Des dividendes insoupçonnables au terme de l’expérience

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Il y a quelques années, la très dynamique association «Imedyazen» d’Alger avait, avec ses moyens limités et en parallèle de l’enseignement de tamazight par correspondance, assuré un enseignement dans son modeste local. À propos des profils de leurs «apprenants», Hamid Oubagha, président de l’association, nous expliquait alors que leurs classes étaient composites et y suivaient des cours des personnes venues de divers horizons. Au-delà de l’engagement militant, pour beaucoup d’entre eux, apprendre tamazight était mu par un besoin de combler une carence. Pour quelques profils, tels que avocat et médecins, ne pas parler tamazight, le kabyle en l’occurrence, était un handicap les empêchant d’être à l’écoute de leurs clients et leurs patients. Le président de l’association avait aussi mis l’accent sur un besoin social : de jeunes mariées arabophones s’étaient inscrites pour comprendre et se faire comprendre par les beaux-parents kabylophones. Cette modeste expérience de l’association «Imedyazen» révèle, si besoin est, que comme pour l’apprentissage d’autres langues, apprendre tamazight est aussi un besoin, voire une nécessité. À plus grande échelle et avec plus de moyens, le Haut Commissariat à l’Amazighité (HCA), en partenariat avec l’association algérienne d’alphabétisation (Iqraa), a réédité l’expérience de Imedyazen. Dans une première étape, l’initiative concerne 09 wilayas, en attendant sa généralisation à d’autres wilayas. Alphabétiser les adultes en arabe va rarement au-delà de remplir un chèque CCP et autres imprimés administratifs. N’étant pas lettrés dans d’autres langues, les ambitions intellectuelles de ces adultes se voient donc limitées. Par contre formés généralement dans d’autres langues (l’arabe et le français), les adultes invités à apprendre tamazight sont pour la plupart motivés par des besoins soulignés dans l’expérience de l’association «Imedyazen» et par aussi des considérations intellectuelles. En effet, parmi ces adultes initiés à tamazight se trouve un profil de poètes, d’acteurs et de romanciers en jachère, pour qui apprendre à écrire et à lire en tamazight, porter sur manuscrit leurs états d’âmes littéraires confinés jusque-là dans l’oralité. Mine de rien, l’initiative du HCA impliquera des dividendes dans le domaine culturel : elle libèrera d’autres énergies qui ne manqueraient pas d’enrichir la bibliographie amazighe et élargira le cercle des lecteurs à un profil intéressant. Ainsi, une dynamique prometteuse est en train d’être insuffler à tamazight, langue et culture. Ce nouveau souffle, si toutefois il est maintenu et consolidé aura un effet positif insoupçonnable. Un effet terre à terre que n’ont pas réussi les dizaines de colloques internationaux et autres journées d’études consacrés à la question amazighe. C’est dire que tout commence et passe par lire et écrire.

S.O.A.

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