Le personnage de Bouamrane dans la culture berbère de Kabylie

Partager

Toutes les cultures regorgent de personnages divers autour desquels se racontent mille et une légendes les concernant. Ils peuvent être des rebelles, des sages, des juges, des doués d’intelligents, bref des serviteurs de la société sous plusieurs aspects. Certains ont été de véritables acteurs dans la vie des sociétés, d’autres ont été tout simplement mythiques. Il y a en Kabylie un homme du nom de Bouamrane dont l’intelligence, dit-on, était exceptionnelle. Les histoires racontées autour du personnage ont, pendant longtemps, servi à alimenter les arguments éducationnels. Il a été tantôt poète, tantôt juge, tantôt conseiller ou encore un héraut qui conte des faits dans un verbe de haut niveau pour capter l’attention du public qui l’entoure lors des marchés, quêtant ainsi un enseignement que peut assurément véhiculer le discours. Nous ne savons pas à quel village ou Aarch Bouamrane a appartenu, mais le fait est qu’il a été d’une grande utilité dans l’éveil de la société. On signale cependant sa présence comme faisant surtout office de juge entre l’axe Michelet et Fort-National, mais il est également revendiqué à Bgayet. À son propos, un seul ouvrage assez long lui a été consacré. C’est celui du Père Genevois intitulé «Le sage Bouamrane» paru au F.D.B (le Fichier de Documentation Berbère de l’ex-Fort-National) en 1965. Toutefois, l’auteur signale dans l’avant-propos de son ouvrage que l’anthropologue Henri Basset lui a consacré trois pages dans son «Essai sur la littérature des berbères», de la page 184 à la page 186. Basset lui-même cite également, en guise de comparaison, le personnage de Amamellen et son neveu Elias retenus dans la mémoire culturelle des Touaregs. C’est dire que chaque îlot géographique berbère possède son ou ses personnages dans le sens de Bouamrane. Le Père Genevois cite également le berbérisant Bensdira qui a seulement noté le nom de Bouamrane dans «Cours de langue kabyle, Alger Jourdan, 1887 à la page 389» comme étant un poète. Très peu d’informations formelles existent sur Bouamrane sinon ses nombreux faits rapportés oralement par la mémoire populaire. L’un des récits des plus répandus et qui se rapporte au personnage de Bouamran est l’histoire de la jeune et belle Arba, qui lui préférera Hammad comme époux malgré son peu d’intelligence. Arba, dans la réplique qu’elle lui donnera, dit que Bouamrane est trop bronzé de peau même s’il sera à plusieurs reprises son sauveur face au lion de la forêt, aux bouchers et à d’autres prédateurs de sa beauté. Bouamrane rencontrera un jour un être plus fort que lui en matière d’intelligence. Il s’agit de sa femme qu’il répudia en raison. Mais avant de partir, il lui dit de prendre tout ce qu’elle vénère et qu’elle aime le plus dans la maison. Discrètement, elle lui fera boire une potion qui le plongera dans un profond sommeil. Elle le mit dans un coffre et repart chez ses parents. Lorsque Bouamrane se réveille, il se retrouve chez ses beaux parents. Il comprit alors que la chose que son épouse vénérait le plus c’était lui-même. De nouveau, ils sont unis et Bouamrane reconnaît qu’une femme peut dépasser son mari en intelligence. Cette histoire vieille de près de deux siècles ou plus, révèle en fait que la femme en Kabylie n’est pas un meuble mais un élément entier qui participe activement à la vie dans la cité.

Abdennour Abdesselam

([email protected])

Partager