression exercée sur eux par les maquisards. Ce village est surplombé par plusieurs positions dominantes imprenables tels que Ich Umehrum (le pic du lion), Imghuzen, Taguemount et Izerouel d’où le choix des officiers de l’ALN pour en faire leur PC. toutes les tentatives des forces coloniales à les déloger en utilisant les grands moyens tant terrestres qu’aériens à base d’intenses pilonnages, comme en témoignent les innombrables traces des obus de mortier 105 et ceux du napalm, largués par les avions de combat et échouèrent l’un derrière l’autre, d’où la décision de l’état majors colonial d’évacuer les villageois qui ont adhéré activement à la guerre de libération, dans le but d’isoler les maquisards,- décision mise en application sur insistance du maire de la commune mixte de Maillot (actuelle daïra de M’Chedallah)-, Joanes Troccon. Le village composé de deux quartiers Ivelvaren oufella et ivelvaren badda a été rasé le 11 novembre 1957, après un violent accrochage à Ich Umehrum quelque mois après la sinistre opération «Bigeard» où les soldats français ont subi d’énormes pertes, dont un avion de chasse à réaction de la 8ème armée abattu en ces lieux. Les citoyens furent dans un premier lieu regroupés à Amara dans les plaines d’Oughazi à M’Chedallah en plein air et passent les nuits à la belle étoile sans aucun abris sous la neige, après quoi les déracinés s’éparpillent à travers les villages limitrophes sur ordre des officiers de l’ALN qui instruisirent les villageois riverains à recueillir les réfugiés.

Ce n’est qu’en 1965 après l’indépendance qu’Ivelvaren se regroupèrent de nouveau après qu’un centre d’accueil de 20 logements de type «jumelés» leur furent construit par l’état. Ce centre a enregistré ensuite une fulgurante extension pour attendre une surface de 06 hectares pour une population actuelle de 5 000 âmes. Quelques tentatives de repeupler l’ancien village à travers des programmes de relance de l’agriculture tel que le FNDA-PPDRI et FNDRA mis en application en parallèle à des quotas de l’habitat rural et l’auto-construction, se sont heurtés à l’insécurité et ont brutalement freiné par l’avènement du terrorisme et les groupes de sanguinaires qui écumèrent cette zone et qui continuent toujours à se manifester en ces lieux notamment depuis le démantèlement des détachements de la garde communale en 2012, dont les cantonnements ont été positionnés en postes avancés pour sécuriser les zones rurales. Les quelques villageois, notamment des éleveurs de bétails bovin et ovins qui ont regagné leur ancien village après la mise en application de ces divers programmes de relance de l’agriculture de montagne, ont dû quitté les lieux.

Ivelvaren entouré de mythes et légendes

En plus d’abriter le sanctuaire de la sainte Yemma Khlidja, qui a été la destinée des pèlerins qui viennent des quatre coins de Kabylie, ce village est surplombé par le plus haut sommet du Nord du pays, Tamgut avec ses 2 308 m, qui est lui-même un lieu de pèlerinage de toute la Kabylie durant, un rituel annuel millénaire qui se fait chaque année en juillet. Cela ajouté à d’autres légendes à savoir : celle d’avoir fabriqué des armes pour repousser les tribus arabes de la tribu des Ouled Ali qui commettaient des razzias dans la région, ou de confectionner une arme de destruction massive pour qui consiste à placer, à chaque extrémité d’un long et gros tronc d’arbre, une meule de pierres- lesquelles sont utilisées dans les huileries traditionnelles et les moulins à grains pour l’écrasement- qu’ils lâchaient sur l’ennemi et faisaient des carnages dans leurs rangs, une machine de guerre qu’ils partagèrent avec la localité mitoyenne, Aarch Iwakuren, qui l’utilisait avec succès grâce à l’inclination du terrain et l’emplacement de leurs villages et on évoque aussi la fabrication de catapultes qui servaient de lance-pierres mais ces villageois étaient aussi les premiers à fabriquer de la poudre explosive, d’où l’expression collée à ce village «l’medhfaa oukerouch» ou le canon du chêne. La légende raconte qu’ils ont fabriqué une arme sous forme de canon ou mortier à l’aide d’un tronc d’un chêne qu’ils ont chargé de poudre malheureusement, la mise à feu et l’explosion a fait des victimes des deux côtés. Un autre dicton retrace l’héroïque résistance d’Iverlvaren contre les diverses occupations «Yeggul Kaci wer thudir tala» (Kaci a juré d’empêcher le captage et la canalisation de la légendaire Tala Rana au profit des colons de maillot), une opération à laquelle Iverlvaren opposèrent un refus catégorique dans les années 1920. L’esprit communautaire, l’organisation et la solidarité agissante de ces villageois sont soulignés par un autre adage «lvadhana ouverlvar dhi tighilt buvladh» soit le secret du village se discute entre ses dignitaires sur la colline du rocher, un endroit isolé loin des oreilles indiscrètes, ce qui dénote de l’esprit révolutionnaire et guerrier de ce village qui comptabilise pas moins de 51 martyrs, tombés au champ d’honneur durant la guerre de libération.

Oulaid Soualah

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