La population s’indigne

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La population de Béjaïa s’est réveillée en ce début de semaine en état de choc en constatant que la statue de Saïd Mekbel, érigée à la place du même nom, non loin du siège de la wilaya, a été démolie. L’information a très vite été relayée par les réseaux sociaux. Qui a fait cela et dans quel intérêt ? La stèle qui avait coûté quelques deux cents soixante-dix millions de centimes n’avait pas été démontée, mais détruite. C’est une destruction d’une œuvre d’art réprimée par la loi. Quel que soit la raison de son démantèlement, la statue n’aurait jamais dû être ainsi détruite. De plus, ayant été érigée par des citoyens et non par la commune, ladite statue n’était pas la propriété de l’APC. Elle n’aurait donc jamais dû y toucher. La mémoire de Said Mekbel est chère au cœur de la population de Béjaïa qui lui voue un profond respect, pour ses positions et du combat qu’il a mené et qui lui a coûté la vie. La place qui porte son nom est même devenue un lieu de rassemblement et de contestation politique de la population de toute la région. Quotidiennement, des visiteurs viennent également prendre des photos de ladite stèle, et se faire photographier à côté du buste du journaliste assassiné. Il y a de cela quelques jours, une polémique était née suite à la rumeur propagée à propos d’un projet de démolition d’une autre statue, celle du Soldat inconnu. Un rassemblement avait même eu lieu pour empêcher qu’on y touche. L’APC s’était empressée de démentir l’information pour calmer les esprits. Mais une fuite a permis aux réseaux sociaux de publier le PV d’une réunion de l’assemblée en question, qui prévoyait un projet de remplacement de trois statues : Celle du Soldat Inconnu, celle d’Ibn Khaldoun et enfin celle de Said Mekbel. Dans la journée, pour essayer d’enrayer le mouvement de protestation naissant et prenant de l’ampleur, le maire de Béjaïa, Abdelhamid Merouani, est intervenu sur les ondes de Radio Soummam pour expliquer les raisons de cette décision. Pour lui, il s’agit de rénover ces stèles, pour remplacer les statues actuelles par d’autres, plus solides, fabriquées en bronze. La photo de la nouvelle statue de Said Mekbel en bronze a donc été rendue publique et le président de l’APC aurait promis de procéder à son érection le mercredi prochain. Ce qui est étonnant dans l’affaire, c’est que ce projet ait été programmé dans une opacité totale. Ni l’association des journalistes, ni les promoteurs initiaux du projet, ni même la famille du défunt Said Mekbel n’auraient été consultés. L’œuvre d’art initiale, qui est normalement protégée par la loi, a subi des dommages irréparables. Qui en portera la responsabilité et qui en paiera le prix ? L’ONDA aurait-elle fait le constat pour porter l’affaire devant les tribunaux ? La justice s’auto-saisira-t-elle de l’affaire ? L’association des journalistes, portera-t-elle plainte ? Et quelle sera la position du ministère de la Culture dans cette affaire ? Aurait-il donné son accord, ou réagira-t-il comme il se doit ? Cette affaire risque bien de devenir un scandale de plus dont Béjaïa et même l’Algérie aurait-pu se passer. Said Mekbel est une gloire nationale qui a combattu pour que toute l’Algérie vive dans la paix et la liberté. De plus, cette décision de remplacement de ces statues ne revêtait aucun caractère d’urgence. Elles n’étaient ni délabrées ni menacées d’effondrement. Dans la rue, les citoyens commentaient l’affaire, en critiquant les priorités de l’APC. Il y en a d’autres à prendre en considération. Il y a le vieux bâti, avec des habitations qui s’effondrent, des routes à goudronner, des espaces à aménager, etc. L’APC semble s’être engagée dans une voie sans issue. La situation sanitaire de la ville est dans un état catastrophique. L’argent consacré à la réfection de ces statues aurait pu être utilisé pour améliorer le ramassage des ordures et le nettoiement de la ville, par exemple. Tout le monde s’accorde à déclarer que la ville est sale. La place même de Said Mekbel n’est pas nettoyée régulièrement. Parfois, il est impossible de s’assoir sur les bancs installés autour de la stèle, tellement ils n’ont pas été nettoyés depuis des lustres. Mais avec cette affaire, on détourne le regard de la population des véritables problèmes pour les occuper avec des questions secondaires. Avec cette affaire, l’on a réussi ce que personne n’a pu faire depuis des siècles : déboulonner Djeha, dont le légendaire clou avait fixé l’histoire pour l’éternité.

N. Si Yani

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