Si au début des années 2000, la quasi-totalité des oléiculteurs de Tafoughalt, un village de plus de cinq mille habitants possédant des milliers d'oliviers, avaient opté pour les huileries modernes, pour cette saison oléicole, nombreux sont ceuxqui les ont boudées.
En effet, ils ont, alors, sollicité le seul propriétaire de l’une des anciennes huileries traditionnelles à mettre en marche les machines. C’est chose faite, celui-ci a répondu favorablement à leur demande même s’il n’y a pas encore grande bousculade devant les broyeurs. «Tout le monde reconnaît que l’huile pressée dans ces huileries modernes était légère et qu’elle n’avait pas le même goût que celle des huileries traditionnelles. Dans notre village, il y en avait cinq. Au fil du temps, par manque de clients, elles ont été toutes fermées ces dernières années. C’est pourquoi nous avons émis le souhait que le propriétaire de l’une d’elles qui est en bonne état la mette en service», nous dira un oléiculteur d’Ath Salem, rencontré devant cette huilerie d’où nous arrivait la senteur de l’huile. Il nous a été alors, donné de constater que la cour où étaient déposés des sacs commençait à se remplir. «Bon, ce n’est plus comme avant. Maintenant, c’est le patron de l’huilerie qui s’en charge de tout. Je me souviens que dans les années 70 et 80, c’était l’oléiculteur qui devait non seulement rapporter l’eau, mais aussi, le bois utilisé pour faire bouillir l’eau jusqu’à une très forte température. Aujourd’hui, certains accessoires nouveaux sont introduits dans cette huilerie», ajoutera le même interlocuteur. Disposant d’un camion pour le transport des olives, le gérant sillonne d’autres villages environnants relevant de la commune de M’Kira et même de Draâ El-Mizan pour y acheminer la récolte. Dans cette huilerie, ce qui semble le plus intéressant, est que le pressage se fait d’une manière empirique bien que le patron ait ajouté un moteur électrique et un séparateur de l’huile d’un côté et la margine (Amourej) de l’autre. C’est mécanisme facile à comprendre. Après le lavage des olives, celles-ci sont versées dans une sorte de vessie, puis elles remontent aux broyeurs. Après cette deuxième opération, la pâte obtenue est versée dans des scourtins (Thidhalaâine), puis dans les pressoirs. Le liquide sorti est drainé par un cours d’eau chaude vers le séparateur d’huile. D’un côté c’est l’huile et de l’autre, la margine. Nous avons appris que les premiers rendements sont très satisfaisants. Environ, vingt litres par quintal d’olives. Cette huilerie fait travailler quatre ouvriers. Mais, leur nombre pourrait atteindre une dizaine si les quantités d’olives seraient importantes. Pour le prix, c’est le même que celui appliqué dans les huileries modernes à savoir sept-cents dinars le litre. «Vraiment, je suis très content d’apprendre que cette huilerie a repris de service. L’huile sortie des pressoirs de ces machines traditionnelles a un goût exceptionnel et une saveur qui chatouille les narines. Sincèrement, je peux vous dire que je peux m’en passer de tout, mais pas de l’huile d’olives surtout lorsqu’elle est pressée dans des huileries traditionnelles», nous dira cet habitant du village venu de Bab El Oued (Alger) où il résidait depuis l’indépendance du pays. Ce qu’il y a lieu aussi de souligner, est que même les bruits des moteurs et la feu qui se dégage de la cheminée ont encore redonné vie à cet endroit, depuis la fermeture de cette huilerie située tout près du cimetière » Sidi Boubkeur ». «Je me souviens bien quand nous rentrions de l’école à la fin des années 90. Les ouvriers nous invitèrent souvent à déguster du pain plongé dans l’huile qui sortait des pressoirs. Je n’oublierais jamais cette chaleur qui nous envahissait après avoir parcouru presque deux kilomètres sous la pluie. C’était vraiment les beaux jours en dépit des manques dont nous souffrions à cette époque-là», nous avouera un sexagénaire, aujourd’hui, retraité de l’éducation, venu lui aussi acheter quelques litres d’huile dès qu’il a entendu que » Timaâssarth Ouravah » a ouvert ses portes. Ajoutons que ce dernier avait l’une qui datait des années trente et c’est au début des années 70 que celle d’aujourd’hui a été reconstruite, puis gérée par son fils, après son retour de France où il avait émigré durant des années.
Amar Ouramdane