Ces mots de la langue kabyle qui se suffisent à eux-mêmes pour produire du sens

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Il existe dans la langue amazighe de Kabylie des mots isolés qui donnent immédiatement des sens canoniques dans ce qu’ils expriment par suggestion démesurée. En effet, après le proverbe qui est souvent formé d’une seule phrase mais qui à elle seule donne du sens profond, il y a aussi une foule d’expressions toutes faites. Elles sont rendues avec un seul mot unique, un mot libre, un mot autonome, un mot condensé un mot dégagé des efforts qu’exige la parole. Ces mots uniques s’affranchissent et se débarrassent de toutes les tournures soumises aux difficultés dans l’élaboration de locutions très laborieuses. Par contre, les images bien cadrées que dégagent ces mots autonomes sont une description originale et complète qui utilise l’exagération volontaire et extra ordinaires des faits que seuls les effets spéciaux (autant dire des trucages) du monde cinématographique peuvent rendre. Avec ces mots, on n’a nullement besoin de se «casser» la tête à passer, à perdre son temps dans l’ardu perfectionnement de l’enchainement de phrases devant rendre toute l’intensité d’une description. Et bien non, rien de tout cela ! En un seul mot et tout est dit et bien compris, c’est à dire teddez-tebrez. L’usage de ces mots libres rendent souple, rapide, efficace et nettement amélioré le style même d’un récit, d’une dissertation ou d’une narration. Ci après quelques exemples de ces termes qui compriment le sens et vous le jette d’un trait de compréhension : «Ifeddix» se rapporte au fait de donner un très violent coup mais spécifiquement à la tête. «Alexxez» se rapporte au lâchage depuis une certaine hauteur d’un corps humain et aux conséquences des plus difficiles à décrire tellement l’acte est d’une extrême violence. «Asdenden» se rapporte à des coups ou collusions violents donner de la tête. «Esqerqer» faire fuir, faire décamper, faire déguerpir avec force fermeté bien décidée. «Aseglilez» châtier, punir en faisant rouer et rouler au sol une personne. «Asemmer» emprunté à l’image analogique d’un clou enfoncé fermement avec des coups secs et porteurs dans du bois comme on en donnerait en plaine figure. «Agzar» fait de déchiqueter la figure dans une bagarre mais par sens exponentiel de la séquelle. «Aâelleq» ici le mot autonome porte l’image d’une dispute au cours de laquelle un rival pend (ou suspend) de ses mains son adversaire, sans pour autant lui donner la mort bien évidement. «Tuzin» ce mot est souvent suivi de «tuzin s yiccer» fait de dépecer avec l’ongle et dont le sens vise à captiver l’attention. Ces mots peuvent être accompagnés d’un complément d’objet direct. Ainsi on aura : ifeddex-it, ilexxez-it, isdenden-it, isqerqer-it, isseglalez-it, isemmer-it, igezzer-it, yuza-t s yiccer etc. Les mots autonomes ne se rapportent pas seulement à la description de la violence d’un acte. Ils rendent aussi tout un ensemble de sentiments à l’exemple de «Aâuzzu» pour bien plus qu’adorer quelqu’un, «Abuddu» pour bien plus que choyer etc. Ces mots uniques, libres, autonomes et condensés sont rangés par la grammaire dans la catégorie des gallicismes, c’est-à-dire des mots intraduisibles.

Abdennour Abdesselam

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