La question n’était bien sûr pas à l’ordre du jour hier à Club des Pins mais le premier responsable de l’instruction voulait, sans doute, préjuger d’un ton général qui veut casser les tabous. Pour ce faire, il faudra bien qu’un certain nombre de recommandations formulées çà et là aboutissent à la fin de ce sommet. Plus concrètement, M. Amr Moussa citera la zone de libre-échange l’union douanière et des perspectives 2010 et 2013 pour les zones Euro-Méditerranée et Europe-Moyen-Orient. En fait, il a devancé sur ce point et M. Zapatero et M. Barnier pour dire, suggérer sans vraiment le dire, que l’avenir est plus dans le processus de Barcelone que dans le GMO. Abdelaziz Bouteflika, qui a pris le relais de Zine El Abidine Benali, a plutôt pris son monde à contre-pied. En présentant son discours d’ouverture comme une simple fidélité à la tradition, il supposait qu’il allait se tenir à une distance aussi respectable des sujets qui fâchent que ses prédécesseurs au micro.Mais il dira là où d’autres auraient sûrement pris des gants que « les Irakiens doivent retrouver leur souveraineté, que les institutions de la Ligue et des Etats arabes doivent être reformées pour s’adapter à un monde qui va très vite et, ultime audace, la charte de l’organisation doit être revue. » Dans la foulée, il évoquera même les réformes introduites en Algérie pour lever une équivoque dans l’air du temps interne : « Non, elles (les réformes) n’ont pas été imposées et elles ne le seront jamais ! »Il plaisantera même sur un sujet pourtant assez sérieux en remerciant M. Zapatero d’avoir « déplacé Ibn Khaldoun vers l’Andalousie, alors qu’il fait l’objet d’un litige persistant entre l’Algérie et la Tunisie ». Mais il y a d’autres sujets sur lesquels le nouveau président de la Ligue arabe n’a donné aucune impression de vouloir plaisanter. A commencer par la lutte antiterroriste en disant une vérité pas toujours bonne à entendre : l’Algérie a vécu sa tragédie dans la solitude. Même si, en diplomate accompli il finira par dire aux chefs d’Etat arabes que leur présence aujourd’hui à Alger est une forme de soutien, façon de dire mieux vaut tard que jamais.Mais entre temps, M. Bouteflika aura d’abord précisé que le terrorisme est aujourd’hui vaincu et évoqué ses origines : le terrorisme n’a pas commencé le 11 septembre. Il est, entre autres, le résultat de difficultés économiques mais aussi d’autres facteurs dont il faudra bien parler un jour : bien sûr qu’il y a eu l’Afghanistan, bien sûr qu’il y a eu le Moyen-Orient, qui ont influé sur l’Algérie. C’est en ce sens qu’il a appelé à une redéfinition du terrorisme qui fasse consensus, qui lève l’amalgame et n’ouvre pas de voie à d’autres dérives. Sur le plan organisationnel, M. Bouteflika introduira une note de réalisme conforme à ce qu’il veut obtenir de ce sommet : « A l’ère des grands ensembles, le monde arabe accuse un retard notable sur la voie d’une intégration économique dont il a pourtant les moyens ». Il était dit que Bouteflika aille jusqu’au bout de son objectif, qui est celui d’instaurer un nouvel état d’esprit au sein de cette institution et ce n’est sans doute pas par hasard qu’il a terminé par là où ça fait le plus mal parce que cela évoque le manque de démocratie dans les pays arabes : « Nous devons encourager la libération des énergies de nos sociétés civiles et l’avénement d’une citoyenneté arabe participative… ».
Slimane Laouari