Tamazight, un pas en avant

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Les travaux du Colloque international sur la confection de dictionnaires monolingues amazighs qui se sont déroulés à l’université de Béjaïa, à l’initiative du HCA, se sont avérés très techniques.

Près d’une quarantaine de chercheurs sont venus de plusieurs pays exposer leur travail devant un public intéressé. Le lancement des travaux a été fait par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, M. Tahar Hadjar, qui a tenu à être présent et à donner sa caution et celle du gouvernement à ce colloque inédit, le premier de la sorte depuis l’officialisation de la langue amazighe. Les communicants ont commencé par partager leurs réflexions et leurs questionnements autour de cette problématique majeure, qui consistera à réunir dans un réceptacle la totalité des mots amazighs connus, pour les mettre à la disposition du public sous forme d’un dictionnaire monolingue. L’une des difficultés exposées par les chercheurs est la variété des dialectes et de parlers, dans cet immense territoire de Tamazgha. El Hachemi Assad a insisté pour que le travail se fasse sur la base d’un consensus général, pour n’exclure aucun apport et aucune richesse. Les chercheurs sont venus d’aussi loin que les États-Unis, la Grande Bretagne, la Suisse, la France et l’Italie. Mais aussi, ils furent nombreux, du Maroc voisin qui est relativement plus avancé dans le domaine de l’étude du tamazight à la faveur d’une officialisation plus ancienne de la langue et de l’existence d’organes officiels chargés de son développement. En Algérie, en dehors des chercheurs de l’université de Béjaïa, nombreux furent ceux venus de Tizi-Ouzou, Batna, El Bayadh, Bouira, etc. Les organisateurs ont tenu à ce que personne ne soit exclu de cet événement, puisque la langue appartient à tous et son développement nécessite l’apport de tout un chacun. L’ordre des communications fut progressif, même si elles sont passées rapidement aux aspects techniques. La partie historique ainsi vite fait place aux questionnements des chercheurs sur les éléments lexicographiques. Quelles que soient les origines de ses chercheurs et leurs provenances, ils ont tous partagé leur intérêt pour cette langue plusieurs fois millénaire, et qui pourtant a besoin de se développer davantage, surtout qu’elle a subi de nombreux déboires tout au long de son histoire. Les chercheurs ont eu la liberté de s’exprimer dans les langues de leur choix. Beaucoup ont communiqué directement en tamazight, dans leur variante particulière, qui a permis aux présents d’apprécier aussi bien le Kabyle, le Chaoui et le Chleuh. D’autres se sont exprimés en arabe ou en français, mais la plupart ont utilisé indifféremment les langues passant de l’une à une autre, sachant que les berbères ont des capacités linguistiques très larges. Ainsi, trente-quatre communications ont été présentées par les chercheurs. Certaines d’entre elles furent présentées en duo, et les questions ont ainsi pu être exposées de manière rationnelle et scientifique. Le public, quant à lui, a écouté religieusement les interventions des spécialistes. La plupart des présents étaient constitués d’enseignants et d’étudiants. Mais on a aussi pu voir dans le public des artistes, militants de la culture berbère, de nombreux journalistes ainsi que quelques personnalités politiques. Les débats ont été parfois rudes, surtout quand il s’agissait de questions techniques. Mais ce fut surtout des échanges riches entre spécialistes, dont la plupart se rencontraient pour la première fois. Des points de vue différents ont ainsi pu s’exprimer dans la norme et les usages académiques universels, montrant la maturité de la recherche en amazighité pourtant encore à ses premiers balbutiements. En parallèle avec ces communications faites à l’auditorium de l’université deux ateliers ont été organisés, réunissant les spécialistes sur des questions précises. L’atelier «A» était consacré à «l’apport de l’informatique dans la confection des corpus», tandis que le deuxième atelier «B» a été consacré à «l’identification et l’organisation d’unités de recherches prioritaires pour tamazight, dans le cadre du démarrage du Centre de recherche en langue et culture amazighes de Béjaïa». Ce centre est en cours de finition, et il sera livré à la fin de l’année universitaire en cours, comme promis par Boualem Saidani, recteur de l’université de Béjaïa. La rencontre de Béjaïa a été exceptionnelle à plus d’un titre. D’abord par sa problématique, ensuite par le nombre des communicants, et enfin, par le contexte exceptionnel qu’a créée l’officialisation de la langue amazighe par la dernière révision constitutionnelle. À la clôture des travaux, présidés par le ministre de la Culture, M. Azzedine Mihoubi, M. El Hachemi Assad, secrétaire général du HCA, et M. Boualem Saidani, recteur de l’université de Béjaïa, ont mis l’accent sur le climat de sérénité qui a régné pendant le colloque. Les recommandations des chercheurs, faites dans les ateliers et la plénière, ont mis l’accent sur la nécessité de recenser l’ensemble des mots de la langue amazighe dans un dictionnaire, pendant que Azzedine Mihoubi les a invités à ne pas hésiter à faire des emprunts à d’autres langues et de les adapter au tamazight à chaque fois que nécessaire. C’est ce que font toutes les autres langues qui s’enrichissent les unes des autres. Cette rencontre a, donc, été à la fois exceptionnelle et historique

N. Si Yani

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