«Tafunast i i ttezzgen pétrole», sur les étals

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Confinée dans la tradition orale, l’expression littéraire kabyle est portée, essentiellement, durant plusieurs siècles, par deux genres définis comme oraux : le conte et la poésie.

Avec l’indépendance, cette littérature a connu un autre essor. Dans le sillage du mouvement identitaire porté surtout par des intellectuels issus de divers horizons et versés dans l’écriture comme mode de transmission de la culture et de la littérature, le kabyle s’inscrit dans l’écriture et, qui plus est, s’invite dans plusieurs genres littéraires nouveaux.

Cette nouvelle littérature appelée par des spécialistes «néo-littérature» a permis la naissance de genres littéraires nouveaux, comme le nouvelle, le roman, l’écriture cinématographique (Adrar n Baya, Tawrirt yettwttun et Machaho…). La littérature kabyle s’est aussi frayé un chemin dans le domaine de l’écriture journalistique. On en citera entre autres l’expérience de l’Hebdo n tmurt, Aghmis n Yimazighen et Tighremt qui ont fait du kabyle une langue qui exprime l’événement, et qui traduit la réalité quotidienne des Algériens.

Une écriture nouvelle qui a ses exigences et qui inscrit le kabyle dans un autre processus d’écriture. Toujours dans cette écriture journalistique, la langue kabyle vient de s’enrichir avec un nouveau genre dit «la chronique journalistique» qui se définit comme récit d’événements réels ou imaginaires qui suit l’ordre du temps, consacrée à l’actualité dans un domaine particulier (chronique politique, théâtrale, sportive, judiciaire…). Tahar Ould Amar vient de publier un recueil de chroniques aux éditions Achab, préfacé par Said Chemakh. Ce recueil intitulé «Tafunast itteẓẓgen pétrole» compte soixante-quinze chroniques parues déjà durant les années 2010-2011, dans le supplément en tamazight du quotidien «La Dépêche de Kabylie».

Ces chroniques racontent la société algérienne avec le regard critique d’un petit bébé personnage principal et narrateur, secondé dans plusieurs chroniques par d’autres bambins en ont marre de l’inertie de leurs géniteurs. Ce recueil commence une chronique intitulée «yennayer s ubibru», anida le bébé se présente aux lecteurs : «akken twalem nekk d abibid, milmi kan id-lulex mebla ma icewr-yi-d yiwen, mais bon, tura aqli da, yerna am umesmar n Gehha. Asmi akken llix deg t3ebbut n yemma i hsix belli anda akka ara d-xlix macci akk d tamurt…». Dès les premières phrases de cette première chronique, la couleur est déjà annoncée ; il s’agit d’un regard critique sur tous les sujets chauds de l’actualité algérienne qui ont secoué la scène politique, sociale de l’Algérie durant les années 2010 et 2011.

L’auteur passe aux cribles tous les sujets de l’actualité algérienne d’alors, la pénurie des vaccins, les problèmes linguistiques, la convoitise politique de la Kabylie, l’école algérienne, l’affaire Sonatrach, la condition de la femme, la militance…Tous ces sujets gravitent autour d’un thème principal : «la rente pétrolière», qui semble être le fil conducteur de toutes ces chroniques et qui justifie le titre de ce recueil. Dans l’une des chroniques qui traitent justement du sujet de la Sonatrach, notre Abibid souligne «Sonatrach am wakken ara d-tinid d tafunast i seg 3acen i3eggalen n twacult. D acu, Sonatrach ur tettezzeg ara ayefki : tettezzeg pétrole…».

Le petit abibiḍ continue de s’interroger sur cette entreprise qui a fait couler beaucoup d’encre et… de larmes aux adultes : «Selon toujours baba, Chakib Khelil, win iwumi yefka Bouteflika tafunast ad teks, isumm akk timazzagin is…». Bien que le Abibid de Ould Amar Tahar ait porté sur les grandes questions de la vie, il garde son innocence et sa spontanéité qu’on connaît aux «bébés». Le personnage – narrateur ne se limite pas à décrire et constater. Il y met son grain de sel en proposant, quelques fois, des solutions à ses aînés : «uheq tibibicin i ssnex d tid mazal walax a les adultes qersen kumplikin, ssbeh meddi d metti, alors qu’il suffit ad beddlen ameksa, nex ad ksen Sonatrach s nnuba».

N. B.

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