Un village qui avance

Partager

Le printemps est une saison fabuleuse et propice pour visiter les villages de Kabylie qui sont des merveilles érigées, la plupart, dans des milieux naturels où dame nature leur ajoute du charme, comme Laâzib Rocher que nous avons décidé de visiter.

Pendant la colonisation, il s’appelait ferme Roucher, portant le nom de son propriétaire Louis Roucher, un colon de Seddouk, ancien transporteur public reconvertit en agriculteur spécialisé dans l’oléiculture et l’élevage d’animaux domestiques. Ayant une famille composée d’une femme et de six enfants, il a quitté l’Algérie en 1960, à l’approche de l’indépendance. Les habitants actuels sont venus du douar d’Ath Ziki, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, pour s’installer dans la région de Seddouk. Ils travaillaient chez ce colon et ceux des alentours. Après avoir gagné de l’argent, ils commençaient à acheter les terres des colons en 1952. Comme ils sont nombreux, ils ont créé trois villages : Akhnak, Laâzib Michel et Laâzib Rocher, trois bourgades proches l’une de l’autre. Les familles qui s’étaient implantées sur la ferme de Louis Roucher ont fondé un petit village appelé Laâzib Rocher. C’est Aziri Laid, un membre de l’association socioculturelle Assirem du dit village, rencontré à la ville de Seddouk qui nous a invités à visiter leur bourgade. Rendez-vous pris pour vendredi matin donc, un jour de week-end, où les habitants ne sortent pas pour aller travailler ou vaquer à leurs occupations en ville. Il était 10h du matin, le jour «J» quand nous quittons la ville de Seddouk pour Laâzib Rocher. Nous roulons sur le CW141 reliant la ville de Seddouk à Akbou, en passant par Laâzib Rocher, un village éloigné de quelques six kilomètres de la ville de Seddouk. Ce trajet, les habitants de Rocher le faisaient autrefois à pied ou à dos de mulet contrairement à maintenant où chaque minute passe un bus allant vers Seddouk ou Akbou. Notre guide nous l’avons trouvé à l’abribus se trouvant aux trois chemins du CW141 où se situe aussi la route menant au village Rocher. Il nous attendait tout bonnement. Après les salutations d’usage, il nous montre du doigt son village situé à quelques 300 mètres de là de l’autre côté de la rivière Tassaft, sur un terrain légèrement accidenté. C’est une petite forteresse au milieu d’une grande prairie avec des maisons anciennes construites avec de la pierre taillée locale et charpentées avec de la tuile rouge. L’ancien bâti se dispute avec le nouveau composé généralement de villas haut standing assorties de jardins fleuris, dont la plupart sont dotés de murets ou de clôtures. Comme elle attire le regard avec son charme éblouissant à couper le souffle, nous avons pris une photo pour immortaliser cet Eden, où il semble que les habitants vivent paisiblement, aimant leur village où il fait agréablement bon vivre. Nous prenons la route qui y mène, qui descend jusqu’à la rivière Tassaft où un dalot de fortune faisant usage de pont qui permet aux habitants de traverser été comme hiver la rivière sans risques, ce que nous expliquera notre guide. «Avant, on faisait trois kilomètres pour rejoindre le CW141 en contournant par le village Akhnak, alors que nous avons ce raccourci de 500 mètres maximum mais il y a la rivière dont les eaux se déchainent en hiver. Les adultes prenaient le risque d’enjamber les eaux ce que nous interdisons à faire à nos enfants. Il y a quelques années, nous avons saisi l’APC pour nous poser un dalot qui a été réalisé en même temps que le bitumage de cette route, dans le cadre des PCD 2008. Déjà avec ce dalot, notre village sortait de l’enclavement», a-t-il dit. Une fois ce dalot traversé la route continue en montée jusqu’au village. Les villageois qui nous ont accueillis chaleureusement se trouvaient réunis à la placette, lieu de leur rassemblement appelé Tajmaât. C’est le lieu préféré par la marmaille pour jouer.

