Quand réalité ne rime pas avec vérité

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Le projet de loi portant loi de finances (LF) 2016, continue de susciter interrogations et controverses. Cela fait des années qu’un tel projet n’a pas suscité autant de bruits. En effet, il survient dans une conjoncture des plus sensibles pour le pays ; une conjoncture caractérisée par une chute drastique et structurelle du prix du baril du pétrole, laquelle a fait basculer le pays dans une crise économique qui n’a pas encore livré toutes ses implications. Dans ledit projet, il s’agit pour le gouvernement de combler le vide résulté par la chute, de près de 50 %, des recettes du pays. Il s’agit d’un manque à gagner de plus de 30 milliards de dollars. Ce dernier s’est répercuté drastiquement sur le budget de l’Etat en creusant son déficit ; il en est de même pour la balance commerciale et celle des payements. Même si le gouvernement table sur une croissance de 4,6 % pour l’année 2016, celle-ci ne pourrait aucunement atteindre les équilibres macro-financiers de l’année 2014. Pour les experts en économie, la loi de finances 2016 favorise beaucoup plus les riches aux détriments des simples contribuables. Cela s’explique par le fait que la LF 2016 prévoit la baisse de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP) en la ramenant de 2 à 1 %. Cette mesure est motivée par le souci du gouvernement d’encourager l’acte d’investir. Mais pour les experts, il s’agit de recettes considérables de manque à gagner pour le trésor public, d’autant que la TAP constitue la ressource principale des budgets des collectivités locales. Et pour alimenter ce dernier, la LF 2016 prévoit la hausse des tarifs de certaines commodités de base pour les citoyens, à l’instar de l’électricité de l’eau et des carburants. Autrement dit, les prix de ces commodités vont augmenter, selon la LF 2016. De ce fait, cette hausse des tarifs s’ajoutant à la perte drastique de la valeur de la monnaie nationale et une inflation dépassant les 4 %, vont éroder sensiblement le pouvoir d’achat des citoyens. Et de là toutes les augmentations de salaires qui ont été faites ces dernières années s’avéreront nulles et sans effets. Pour rappel, ces mesures qui s’avèrent à la limite de l’austérité ont été amorcées dans la LF 2015. Cette dernière a inauguré de nouvelles exonérations fiscales (TVA), ainsi que la réduction de l’IBS et des droits des douanes. De même, il est question dans la LF 2016, pour faire face à la chute drastique des recettes de l’Etat, de l’augmentation des droits de timbres fiscaux pour les documents administratifs, de l’augmentation de la taxe foncière et de l’habitation et du doublement des tarifs de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Ce sont des mesures qui touchent directement le simple contribuable. En recyclant toutes ces mesures qui vont éroder d’avantage le pouvoir d’achat des citoyens, la LF 2016 prévoit, par contre, de nouvelles réductions au profit du patronat. Il s’agit de la réduction de la taxe de la publicité foncière et des exonérations fiscales, de la privatisation totale des entreprises publiques, de l’annulation du droit de péremption, de l’ouverture du financement extérieur , de la remise en cause de la règle 49/51 %. Le gouvernement ne dispose que de trois années afin de contourner la crise qui va être engendrée du tarissement des recettes des réserves de changes et du fonds de régulation des recettes (FRR). D’après certains experts, ce déficit budgétaire est susceptible d’être comblé par certaines mesures immédiates, et ce, à défaut d’une véritable stratégie de relance économique qui n’a pas été bâtie ces dernières années. Il s’agit, pour eux, de rationnaliser les importations et de les assainir. À titre illustratif, plus de 15 000 faux importateurs ont été enregistrés, ces dernières années, au niveau du ministère des Finances. De même, selon une déclaration récente du ministre du Commerce, la surfacturation dans les opérations d’importation a causé une perte de plus de 20 milliards de dollars pour les recettes de l’Etat. Dans ce sillage, la contrebande au niveau des frontières occasionne, annuellement, une perte de plus de 3 milliards de dollars à l’Etat. Aussi, le rapport de la cour des comptes pour l’exercice 2011 fait état de restes à recouvrer (RAR) de l’ordre de 7 937 milliards de dinars. La bancarisation de la masse monétaire circulant dans le secteur informel, s’inscrit notamment dans cette optique, si cette mesure était appliquée auparavant. Selon les experts, cette cagnotte s’estime à plus de 30 milliards de dollars. Par ailleurs, si ces mesures seraient prises pour rattraper le temps perdu, cela engendrera des recettes considérables pour le budget de l’Etat, lesquelles alimenteront le déficit budgétaire sans pour autant recourir ni aux réserves de changes ni au FRR, et sans pénaliser d’avantage les contribuables.

Rachid B.

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