Le Festival Bougie en bulles a ouvert ses portes, samedi dernier, pour trois jours, à la Maison de la culture Taos Amrouche, pour une fête de la bande dessinée, à destination des jeunes.
Il y avait une foule très nombreuse à ce festival qui se déroule à la faveur des vacances scolaires. L’essentiel des visiteurs était constitué d’adolescents et de jeunes adultes, et aussi de nombreux enfants accompagnés, le plus souvent, de leurs parents. C’est au son puissant de musique de Hard Rock, avec AC/DC en tête, que les visiteurs sont accueillis, leur montrant le chemin vers l’enfer, avec un «Highway to hell» sciemment préparé. Et c’est véritablement un festival d’enfer qui a été organisé puisque les cranes et têtes de morts trônaient sur plusieurs stands. Des figurines, statuettes et t-shirts sont ainsi proposés aux visiteurs, à côté de posters et bandes dessinées. Le festival a été envahi par les mangas. Ces bandes dessinées japonaises ont pris la part du lion dans cette exposition, puisque près de 70% des bandes dessinées proposées concernaient les dessins japonais. Même si à côté il y avait une certaine diversification, il n’empêche pas que les amis de «Naruto», de «One Piece» et des mangas «Shonen» ont prévalu durant ces journées de la bande dessinée de Béjaïa. Des exposants sont venus de plusieurs régions d’Algérie. Mais il faudrait noter la prédominance d’Alger, qui a été représentée par plusieurs dessinateurs et éditeurs de bandes dessinées. Ainsi, Kaza Editions a proposé de nombreux titres, aussi bien en mangas qu’en histoire de l’Algérie, avec des livres en petit format, d’accès abordable pour les jeunes. A côté Laab Store a présenté sa collection de revues qu’elle publie depuis de nombreuses années, et qui continue de se développer aussi bien en contenu qu’en présentation. De nombreux dessinateurs se sont pris au jeu de l’apprentissage du dessin en faveur des jeunes enfants, qui ont pris un certain plaisir à côtoyer des artistes venus de plusieurs régions d’Algérie. Ainsi, Togui, algérois d’origine bougiote, est venu avec ses camarades d’Oran et d’ailleurs présenter leurs projets au public de cette région qui semble lui plaire, et dans laquelle il trouve un certain répondant. Ils constituent un collectif de huit artistes venus de différentes régions du pays, pour essayer de partager leur art avec les enfants et leur montrer qu’il est toujours possible de dialoguer avec des instruments culturels, pour les préserver de la violence et du désespoir. Une française, amatrice de Kanji, Hiragana et Katakana, écritures japonaises, proposait aux jeunes, pour la «modique» somme de mille dinars, de transcrire sur du papier spécial, leur nom en japonais ou tout autre texte de leur choix. À noter, cependant, que ni Lucky Luc ni Astérix, dont une version en tamazight existe depuis deux ou trois années, n’étaient présents à ce Festival. Dans l’ensemble, l’atmosphère était bon enfant et le temps a été clément permettant aux familles de se déplacer, et aux enfants de découvrir autre chose que leur environnement quotidien essentiellement lié à l’école et à l’éducation. Ce qui est dommage durant ces trois jours, est la quasi-absence de bandes dessinées totalement algériennes. Le temps de Mékideche ne semble pas être de retour, et la consommation de produits étrangers, si elle ne provoque pas le développement de produits locaux, risquerait de devenir un nouvel outil de déculturation, contribuant ainsi au marasme culturel dans lequel se trouve notre nation. Il aurait été intéressant que cette fête soit encadrée par les directions de la culture, de l’artisanat, de l’éducation, de la jeunesse, etc. pour lui donner plus de moyens et l’aider à se hisser vers des standards autrement plus élevés, dans l’espoir de laisser émerger une industrie de la bande dessinée dans la région, avec un rayonnement national si possible. Des événements de ce genre ont besoin d’être réfléchis et organisés avec plus de professionnalisme, sachant que la matière existe et que la richesse humaine est foisonnante. Il serait dommage de laisser mourir les potentialités évidentes dont regorge la région de Béjaïa, au profit d’événements superficiels, alors qu’il suffirait de creuser un peu pour accéder à cette immense richesse dont est réputée la région. À l’exemple de Togui et bien d’autres, si cette richesse n’est pas exploitée en local, en lui donnant les moyens de fleurir et de s’épanouir, elle ira s’exprimer sous d’autres cieux, au détriment de cette région qui continue de souffrir par manque de vision et de réflexion de nature à permettre à Béjaïa de montrer toutes ses capacités, et à ses artistes de prouver leur talent.
N. Si Yani