Une culture et une pratique à réhabiliter

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La communauté internationale célèbre, aujourd’hui, samedi 13 février, la Journée mondiale de la radio.

Un média qui fonctionne de manière régulière depuis un siècle, s’adaptant à toutes les technologies ayant jalonné l’audiovisuel. Il a accompagné les guerriers, la femme au foyer, les jeunes « déjantés », les parents à la recherche d’un conseil juridique ou médical, les amoureux des stades de football, ceux qui attendaient leur chanteur préféré…etc. La célébration de cette Journée mondiale s’inscrit, cette année, sous la devise : « le rôle de la radio en situation d’urgence et de catastrophe humanitaire ». Deux grandes expériences naturelles, vécues depuis le début des années 2000 par les Algériens, ont révélé l’importance de la radio dans la transmission de l’information relative à ces événements. Il s’agit des inondations de Bab El-Oued de 2001 et du séisme de Boumerdès en 2003. C’était au début de l’aventure médiatique de l’extension des radios régionales en Algérie. Même si tout le monde était pris de court par ces deux catastrophes, y compris les radios qui étaient fonctionnelles à l’époque (radios centrales publiques et radio Al Bahdja d’Alger), la leçon est supposée retenue pour un rôle plus accru et plus adapté dans la radio dans le sauvetage des vies humaines à la survenue des calamités naturelles. « Dans les décombres et face à l’urgence, la radio est souvent le premier média de la survie. Sa pérennité est un atout incomparable. Elle lui permet souvent mieux et plus vite que d’autres médias de résister aux chocs et de retransmettre des messages de protection et de prévention auprès du plus grand nombre et de sauver des vies », écrit la directrice générale de l’Unesco, Mme. Irina Bokova, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de la radio. Pour les Algériens et par-delà le thème arrêté pour cette année, à savoir la radio en situation d’urgence et de catastrophe humanitaire, un nouvel apprentissage culturel est en train de se faire par rapport à la radio, un canal de formation, d’information et de sensibilisation qui poursuit son bonhomme de chemin depuis un siècle.

Comment redorer le blason de l’écoute radio ?

Parallèlement à la radio de l’administration coloniale, l’ORTF, qui réservait des émissions en kabyle et en arabe à l’intention des « indigènes », les Algériens découvrirent, pendant la révolution, la radio clandestine du FLN, avec la célèbre voix de Issa Messaoudi. Ensuite, avec l’Indépendance, la radio subira la loi de la « domestication », comme celle qu’ont connue la télévision et la presse écrite, au service du pouvoir en place. Les libertés durent bridées pendant plusieurs décennies. Cependant, des animateurs de talents, engagés sur le front culturel, étaient arrivés à sauver la radio chaîne II (en kabyle) de cet avilissement politique, en y présentant des émissions culturelles de haute facture, allant jusqu’à briser des tabous de l’interdit officiel pesant sur la culture amazighe. Benmohamed, Tassadit, Hadjira Oulbachir, Boukhalfa Bacha et d’autres noms de la culture ont sauvé la face et ont fait de la radio un moyen de sensibilisation et de formation de premier ordre. La multiplication des chaînes régionales de radio depuis la fin des années 1990 a été malheureusement précédée et accompagnée d’une invasion culturelle venant de la télévision satellitaire et de l’internet, au point de présenter cet ancien moyen de communication, la radio, comme un « objet de musée » dont l’intérêt n’est pas complètement reconnu. On peut constater que dans les pays avancés, c’est exactement l’inverse qui s’est passé. C’est-à-dire que les technologies modernes ont mieux mis en relief la place et le rôle de la radio dans la société. On peut légitimement se poser la question de savoir que représente encore la radio pour le public algérien ? Dispose-t-elle d’un public spécifique, clairement répertorié capable d’être analysé en vue d’améliorer les performances de cet outil culturel et médiatique à la fois ? Sans que l’Algérie se donne tous les moyens pour suivre et mesurer l’audience et la place de la radio dans la vie domestique de chaque jour, ainsi que sa pénétration dans les couches de la société il n’en demeure pas moins que la question mérite d’être posée dès à présent, vu les grands investissements publics consentis par le gouvernement pour mettre en place plus de 50 stations de chaînes de radios en l’espace de quelques années.

« Un média qui capte l’imagination et rassemble les populations »

L’Algérie, jusqu’au début des années 1990, ne possédait que trois chaînes de radios publiques : les chaînes 1 en arabe, 2 en kabyle et 3 en français. Dans la foulée de l’ouverture sur la société le gouvernement a multiplié les radios régionales dans les wilayas et à renforcé le réseau de chaînes dans la capitale par des radios de divertissement, de proximité ou à caractère culturel/religieux (Jeel FM, radio Al Bahdja, radio culturelle, radio Coran). Ici, l’on peut relever tout de suite que cette  »ouverture » sur la société s’est limitée aux chaînes publiques. L’adoption de la loi sur l’audiovisuel n’a, jusqu’ici, rien apporté à la radio sur le plan des investissements privés. Si la presse écrite a devancé de loin les organes audiovisuels, c’est pour des enjeux politiques de taille. La presse écrite, malgré son aura, ses performances et sa façade d’  »alibi » démocratique dont les pouvoirs successifs ont essayé de tirer une espèce de  »gloriole », ne peut pas être placée sur le même rang- en matière d’influence et de formation de l’opinion publique- que la radio ou la télévision. Constitués en société traditionnellement orale, frappés par un profond analphabétisme que ne rendent pas les chiffres officiels, les Algériens ont tendance à considérer d’abord et à croire la télévision et la radio. L’usage de ces deux moyens d’information est renforcé par le côté divertissant, voire ludique, des programmes qu’ils proposent. Les choses ont rapidement évolué avec le satellite qui met à la disposition des Algériens des milliers de chaînes de radio et de télévision… étrangères. Cependant, malgré cette profusion, les jeunes Algériens ne sont pas totalement satisfaits, d’autant plus qu’ils ne sentent pas complètement intégrés dans cette grande machine informationnelle. S’agissant de la mission de la radio, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, avait mis en relief, en 2015, ce « média qui capte l’imagination et rassemble les populations »; tandis que la directrice générale de l’Unesco soulignait, l’année dernière, que « la radio permet aussi, par la diffusion de l’information, de créer un sentiment d’appartenance commune. Elle aide les communautés à briser leur isolement dans des situations de conflit armé de tensions politiques, de détresse humanitaire ».

Amar Naït Messaoud

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