Akbou, qualifiée de deuxième grande ville de la wilaya après Béjaïa, possède deux grands pôles économiques qui lui procurent des ressources importantes la plaçant parmi les communes les plus riches d’Algérie.
Le premier est la zone d’activité de Taharacht réputée pour ses unités de production spécialisées dans l’agroalimentaires, dont les plus huppées sont Danone, Soummam, Ifri et général emballage, pour ne citer que ces quatre car la liste est loin d’être exhaustive. Le deuxième grand pôle économique est le marché de Bouyizane qui se tient les vendredis pour la vente de l’automobile et ses dérivés, et le lundi pour la vente du bétail et ses dérivés. Le marché de gros en fruits et légumes se tient chaque jour. Pour l’objet de ce reportage, nous allons nous limiter au marché de l’automobile d’occasion que nous avons visité vendredi passé pour savoir si des changements ont lieu avec la rentrée effective des augmentations des prix de l’essence et du gasoil survenus en ce début de l’année 2016 et le recul des importations des véhicules. Tôt le matin donc, on a pris le départ en direction du marché. La route nationale n°26 qui traverse la nouvelle-ville connait, chaque vendredi, une affluence particulière de par le nombre important de voitures immatriculées à Béjaïa (06) et des wilayas limitrophes. La plupart des usagers se rendent à ce marché de véhicules, qui pour vendre un véhicule ou de la pièce détachées neuves ou d’occasion qui, pour acheter un véhicule qui par curiosité ou flâner pour le plaisir des yeux. Les automobilistes qui viennent de Béjaïa rentrent par la porte nord qui traverse une grande rue distribuant à gauche comme à droite des commerces de gros de l’alimentation générale. Une rue dont la chaussée est dans un piteux état de par le nombre exorbitant de crevasses et de nids de poules qu’elle recèle. La circulation est très difficile de par les encombrements qu’engendrent les camions qui garent anarchiquement des deux côtés de la rue. Ceux qui viennent des villages de Tizi-Ouzou par Chellata rentrent par la porte Ouest et traversent la ville d’Akbou pour se rendre ensuite au marché de voitures. Ceux qui viennent de Bouira, M’Sila, BBA, Boumerdès par Tazmalt rentrent par la porte sud. En quittant la RN26, ils empruntent la route menant au marché qui, elle aussi, est dans un piteux état avec d’abord une flaque d’eau géante située à l’entrée, où certains véhicules calent de par le niveau d’eau atteignant le moteur. Cette route est bondée de parkings privés, alignés l’un après l’autre sur les deux côtés. Et ce sont des milliers d’oliviers arrachés pour laisser les terrains nus non aménagés et servant d’aires de stationnement. Des bambins placés dans chaque entrée d’un parking invitent les automobilistes à garer en leur faisant des signes de la main. Beaucoup de garages de la pièce détachée automobile d’occasion sont alignés aussi sur les abords de cette route. Une route sale de par les immondices entassées sur les accotements. Des immondices une fois incinérées donnent un visage hideux. Des plaques installées à certains endroits portant des écriteaux «décharge interdite» n’ont pas dissuadé les pollueurs qui continuent à jeter encore leurs ordures. Avant l’entrée du marché beaucoup de marchands ambulants sont installés sur les accotements vendant des plants d’arbres fruitiers ou d’ornement, des animaux tels que des lapins, poules, œufs, cailles et autres. On entend de loin les cris des vendeurs chacun en louant les vertus des marchandises qu’il a exposées à la vente. Un grand bâtiment de quatre étages renfermant environ une centaine de locaux professionnels pour jeunes chômeurs. Ces locaux non encore attribués sont livrés à eux-mêmes et dégagent des odeurs d’urine nauséabondes. Entre les deux extrémités du bâtiment se trouvent les deux portes d’entrée au marché où des agents font payer aux automobilistes qui rentrent à ce marché. À la porte nord, la distance qui sépare l’entrée du marché est occupée par des marchands ambulants de chaussures et de vêtements. Le carré de la friperie occupe un espace important avec une vingtaine de stands qui proposent une gamme variée de produits à des prix jugé trop chers et malgré cette cherté les gens achètent quand même.
Au beau milieu des ordures !
À la porte sud, sur la distance séparant l’entrée du marché automobile, on y trouve d’abord les poissonniers ambulants qui proposent des sardines entre 400 et 500 dinars le kg, à côté d’eux les charcutiers qui exigeaient 200 dinars pour le kg de tripes, 450 dinars pour celui de bouzelouf en morceaux sans os.
