La famille Yacine réclame le camp de l’UNJA

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En effet, le lieu a été érigé par l’armée coloniale en un centre de détention et de torture et ce, au lendemain du déclenchement de la révolution du 1er-Novembre 1954. Tel que cité ce lieu est dénommé communément camp Ali Yacine, au nom du propriétaire de ce lot de terrain et ce bien avant la révolution. En effet la famille Yacine a enclenché des démarches depuis plusieurs années en vue de la récupération de ce lieu qui, à ses yeux, est un bien qui lui revient mais que les circonstances de l’histoire lui ont confisqué. Ali Yacine qui a laissé derrière lui 5 enfants et 2 filles est mort en 1969. Pour mettre en lumière cette affaire qui traîne depuis longtemps, nous avons rencontré l’un des fils d’Ali Yacine, portant d’ailleurs le même prénom que son père, et qui tout en présentant toute une liasse de documents, de plans et de photos comme preuves nous relate l’histoire de ce site depuis 1927. Selon lui le terrain a été acheté par son père en 1927 et il est composé de deux lots sous les numéros 51 et 52. A l’époque une cave avicole a été construite sur le lot n°51. Entre 1950 et 1953, il y a eu la démolition de la cave à vin et sur les lieux on a construit une maison et en face un garage et un appartement. Le 16 juillet 1956, alors que la révolution nationale battait son plein, l’armée coloniale française a réquisitionné l’ensemble de la propriété et pour preuve notre interlocuteur nous montre une copie d’un procès-verbal dressé par un huissier de justice. Depuis ce jour et jusqu’à l’indépendance ce lieu est devenu l’un des centres de détention et de transit de prisonniers de guerre et ce avant leur transfert à la villa “Lova” ou au DOP de Tizi Ouzou pour interrogatoires musclés et torture. L’héritier d’Ali Yacine poursuit son récit. Selon lui, en 1958, soit le 18 septembre, l’un des fils d’Ali Yacine, Abderahim, responsable au FLN a été arrêté par les autorités coloniales. Il ne sera libéré qu’à l’indépendance. Durant la même année la mairie de Tigzirt a mis à la disposition de la famille Yacine une maison qu’elle libère en 1962. A l’indépendance l’armée française quitte le camp et dresse un état des lieux sans aucune indemnisation. Juste après, l’ALN, devenue armée nationale populaire (ANP), occupe les lieux, près de 7 ans après soit le 10 mars 1969, l’ANP quitte les lieux et notifie son départ par une “remise” de cette propriété”. Bien après, la JFLN ou la future UNJA occupe les lieux. Alors qu’à l’époque une chape de plomb s’est abattue sur le pays sous la coupe d’un parti unique, le propriétaire est informé que l’occupation par la JFLN a été sur ordre du FLN. En 1971 après des pourparlers, un accord a été trouvé entre le propriétaire et le FLN pour la location de la propriété avec une option d’achat. Durant la même année par la lettre n°165, le FLN propose le rachat de la propriété” pour la somme de 1.000.000 DA. Cette proposition a été immédiatement rejetée par la famille Yacine. De 1972 à 1975, M. Yacine poursuit ses démarches auprès des différentes autorités de l’Etat. Durant cette dernière année, le wali de Tizi Ouzou de l’époque, donne instruction au chef de daïra pour la reconstitution du dossier et sa transmission à la wilaya. En 1982, une nouvelle requête a été adressée par les propriétaires au wali de Tizi Ouzou. 1986, la famille Yacine dépose plainte à la Chambre Administrative de Tizi Ouzou. Depuis et ce jusqu’à 1998, la cour de Tizi Ouzou a désigné et engagé pas moins de quatre expertises. En 2000 M. M., qui occupe la demeure a été invité à quitter les lieux sur base d’une expertise judiciaire initiée par les Yacine, le maire de Tigzirt de l’époque et l’inspecteur des domaines. En plus de ladite demeure, le site est toujours occupé par l’UNJA de Tizi Ouzou, laquelle le transforme particulièrement chaque saison estivale en un camp de toile qui assure diverses activités et cela sans omettre de citer qu’en parallèle ce site constitue un centre de transit pour de nombreuses familles en quête d’un logement. Selon le fils de M. Yacine, “à Tigzirt il n’existe officiellement qu’un seul camp de jeunes et c’est là où l’on a érigé actuellement la caserne de la BMPJ”. Et d’ajouter : “Ce camps est notre propriété et pas celui de l’UNJA et cette organisation ne dispose d’aucune preuve juridique qui atteste le contraire. Et s’il y en a qu’ils nous la montrent” dit-il. Pour donner plus d’éclaircissement au sujet de cette affaire nous avons sollicité M. Semane, le secrétaire général de UNJA de Tizi Ouzou depuis 1999 et qui a bien voulu nous recevoir. “La famille Yacine n’a aucun droit de propriété. Ces démarches sont des tentatives vaines” déclare-t-il et de poursuivre “Nous avons des documents qui attestent de la remise de ce bien par le FLN à la JFLN”. Par ailleurs, M. Semane déclare que son organisation “ne cédera rien et nous avons confiance en cette république” et d’enchaîner “en plus des festivités qu’on assure, nous préservons ce site qui recèle toute une page d’histoire de la guerre d’Algérie”. M. Semane nous a déclaré qu’il dispose de preuves juridiques qui attestent que ce site est un bien de l’UNJA. A notre demande de les voir, ce dernier nous a signifié qu’elles ne sont pas actuellement disponibles au niveau de son bureau. Selon ce responsable, ce centre retrouve désormais son statut d’autrefois et il est redevenu un centre international de la jeunesse. Pour appuyer ces dires, il nous parle de fiches techniques et de contacts qui sont entrepris avec certaine ONG pour l’aménagement de ce site ainsi que l’ouverture d’une école de langues à Tizi Ouzou et d’une convention qui a été signée, avec l’ambassade d’Allemagne pour réhabiliter ce site. De son côté la famille Yacine dénonce l’opacité qui entoure la gestion de ce camp. Cette dernière, à son tour, annonce que la page d’histoire de ce camp sera entièrement préservée et si elle venait à le récupérer, elle envisage de transformer ce site en un village de vacances. Aux dernières nouvelles, nous apprenons que les deux parties ont été convoquées par la commission de wilaya en vue de déterminer qui des deux parties en conflit a le droit de propriété sur ce célèbre site.

Mourad Hammami

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