Le gouvernement s’apprête, si la pluviométrie n’arrive pas à enregistrer des quantités acceptables d’ici le mois d’avril prochain, à déclarer l’état de sécheresse. « Une telle hypothèse n’est pas à exclure, si la situation persiste », a déclaré samedi dernier, le ministre des Ressources en eau et de l’Environnement, Abdelouahab Nouri. Le ministre a révélé que le temps de remplissage des barrages est de 67% (moyenne nationale). De même, son département ministériel a pris la décision que, en raison de la baisse de son niveau de remplissage, le barrage de Taksebt, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, n’alimentera pas la wilaya d’Alger. La capitale remplacera la quantité d’eau habituellement transférée de Taksebt par un transfert à partir du barrage Koudiat Acerdoune, situé dans la wilaya de Bouira. De même, parmi les mesures d’urgence prises par le ministère, figure aussi l’arrêt de l’irrigation agricole à partir du barrage de Bouroumi, dans la wilaya de Blida. L’eau de ce barrage sera utilisée exclusivement à l’alimentation en eau potable des wilayas d’Alger et Blida. Imperceptiblement, le spectre de l’historique sécheresse de l’année 2002 se profile à l’horizon. Abdelouaheb Nouri a même rappelé les limites auxquelles était parvenue l’Algérie, en projetant d’importer de l’eau par bateaux-citernes à partir de Marseille. Une alternative, certes peu réaliste, mais qui montre le désarroi qui avait affecté l’Algérie face à une demande de consommation de 30 millions d’habitants à l’époque. Aujourd’hui, l’Algérie exploite plusieurs nouveaux barrages hydrauliques construits pendant les trois derniers plans quinquennaux de développement. Cependant, leur remplissage dépend de la pluviosité de la saison, et leur longévité et le maintien de leur capacité dépendent de la protection des bassins versants. Si la première donne relève du ciel et des changements climatiques, la seconde relève de la responsabilité des gestionnaires. Ces derniers ont aussi, comme autre responsabilité de mettre fin aux fuites et pertes des eaux à travers les réseaux et les branchements illicites. Plus que jamais, la rationalisation de la consommation de l’eau et la modernisation de sa gestion (adductions, réseaux,…) s’avèrent des missions stratégiques qui relèvent de la sécurité nationale. Les ressources financières des années « fastes » (2000-2014) ont permis également d’installer des stations monobloc de dessalement de l’eau de mer. 13 unités parsèment le littoral algérien, avec une production d’environ 2 millions de mètres cubes par jour. C’est un apport considérable, particulièrement pour les grandes villes, comme Oran et Alger, dont le niveau de consommation de l’eau (eau potable, industrie, agriculture) est très élevé. Cependant, outre le coût de production élevé du mètre cube d’eau (entre 120 et 150 dinars), les experts ont également relevé les fortes charges des entretiens de ces installations, du fait de la complexité de leur « mécanique », mais surtout de la corrosion des matériaux par l’effet du sel. Sans omettre, bien entendu, la consommation énergétique (gaz) que requiert la production d’un mètre cube. Avec le parc de barrages que compte le pays, outre ceux en construction, les stations de dessalement et d’exploitation des eaux souterraines, dont la nappe albienne du Sahara, l’Algérie dispose de fortes potentialités et de réserves assez conséquentes pour supporter des années exceptionnelles de sécheresse. Cela à condition que la gestion rationnelle de la distribution et de la consommation de l’eau soit au rendez-vous. À condition également que les barrages ne voient pas leur capacité réduite de moitié en quelques années, suite à l’envasement généré par l’érosion des bassins versants. Sur ce plan, l’Algérie a enregistré un grand retard. Des bassins versants de plusieurs milliers de kilomètres carrés sont presque complètement nus. L’un des exemples étant le bassin du barrage Koudiat Acerdoune qui s’étend sur les wilayas de Bouira et Médéa. L’étude qui en a été faite par le bureau d’études Canadien, Tecsult, montre l’ampleur des tâches à accomplir pour protéger de telles étendues, dont, néanmoins, la nature juridique relève majoritairement de la propriété privée sur laquelle il n’est pas aisée de mener des travaux de protection. Les experts insistent particulièrement sur la rationalité qui devrait caractériser l’exploitation de la nappe saharienne, laquelle, malgré son étendue et son grand volume, demeure une ressource non renouvelable, comme le pétrole. Car, elle n’est pas issue des pluies actuelles, mais de l’eau des temps géologiques les plus reculés que la dynamique des transformations de la terre a « piégé » dans le sous-sol saharien. L’on ne peut ignorer les apports de la « petite hydraulique », telles que les sources captées et aménagées dans les zones rurales, les diguettes, les mares et autres ouvrages réalisés dans le cadre du développement rural, à la vie des populations. Les anciennes fontaines des villages de Kabylie sont une précieuse ressource dont une grande partie est prise en charge, sur le plan de l’entretien et du nettoyage périodiques, par les comités de village. C’est là une tradition qu’il y a lieu de garder et de perpétuer.
Amar Naït Messaoud
