L’affaire est déconcertante mais bien réelle. Certains de ses épisodes méritent même d’être adaptés pour des scénarios de films d’espionnage. C’est l’histoire de deux Palestiniens, établis à Tizi, qui ont entrepris de détourner huit lignes téléphoniques de l’ACTEL pour monter dans la clandestinité (et l’illégalité surtout) un standard téléphonique international. L’arnaque est exécutée selon les préceptes des plus hautes technologies de la télécommunication. Les préjudices subis par l’ACTEL s’élèvent à 5 milliards de centimes.Tout a commencé début septembre dernier lorsque les deux faussaires, âgés de 28 ans, ont acquis 8 lignes téléphoniques de type WLL.Pour ce faire, les deux Palestiniens ont présenté des dossiers complètement bidon puisque leur registre du commerce, leur permis de conduire, leur carte d’identité et leur adresse étaient soit faux soit falsifiés. Le matériel était, opérationnel dès le payement. Mais voila qu’intriguée par le montant faramineux de la première facture qui s’élevait à 2 milliards 170 millions de centimes pour les deux seuls mois de septembre et octobre, la direction de l’ACTEL s’est empressée d’alerter la police judiciaire de la sûreté de wilaya de Tizi Ouzou. Ce sont les enquêteurs de la Brigade économique et financière (la BEF) qui se saisiront de l’affaire. Le 23 octobre 2005, le directeur de l’ACTEL de Tizi Ouzou dépose plainte contre X pour facture impayée.La procédure n’est pas engagée à l’encontre de personnes identifiées car la police venait de découvrir que les titulaires des lignes avaient présenté de faux documents donc insaisissables pour le moment.De fait, la BEF effectuera de minutieuses recherches et entreprendra un travail d’investigation très colossal pour pouvoir se saisir du bout du fil.La première étape constituant à vérifier scrupuleusement les relevés des communications émises ou reçues des huit postes a été très concluante.Car, là, la surprise fut de taille.Les enquêteurs découvrent que l’écrasante majorité de ces communications ont été effectuées vers l’étranger, vers des pays arabes, asiatiques ou encore en Europe et en Amérique. La liste est très longue. Le Liban, le Pakistan le Sri Lanka, Singapour et le Canada viennent en tête. La BEF ne se décourage pas pour autant. Elle sait que pour élucider cette affaire elle doit user de tout son savoir-faire. Cela sera fait moins de 48 heures après, grâce au relevé des appels reçus, des amis des faussaires sont identifiés. C’est eux qui donneront les signalement des deux Palestiniens. L’enquête avance à pas sûrs. La police tombe sur de nouveaux éléments encore plus invraisemblables. Elle établira en premier, que les 8 lignes sont utilisées comme standard pour des communications mystérieuses. Le procédé est simple mais demande une grande maîtrise des dernières technologies en matière de télécommunications. Les deux Palestiniens (ou l’un d’eux) reçoivent un SMS indiquant un numéro de téléphone quelconque. En appelant ce numéro, depuis son WLL, le faussaire tombe sur une personne qui lui remet un deuxième numéro de fil, ce dernier est mis en attente et le faussaire compose le numéro indiqué.de fait et grâce à l’option “Appels en conférence” les trois personnes peuvent communiquer en toute quiétude… aux frais de l’Actel.Une fois l’option activée, le Palestinien se retire et le tour est joué.Mais cette arnaque a un avantage, encore plus intéressant, la communication qui aura lieu entre le 2e et le 3e appel est quasiment indétectable.De la sorte, les deux faussaires encaissent chaque mois d’importantes sommes d’argent (généralement en dollars) sous forme de forfaits prépayés de la part de leurs clients à travers le monde.Le paiement s’effectue par des transferts bancaires sur des comptes en devises des faussaires et ce, soit en Algérie soit en Palestine. Après cela, la BEF apprendra également que les deux arnaqueurs (l’un est ingénieur en aéronautique et l’autre est architecte) ont installé chez eux un “distributeur automatique d’appels”. En capitalisant leurs connaissances dans ce domaine, ils ont élaboré un système de gestion des appels, obéissant au doigt et à l’œil, grâce à un portable et un micro-ordinateur. L’un d’eux, E. L., a finalement été arrêté à Tizi Ouzou. Il a été présenté dimanche dernier au parquet et immédiatement mis sous mandat de dépôt. Son acolyte E. O., demeure toujours en fuite. Ils seront poursuivis pour détournement de lignes téléphoniques, détournement de deniers publics, faux et usage de faux et immigration clandestine pour E. L., (E. O. ayant obtenu la nationalité algérienne). D’après les informations en notre possession, la police vient d’établir l’existence d’une neuvième ligne WLL, dont le fonctionnement est suspect. Les faussaires s’apprêtaient sûrement à élargir leurs activités. Et dire que E. L., le premier mis en cause, continue à se cacher derrière la cause palestinienne en affirmant aux policiers qu’il serait un activiste du Fatah…
Ahmed Benabi