Enfin mise au propre, la nouvelle mouture de la constitution est différemment appréciée à At Rgad. Toute taddart n’a de commentaires que pour l’article 3 bis. «Le reste n’est que littérature», estime Dda Militant.
Les nihilistes, ces négateurs de la réalité substantielle, affirment : «bof, tamazight langue officielle, c’est du périmé !». Les pessimistes opposent à l’optimisme affiché leur «oui, mais».
Mais en gros, la joie, voire l’euphorie, surpasse l’esprit de contrariété.
Plus que jamais excité La Besace a, pour la circonstance, fait l’effort d’apprendre quelques mots de tamazight que personne ne comprend pour entamer son micro trottoir :
– Ass-a tutlayt tanimmat tekcem tamendawt tuɣal d tunṣibt. Acu-tt turda-m, ɣef uẓayer amesnilsan n imal ?
– Quoi ? je n’ai rien compris. Tu ne peux pas parler kabyle comme tout le monde ?, répond Sadiya n l’Euro
– Mais c’est du tamazight nna Sadiya… tu ne comprends pas ta langue officielle… c’est grave !
Pendant que la Besace continue à chercher des poux dans les têtes des chauves, Chabha le Chignon de l’association «zwi-tt, rwi-tt» se fait belle et s’apprête à youyouter pour accueillir officiellement l’article 3 bis. Kaci l’angoisse et le vieux Dezdeg sont à la recherche de Da Militant pour partager avec lui leur joie. Ils ne le retrouvent pas là où il a l’habitude de s’y rendre. «Je pense savoir où le trouver !», dit Kaci l’Angoisse au vieux. En fait, depuis la lecture de l’article 3 bis, les images n’ont cessé de se bousculer dans la tête de Da Militant. Toutes les figures emblématiques de la revendication berbère, depuis la crise de 49, se sont invitées dans sa cervelle marécageuse : Bénai Ouali, Mbarek Aït Menguelett, Laimeche Ali, Mohamed Haroun, Mouloud Mammeri, Rachid Alliche, Belghezli Achour, Matoub Lounès, Boukrif Salah, Ouahioune Djaffar, Mammar Berdous… les martyrs du Printemps Noir….
La charge émotionnelle était telle qu’il n’avait d’autres choix que de l’apaiser avec quelques aqbuc chez Rabah Talyan.
– J’étais sûr de te retrouver chez da Rabah !
– Assis-toi, je t’invite à partager un coup avec moi à la santé de tamazight langue officielle, répond-il difficilement
– Je comprends ta joie, mais ce n’est pas une raison pour te mettre dans un tel état, lui reproche le vieux Dezdeg
– Pardon Da Rezki, je ne t’avais pas vu. Tu te rends compte de ce qui vient d’arriver !! Tamazight est dans la constitution comme…. l’islam. Maintenant que j’y pense, j’estime que c’est insuffisant. Il faut que le combat continue jusqu’à ce que tamazight devienne «din ddoula»…
– Lèves-toi ! t’as assez bu, on rentre à la maison
T.O.A
PS : «Dans une langue seconde, les mots sont simplement plus éloignés de la réalité que dans la langue maternelle» Monique Larue