Les bouchers, quant à eux, vendaient le kg de viande tout venant entre 800 et 850 dinars et le foie à 1 500 dinars. Juste après commence le marché de détails des légumes et fruits, alignés sur le côté gauche, c’est-à-dire au Sud, juste derrière des amas d’ordures sentant le pourrissement. Ils sont bordés, au nord, par les vendeurs de vêtements neufs qui forment un grand couloir d’où passent les voitures pour la vente. Le marché de détail des fruits et légumes occupe un grand espace. Première constatation : le marché était plein à craquer comme à l’accoutumée. Secundo : les prix d’entrée des véhicules ont augmenté passant pour les véhicules légers de 700 à 900 dinars sans que cette augmentation ne soit annoncée par l’adjudicataire ou l’APC d’Akbou. À la question de savoir pourquoi une telle augmentation que nous avons posée à l’un des surveillants postés à l’entrée, la réponse de ce dernier fut : «On nous a augmenté cette année le prix de l’adjudication». Un habitué des lieux, vendeurs de voitures venu de Béjaïa, s’est même révolté en apprenant une telle augmentation. «Chacun fixe les prix comme il veut. Normalement ce marché est un bien public qui appartient à la municipalité d’Akbou, donc il appartient à la wilaya de fixer le prix d’entrée», a-t-il dit. Les prix des voitures ont augmenté pour les petites cylindrées ne consommant pas beaucoup d’essence, à l’image de la Maruti 800 de l’année 2012 dont le prix a atteint les 500.000,00 dinars alors qu’il ne dépassait pas les 450.000,00 dinars il y a un mois. Une Atos de la même année son prix avoisine les 800.000,00 dinars ce qui n’est pas le cas il y a quelques semaines où on pouvait l’avoir à 700.000,00 dinars. Les voitures anciennes ont vu leur prix dégringolés, à l’image de la Clio japonaise de l’année 1996 dont le prix attribué est 200.000,00 dinars. Son propriétaire jure qu’il y a deux mois un revendeur lui a donné 280.000,00 dinars dans ce même marché et qu’il ne l’a pas vendue, croyant qu’il verra augmenter son prix une autre fois. Pour une Toyota Pick-up double cabine de l’année 2012 son propriétaire dit entendre 2.800.000,00 dinars comme offre. Le marché d’Akbou ne reçoit pas de voitures hautes gammes. Rachid, un revendeur venu de Béjaïa, soutient qu’il était là avant la levée du jour et c’est lui qui nous expliquera les contours de ce marché. «J’ai liquidé tous mes véhicules juste à la fin décembre dernier. Aujourd’hui, je suis venu pour acheter mais les prix ne sont pas encore stables. Certains véhicules ont vu leurs prix augmenté et d’autres diminué. Mais ce qui est anormal et gare aux novices et naïfs, certains font eux même les prix et vous disent qu’ils sont offerts.
C’est pour cela, d’ailleurs, que certains acheteurs font appel à des connaisseurs pour ne pas se faire arnaquer», a-t-il dit. Fait marquant, la surface réservée aux véhicules à la vente est bordée par des fast-foods ambulants, d’où se dégagent les embruns des viandes et poissons grillés, les fritures et autres. Les gens font la chaîne pour s’arracher un casse-croute ou une limonade. Une pléiade de charlatans parmi eux une femme, vendant des produits médicinaux traditionnels, leurs mégaphones crèvent les tampons. Ceux qui sont en grand nombre c’est les marchands de la pièce détachée d’occasion et neuve. Ils dépassent la cinquantaine. Ces vendeurs sont très convoités par les mécaniciens et les particuliers qui trouvent de bonnes affaires. Un mécanicien nous dira à cet effet. «Chaque vendredi, je viens ici et c’est devenu une habitude pour moi. Il m’arrive de trouver une pièce de rechange d’occasion meilleure que la neuve à un prix très en deçà aussi. Quand vraiment la pièce que je recherche est rare et que je ne la trouve pas chez les revendeurs, je charge quelqu’un pour me la procurer pour la semaine prochaine. J’ai tissé des liens avec les vendeurs venant de M’sila, Tajenant… et j’évite à certains clients de faire des parcours à la recherche d’une pièce. Car en plus des pertes de temps et de l’argent, ils peuvent se faire arnaquer», a expliqué ce mécanicien, une explication relayée par un particulier qui a fait savoir que lui aussi ne se donne pas beaucoup de peine à aller ailleurs pour chercher une pièce de rechange automobile, sachant pertinemment qu’il a plus de chance de la trouver dans ce marché à un prix défiant toute concurrence aussi bien pour la neuve que pour la bonne occasion. Nous arrivons au carré des engins agricoles et des véhicules de marchandises. Il y a peu d’engins agricoles. Seulement deux tracteurs presque usés exposés à la vente et entourés de quelques personnes dont la plupart sont des curieux. Cela montre que la région au relief accidenté où 80% des parcelles sont inaccessibles à la mécanisation. Un espace important est réservé au véhicules de transport où les gammes asiatiques dont les 90% sont de marques chinoises qui ne trouvent pas preneurs malgré leurs prix très bas, contrairement aux véhicules de marques japonaises et Sud Coréennes qui affichent des prix très élevés, à l’image de cette Toyota pick-up de l’année 2005 dont l’offre a atteint 1.400.000,00 dinars et le propriétaire n’a montré aucune volonté de la céder à un tel prix. Derrière un grand amas de terre formant une montagne cachant une autre vie qui se mène derrière, notre curiosité était attirée par les aboiements de chiens. Nous avons décidé de monter sur cet amas pour voir ce qu’il cachait. Nous avons tout simplement découvert un campement d’une dizaine de baraques faites de tôles, de toiles et de plastics. Une dizaine entre mulets et chevaux y étaient attachés par les brides à un mur. Un tel camp ressemble à ceux qu’on voit dans des films Far West. Des familles vivent dans l’insalubrité sans sanitaires, ni eau, exposées au froid. Il était 10h du matin quand les premiers véhicules commencent à quitter le marché. Une anarchie indescriptible commence à se former sur la route déjà exigüe, où trois rangées de voitures se sont formées obstruant la voie aux véhicules venant au sens inverse. Tout le monde semble pressé. Des klaxons fusent de partout créant un brouhaha. Il a fallu l’arrivée des agents de police pour rétablir l’ordre. À partir de 13h, la ville d’Akbou se vide de tout ce beau monde et retrouve sa nonchalance.
L. Beddar

