Une visite sur les lieux nous a permis de comprendre mieux les raisons qui ont poussé les employés à exprimer leur ras le bol.Il est 9h, plusieurs dizaines de travailleurs se sont regroupés à l’entrée principale de l’usine. Sur les visages de ces employés, on peut lire la colère, la misère et le dénuement.Ils observent de loin méticuleusement comme s’ils attendent l’arrivée de quelqu’un. La grande partie de ces travailleurs sont à l’intérieur, tandis qu’un groupe de 5 ou 6 travailleurs sont restés à l’extérieur.Quelques instants après, les responsables UGTA de l’Union locale d’Azazga et de l’Union de wilaya arrivent. Les syndicalistes entament brièvement une discussion avec le secrétaire général de la section syndicale de cette entreprise. Immédiatement, un responsable de l’Union de wilaya demande aux gardiens de laisser entrer le groupe des travailleurs qui étaient à l’extérieur. “Ce ne sont pas des voleurs, laissez-les entrer”, lance-t-il. Finalement ledit groupe d’employés sont ceux qui viennent d’être licenciés récemment.Quelques instants après, une Toyota grise, conduite par un homme d’une cinquantaine d’années rentre à l’usine. “C’est le directeur de l’entreprise”, nous a-t-on informé.Parmi les revendications des travailleurs, l’on compte “en plus du problème de licenciement de leurs collègues, la non-perception des salaires depuis presque trois mois, et la situation de risque de naufrage imminent qui pèse sur l’entreprise”, nous explique le représentant des travailleurs.La foule des travailleurs au nombre d’une centaine, fait son entrée à l’intérieur et improvise un rassemblement face au bâtiment de la direction de l’entreprise.Le visage grave, les travailleurs entendent religieusement les prix du pétrole donnés par les responsables de l’UGTA. “Notre entreprise est une mine d’or. Elle est à vous, et c’est à vous de la défendre”, lance un syndicaliste à l’endroit de la foule et d’ajouter : “Nous sommes avec vous, quitte à mobiliser toute la wilaya pour le triomphe de votre cause” et un autre d’enchaîner : “Vous avez le droit de demander vos salaires, de rejeter les départs volontaires et la retraite anticipée qu’on veut vous imposer”, lance-t-il.Tout d’un coup, les travailleurs se sont sentis libérés de leur peur et les langues commencent à se délier. Toutes les interventions sont presque un réquisitoire sévère contre le directeur de l’entreprise.“Nous ne voulons pas de problèmes. Le problème c’est lui, car il freine le bon fonctionnement de notre entreprise”, accuse un travailleur et d’ajouter : “ Il est là pour assumer l’actif et le passif de l’entreprise”. A un autre de lancer lui aussi : “Notre production est réduite de 50%. Le directeur fait tout pour étouffer l’entreprise”, accuse-t-il, pour exemple il cite : “Il arrive à 9h, il est présent trois jours par semaine, et depuis son arrivée il n’a jamais voulu réunir les travailleurs”. Et d’ajouter “Il refuse l’achat de pièces détachées pour les machines. Il nous restait deux camions, on les a vendus aux enchères”, fulmine ce travailleur très en colère. De la foule fuse des applaudissements de soutien.Les travailleurs se succèdent pour prendre la parole. “Un directeur est censé élever le niveau de l’usine et non le contraire”, déclare un travailleur.Par ailleurs, les employés dénoncent le comité de participation de la firme qu’ils accusent “de connivence avec la direction et ce au détriment des travailleurs”.Sur un effectif de 176 travailleurs, 7 d’entre eux ont eu des départs volontaires. “On leur a donné une indemnité de 100 000 DA qui n’est pas totalement perçue, pour le reste, on leur fournit de la brique”, dénonce un représentant de ces travailleurs.Par ailleurs, ils dénoncent le changement opéré dans l’organisation des équipes de travail, particulièrement celle de la nuit. Lesdits changements selon eux ont provoqué la réduction de la production et du rendement. Mais aussi, ils dénoncent les conditions difficiles dans lesquelles l’équipe de nuit exerce.Il faut noter que nous avons demandé de voir le directeur pour connaître sa version des faits, au sujet des accusations portés contre lui, mais ce dernier a tout simplement refusé de nous recevoir.Les travailleurs en colère ne comptent pas baisser les bras. Ils envisagent d’autres actions de protestation qui seront engagées jusqu’à ce que leurs doléances soient prises en charge. Parmi ces actions, l’on retient le préavis de grève qui a été lancé durant cette journée de protestation.
Mourad Hammami