Plusieurs projets réalisés

Pour nous, l’endroit est paradisiaque en appréciant notre villégiature de quelques heures, se sentant dépaysés avec une verdure à perte de vue et d’agréables senteurs qui s’y dégagent chatouillant les narines, mais les villageois nous donneront une autre image en parlant de l’avenir de leurs familles dans cette contrée qui compte encore des insuffisances sur le plan des infrastructures, celle d’un village en pleine mutation qui se développe tout de même doucement mais sûrement, ce que nous expliquera notre guide, mandaté par ses pairs. «Nous avons toujours élu nos notables démocratiquement. Choisis par la population, ils font tout leur possible en ne lésinant ni sur leurs volonté ni détermination à porter nos doléances aux autorités locales qui, parfois, répondent favorablement en nous accordant des projets demandés, comme ceux que je citerai. Nous nous approvisionnons en eau dans des fontaines jusqu’en 1984, date où l’APC de l’époque nous a effectué des raccordements à l’eau servie à partir du grand château d’eau de la commune. Même si l’électricité n’est arrivée dans notre village qu’en 1985, nous étions heureux du fait que cela nous a permis de nous imprégner de la vie citadine avec l’acquisition de téléviseurs pour les loisirs, du frigidaire pour boire une eau fraîche et conserver des aliments, marcher sous la lumière dehors, faire fonctionner des appareils électriques dans les cadres domestique et artisanal. La route qui nous a été bitumée est salutaire, car cela nous permet de rentrer à la maison les souliers propres et de ne plus inhaler la poussière que soulèvent les automobilistes en été. Si l’on s’en tient à cela, notre village a bénéficié en 2015 d’un projet de gaz naturel. Les travaux vont bon train et sa mise en service ne saurait tarder. Les villageois ont, eux aussi, bougé en réalisant durant ce début de l’année des pistes agricoles pour permettre aux agriculteurs d’aller aux champs avec des véhicules car de nos jours, l’usage du mulet se raréfie et a tendance même à disparaître», a déclaré notre guide qui ne s’arrête pas là puisqu’il a mis en relief toute une batterie de projet que les villageois souhaitent obtenir de la municipalité vu leur importance. «L’éclairage public ne couvre pas toutes les constructions du village, notamment les nouvelles, c’est pourquoi nous avons saisi qui de droit pour son renforcement et extension. La misère noire ce sont les jeunes qui la vivent avec un manque flagrant de loisirs. Ils n’ont d’autres choix que de s’adosser aux murs ou se pavaner dans les ruelles du village ou dans les champs. Notre village est le seul qui n’a pas bénéficié d’une aire de jeux de proximité qui est pourtant indispensable pour nos jeunes qui s’entraînent sur les chaussées ou plate formes quelconques. Il est du devoir de l’APC de songer de nous attribuer ce projet de stade et celui d’une Maison de jeunes dotée d’un réseau téléphonique fixe de type fibre optique pour le fonctionnement de l’Internet, une option dont rêvent nos jeunes pour surfer sur la toile. Nous souffrons de l’état piteux de nos routes, notamment la route reliant Amalou Sidi Mouffok au CW141 qui passe par notre village qui mérite bien un projet de revêtement de la chaussé en bitume. Nous voudrions aussi voir le chemin reliant le CW141 au CW11, d’une longueur de 1.2 kilomètre, bénéficier d’un projet pour le revêtement de la chaussée en bitume. Notre cimetière nécessite un projet pour la réalisation d’une clôture avec portail d’entrée et d’un local pour mettre à l’abri le matériel. L’intérieur du village nécessite des caniveaux en béton pour le drainage des eaux pluviales. Nous manquons de bacs à ordures et l’APC tarde à affecter un quota à notre village. Comme le village Laâzib Mohli est à proximité du notre, nous avons fait des demandes pour bénéficier de projets communs, tels qu’une mosquée pour l’accomplissement des cinq prières que les fidèles accomplissent dans les villages avoisinants, une école primaire pour la scolarité de nos potaches en bas âge, une salle de soins pour la prise en charge des malades et une fontaine publique», a ajouté notre guide qui n’a pas oublié de souligner que leur village recevra de gros investissements qui viendront renforcer ceux déjà existants.

Une usine dans le village

«Même si notre village est à vocation agricole, où les agents économiques sont des agriculteurs, ces dernières années une usine de fabrication de fil industriel a été créée et emploie une dizaine d’ouvriers. D’autres activités viendront renforcer cette usine fierté de notre village, comme le centre psycho-médicopédagogique qui sera implanté sur un terrain que l’APC a dégagé pour l’association le DEFI des daïras de Seddouk et Béni Maouche, qui s’occupent des handicapés. Nous avons entendu aussi qu’un opérateur économique cherche à créer un grand centre d’affaires et le terrain qui semble lui être proposé n’est pas loin du village. La zone nouvelle d’activités, créée au lieu dit Melakou, pourrait profiter à la population de notre village de par sa proximité. Elle est située à un jet de pierre de notre bourgade», fera savoir notre interlocuteur. Il s’est penché sur le secteur de la culture avec l’émergence d’un chanteur, fils du village, dont le premier CD qui verra bientôt le jour s’annonce prometteur. «Notre village sera tiré du néant dans le domaine de la culture grâce à Aziri Mourad, un enfant du village qui s’investit dans la poésie en écrivant des poèmes. Il a aussi la musique dans les veines, en composant des chansons regroupées dans un CD qui sortira prochainement, dont le titre est Arwah Arwah», a ajouté notre interlocuteur. Il y a une vingtaine d’années environ, les habitants du village Rocher vivaient un enclavement aigu. Ayant bénéficié de quelques projets de grande utilité publique, à savoir l’électricité l’eau et bientôt le gaz naturel, des commodités qui ont complètement changé leur cadre de vie. Les citoyens aspirent à beaucoup plus de moyens, en espérant voir leurs routes aménagées en bitume par les autorités locales à qui ils ont demandé aussi des projets pour la réalisation d’une école, d’un centre de soins, d’une mosquée, d’un stade, d’un foyer de jeunes,… etc. Si on ajoute à ces projets les investissements projetés, le village Laâzib Rocher deviendra une petite forteresse fortunée. Il possède aussi des richesses primitives tirées de l’agriculture ou dominent l’olivier, le figuier, le grenadier, la câpre. Sans oublier les pins et lentisque comme arbres sauvages. Pour notre part, nous avons quitté ce beau village de la commune de Seddouk dans l’espoir d’y retourner un jour, certainement quand il obtiendra les moyens qu’il veut se donner. Nous sommes au printemps, une saison où la verdure est partout avec un cran de plus au village Rocher.

L.Beddar

Partager